Une actualité riche en incertitudes

Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019



Il n’a échappé à personne que ces dernières semaines ont été très denses en évènements. Dans cette actualité, on peut être particulièrement sensibilisé sur certains sujets qui sollicitent, de manière détournée ou directe, la réflexion des acteurs du bâtiment.
Dans ce climat très mouvant, très incertain, peut-être est-il utile de se souvenir de l’adage suivant : Trouver les bonnes questions permettrait de résoudre 50% des problèmes posés.

L’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, la composition du gouvernement, la nomination ministérielle de Nicolas Hulot, la cyber-attaque planétaire, … voici quelques sujets que cette « humeur » propose de relier à des problèmes récurrents, réactivés en Avril et Mai, et qui obligent à tenter de formuler des « bonnes » interrogations.


Nicolas-Hulo


1/ Nouveau gouvernement = nouveaux engagements pour le bâtiment ?

Ce n’est pas le lieu, ici, de commenter politiquement l’actualité. En revanche, un commentaire professionnel s’impose. La constitution du nouveau gouvernement appelle une première remarque : le terme « logement » a disparu ! Sur Wikipédia, on trouve une rubrique « ministère du logement » qui précise que, sous la 4ème République, un ministère lié explicitement à la « reconstruction »  ou au « logement » était toujours présent. Sous la 5ème République, donc depuis presque 60 ans, un ministère ou un secrétaire d’Etat était toujours affublé du terme « logement », ou « habitat ».

Grande première donc pour cette disparition d’un libellé explicitement lié aux bâtiments, à la construction, aux logements … Ce sera Richard Ferrand, ministre de la cohésion des territoires, qui chapeautera l’administration liée à nos domaines de compétence. La nature comme les services de l’Etat ayant horreur du vide, nos activités seront supervisées par un ministère au titre aussi vaste que vague. 

Faut-il y voir une signification ? Le signal politique est pour le moins décevant pour ceux qui attendaient une volonté d’impulser le rythme de la construction, ou celui de la réhabilitation, secteurs indélocalisables, générateurs d’emplois pérennes et leviers importants des transitions énergétiques et numériques.
Peut-être aurons-nous droit à un Secrétariat d’Etat « volant » selon les circonstances. De toute manière, à partir d’aujourd’hui, nous ne pourrons qu’être agréablement surpris …


2/ Nouveau gouvernement = nouveaux engagements pour le bâtiment durable ?

Le quinquennat présidentiel précédent avait associé le bâtiment à l’écologie avec, en outre, une ministre dédiée à nos métiers.
Le nouveau ministre chargé de l’écologie, personnalité la plus célèbre de cette équipe dirigeante, est également ministre d’Etat, numéro 3 du Gouvernement. A ce titre, il a le pouvoir théorique d’agir sur des sujets transversaux, en particulier sur le bâtiment. Mais rien ne dit pour l’instant qu’il pourra le faire.

Et puis, vous n’aurez pas manqué d’entendre les commentaires des analystes politiques qui insistent sur quelques divergences de points de vue entre Nicolas Hulot et, par exemple, les nouveaux locataires de Matignon et de Bercy. S’il a accepté ce portefeuille, c’est en négociant un minimum de libertés d’actions. Nicolas Hulot est tout à la fois un homme de conviction et pragmatique. Il a montré une certaine souplesse d’esprit et une maturité qui mérite d’être soulignées, notamment pour la COP21 à Paris, et également, pour l’épineux dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes (1).
Mais, sur des questions aussi clivantes que celle du nucléaire, il ne cédera pas. La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte sera appliquée ou alors, il démissionnera.

Je ne crois pas me tromper en avançant que notre nouveau ministre de l’écologie doit considérer qu’entre l’application de la loi d’Août 2015 et le grand carénage proposé par EDF, il y a incompatibilité totale. Entre faire durer le parc des tranches nucléaires actuelles au-delà de 2040 et viser 70% de la production d’électricité par les énergies renouvelables, il faudra choisir ! Faire les deux serait doublement absurdes : cela coûterait trop cher et la France serait en surcapacité de production (2).
A moins que la filière nucléaire parvienne à le convaincre que les énergies renouvelables doivent se substituer seulement aux énergies fossiles en laissant la grosse part de production de l’électricité au nucléaire supposée peu carbonée (3).

