Cœur de Ville : une approche globale et décentralisée pour corriger l’urbanisation anarchique

Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 19 Février 2021



Depuis 2017, le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales suit le projet Action Cœur de Ville – dit ACV. Le but : redonner vie aux centres urbains des villes moyennes. En 2018, 222 communes en France métropolitaine et Outre-mer ont été retenues pour bénéficier de ce programme d’un montant de 5 milliards d’euros sur cinq ans.


acv programme

Coeur de Ville : un plan partenarial d’investissement pour les villes moyennes


L’exode rural des années 50-60, puis la désindustrialisation à partir de la fin des années 70 ont abîmé de nombreuses villes moyennes, de 30 000 à 150 000 habitants. Le coup de grâce a été donné au cours des années 2010 quand la réforme des collectivités territoriales a créé les 22 métropoles françaises*. Les villes moyennes sont aussitôt devenues « périphériques », autrement dit, vouées au déclin.

Ces enchaînements ont aussi produit des phénomènes à la fois démographiques et urbains maintes fois constatés : étalement résidentiel, anarchie des développements périphériques (le sujet des entrées de villes est déjà ancien), paupérisation des populations des centres villes, … Un brin de marche à pied dans le centre de ces agglomérations suffit à constater l’abandon des commerces en rez-de-chaussée, la création de friches industrielles en centre-ville, la présence de logements vides, …


Donner la main aux élus locaux

Le plan national « Cœur de Ville », piloté par le préfet Rollon Mouchel-Blaisot – qui a précédemment dirigé l’Association des Maires de France – a justement pour ambition d’inverser cette évolution historique. Mis sur pied en 2017, il est structuré autour de cinq thèmes : la réhabilitation-restructuration de l’habitat pour une offre attractive en centre-ville ; le développement économique et commercial ; l’accessibilité, les mobilités et connexions ; la mise en valeur de l’espace public et du patrimoine, l’accès aux équipements et services publics.

Bien qu’il soit le résultat de la concertation de l’association Villes de France, des élus locaux et de trois partenaires financiers nationaux (Banque des Territoires, Action Logement et Agence nationale de l’Habitat), ce programme veut donner la main aux élus de terrain, réputés connaisseurs des difficultés locales : ils définissent les besoins et le Préfet déclenche l’attribution de moyens. Une expérience de décentralisation qui veut trancher avec le jacobinisme responsable des effets à réparer.

En 2018, 222 dossiers ont été retenus à l’issue de la création de ce plan qui était doté de 5 milliards de fonds dit « d’amorçage » sur 5 ans : 1,5 Md€ apportés par Action Logement sous forme de prêts, subventions ou portages financiers ; 1,7 Md€ par la Caisse des Dépôts / Banque des Territoires sous formes de prêts, de fonds propres destinés aux études ou aux tests de solutions innovantes, d’apport en capital aux foncières dédiées aux activités économiques, … ; 1,2 Md€ par l’Anah en soutien à l’ingénierie, à l’innovation et au cofinancement de projets ; le solde étant apporté par l’État sous forme de subventions ou de dotations d’équipement.


Traiter les logements vacants

Fin 2020, annonçait le préfet Rollon Mouchel-Blaisot dans une visio-conférence organisée par Eden (Équilibre des Énergies) le 18 Février dernier, 2,1 Mds€ ont déjà été engagés dans le cadre d’opération de revitalisation du territoire. Ce qui correspond à un volume de 500 000 logements rénovés ou reconstruits.

L’un des volets importants de ce programme est justement la rénovation de logements. 400 000 vacants avaient été recensés dans les 222 villes lauréates, et l’ambition est d’ouvrir autant de chantier de remise à neuf et attirer à nouveau les ménages en centre-bourg. À ce titre, Rollon Mouchel-Blaisot souligne l’importance d’une « démarche globale pour traiter tous les sujets de façon cohérente et sans injonction contradictoire. » Exemple de ce qui serait refusé : aménager le centre ancien et ouvrir de nouveaux lotissements en périphérie ; ouvrir des commerces de proximité et aménager de nouvelles zones commerçantes.

Pour « stopper le paquebot de l’étalement urbain », il cite d’ailleurs la collaboration avec le PUCA, le Plan Urbanisme, Construction et Architecture. Cet organisme reconnu pour son travail de réflexion pluridisciplinaire accompagne 112 des 222 villes dans le cadre du programme « Réinventons nos cœurs de ville ». Parmi ces expérimentations figurent les « territoires pilotes en sobriété énergétique ». Une manière moins brutale de parler du « zéro artificialisation nette ».

Ainsi, comment faire de la rénovation adaptée aux besoins de logements répondant aux besoins contemporains tout en restant dans une épure financière acceptable ? Car, dans ces villes moyennes de province, une rénovation lourde peut dépasser le seuil moyen de 1 300 €/m², courant en maison individuelle en lotissement. À ce titre, le programme bénéficie du dispositif d’exonération fiscale voté dans la loi de finances 2019 dit, « Denormandie ancien ». Cette mesure applicable jusqu’à fin 2022 dans les villes labelisées « Cœur de Ville » permet de financer des travaux lourds – d’un montant d’au moins 25% du prix d’acquisition – sous conditions de location à des ménages modestes durant 9 à 12 ans.


Aider l’aménagement urbain des sites pollués

Le préfet Rollon Mouchel-Blaisot souligne enfin que, bien qu’initié avant la Convention citoyenne pour le climat, Action Cœur de Ville revendiquait des principes quasiment identiques. Il cite la rénovation du patrimoine pour accélérer l’attractivité des centres anciens, le soutien au commerce de proximité par la rénovation et l’aménagement de quelque 6 000 cellules commerciales de centre-ville avec la Caisse des Dépôts ou encore le traitement des « verrues urbaines » telles que les sites industriels abandonnés et pollués avec le « Fonds Friches », sous condition qu’ils soient hors périmètre de l’Anru (Agence nationale de rénovation urbaine).

Ce dernier financement, créé à la faveur du plan de relance de Septembre dernier et doté de 300 M€, s’avère pratiquement indispensable pour amortir les surcoûts des opérations complexes.


* 19 métropoles de droit commun (Bordeaux, Brest, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Lille, Metz4, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulon, Toulouse et Tours) et deux métropoles à statut particulier (Aix-Marseille et le Grand Paris). La métropole de Lyon, a le statut de « collectivité territoriale à statut particulier » (loi MAPTAM).


A consulter :

- Documentation générale sur « Action Cœur de Ville »  - Cliquez ici

- Documentation sur la collaboration avec le PUCA  - Cliquez ici

- Documentation sur le Fonds Friches  - Cliquez ici




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