A ce jour, on attend les législatives pour savoir si M. Hulot partira en vacances à la rentrée après n’avoir servi, à travers son nom et malgré lui, qu’à ramener sur la liste présidentielle des électeurs sensibles à l’écologie, orphelin d’un parti des Verts particulièrement aphone.
Ou bien, que le premier ministre et celui chargé des finances se plieront à la loi de transition énergétique en confirmant, non seulement la fermeture des deux tranches nucléaires de la centrale de Fessenheim, mais également, d’ici la fin de ce quinquennat, celle de 17 autres tranches arrivant en fin de vie …

C’est bizarre, mais rien qu’en écrivant ces lignes, le doute m’envahi ! Un contexte à fortes incertitudes n’est pas propice à prendre des décisions pour le moyen ou long terme.
Il faut espérer que les évènements à venir ne viendront pas perturber l’expérimentation E+C-, véritable mini-révolution de l’acte de construire.

Outre l’énergie positive et le bas carbone, les questions liées au numérique, au « tout connecté », à la mutualisation et à la « smartitude » sont des sujets qui pourraient être très chahutés par un récent évènement.


3/ Cybercriminalité et le tout numérique : quelles garanties pour le citoyen ?

Les évènements de début Mai sur les délinquants et mafieux de toutes sortes capables de véroler au niveau planétaire des systèmes informatiques sophistiqués, demander des rançons, laissent rêveur.
Non pas parce que cela soit possible, mais que, finalement, on s’en accommode. J’ai entendu des experts affirmer qu’il fallait vivre avec, qu’il fallait faire les gestes minimaux pour se prémunir contre ces dangers, actualiser ses antivirus informatiques, … que les voleurs ont toujours un train d’avance sur les gendarmes, … qu’il y a toujours eu des voleurs et des gendarmes, …

Ben voyons ! Ceux qui prônent le tout connecté, l’intelligence dans tous les coins ne doivent pas réduire leurs pensées aux seules parts d’un juteux marché dans un futur proche.
Il faut placer le sujet sur un plan éthique, tout comme pour la biochimie. La sophistication dans les bâtiments induit la fragilisation et la dépossession, la transformation et la réduction de l’habitant à un simple consommateur, parce que surveillé en permanence, « on » lui fournira le service qu’il est supposé attendre. Et tout cela sera patiné, enrobé dans une soi-disante modernité réduite à un sentiment de puissance en lui laissant la main, … enfin partiellement.
Et d’ici 2020, entre 20 et 50 milliards d’objets connectés dans le monde offriront un champ d’action extraordinaire pour tous les hackers qui n’auront aucune difficulté à modifier ce qu’ils veulent, quand ils veulent parce que simplement, les protocoles de communication sont et resteront peu sophistiqués, donc faciles à pirater.

Bref, une délinquance planétaire généralisée dans l’indifférence. Un cauchemar !

Accès de pessimisme de ma part ? Pour l’instant, sans réels et sérieux débats sur le sujet, je préfère passer pour un paranoïaque que de me contenter de regarder, l’œil béat et admiratif, tous ces thermostats, brosses à dents, fourchettes, réfrigérateurs, … connectés. Petites merveilles technologiques et magnifiques chevaux de Troie pour tous les pervers et cyniques.

Sans réflexion éthique sur le sujet, nous baignons dans l’incertitude la plus désinvolte.


Bernard SESOLIS
Expert Energie Environnement


 

  1. Sur ce sujet, Nicolas Hulot s’est rangé au « choix populaire » du référendum local, c’est à dire pour la poursuite du projet.
  2. « Renouvelable ou nucléaire, le Président devra choisir », Le Monde, Aurélien Saussay (économiste à l’OFCE) - 22/04/2017
  3. « Le nucléaire n’est pas incompatible avec la transition énergétique », Le Monde, Jacques Treiner (Conseil scientifique de Shift Project) - 24/03/2017




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