Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019
Les climato-sceptiques doutent encore plus. Les climato-négationnistes et les climato-cyniques exultent. Trump, nouveau locataire de la Maison Blanche, qui s’informe sur Fox News et qui s’exprime principalement par salves de 140 caractères, tient ses promesses environnementales.
Ceux qui sont convaincus du sérieux des travaux du GIEC et de leurs avertissements peuvent déplorer que l’année 2017 aura bien mal commencé.
La guerre de tranchées va donc se réactiver. La grosse « Bertha », Trump himself, a-t-elle d’ores et déjà fait perdre 4 années d’efforts nécessaires pour préserver la planète ?
Cette humeur tente de résumer les nouvelles du front en s’appuyant principalement sur des articles du Monde… vous savez bien, ce journal contrôlé par les lobbies verts (message pour les climato-niet).
1/ Le mensonge comme ressort du succès politique
Il faudrait être bien naïf pour affirmer que la post vérité est une nouveauté dans le monde politique (1). Mais également bien aveugle pour nier les proportions qu’elle a prises. Les questions environnementales étant à la fois très complexes et sujettes à l’idéologie ou au cynisme le plus vénal, mentir ou pratiquer le relativisme est très facile (2). La porte est béatement ouverte à tous les climato-populistes (3).
« En matière de climat, il faut 10 secondes pour dire une ânerie et 10 minutes pour expliquer pourquoi c’est une ânerie » constate un spécialiste. Nier ou contourner les arguments sont des armes systématiquement exploitées dans le débat public qui s’apparentait à un spectacle et qui n’est plus que du spectacle.
Interviewé par le Times le 23/11/2016, Donald Trump se disait « avoir l’esprit ouvert sur le changement climatique » tout en montrant une méconnaissance abyssale sur le sujet. Le lendemain, il annonçait qu’il mettrait fin aux activités d’observations de la Terre et de recherches climatiques de la NASA ! (4).
2/ Le passage à l’acte et ses premières conséquences
Le programme de Trump précisait que les USA sortirait d’une manière ou d’une autre de la COP21. L’élection en pleine COP22 de celui qui affirmait en 2012 que « le changement climatique est un canular » ou encore « un concept inventé par la Chine pour affaiblir l’industrie manufacturière américaine » aura été un coup de massue. Cette sortie poserait d’emblée trois problèmes (5) :
- Annulation de l’engagement de la réduction de 28% des émissions de GES des Etats-Unis en 2025 par rapport à 2005
- Effet d’entraînement d’autres pays dans cette voie
- Entraves aux développements des connaissances sur le climat
Les nominations aux postes-clés de certains personnages sont sans ambiguïtés. Celle de Scott Pruitt est particulièrement significative (6) : ex-ministre de la Justice de l’Oklahoma, élu grâce à Harold Ham, PDG de Continental Ressources, pétrolier dans ce même Etat, lanceur de procédures judiciaires dans 28 Etats contre le Plan Climat d’Obama, Scott Pruitt est nommé à la direction de l’Agence de l’Environnement, l’« EPA ».
En outre, les menaces de pressions ou de harcèlements ont déjà démarrées sur le petit monde des climatologues (4) et (7). Du déjà vu sous Bush en 2007.
Outre ses récentes déclarations concernant l’oléoduc Keystone XL (8), qui permettrait au pétrole issu du schiste bitumineux produit au Canada (Alberta) de se faire raffiner dans le golfe du Mexique, Trump se verrait bien aussi devenir le chevalier blanc du charbon (9). Il aura plus de peine à imposer cette lubie et à inverser la tendance : pour produire l’électricité américaine, la part du charbon est passée de 48% en 2008 à 30% en 2015. Deux raisons expliquent cet abandon progressif, mais rapide : la chute du prix du gaz, combustible moins carboné, et, justement, le peu de visibilité sur l’évolution du prix de la tonne de CO2.
3/ L’état des lieux réel ou probable
Les climato-négationnistes affirment que le réchauffement est stoppé depuis 1998 en s’appuyant sur un biais instrumental qui a été corrigé depuis (10). La réalité excède trop souvent encore les prévisions des chercheurs et les nouvelles ne sont vraiment pas bonnes. Les climato-négationnistes ont malheureusement tort. Un article de Septembre 2016 (11) rappelle que, jusqu’au mois d’Août 2016, les 16 mois précédents ont battu les records de températures depuis le démarrage des mesures en 1880. Le biais des modèles pourrait s’expliquer par une sous-estimation de la sensibilité du climat au CO2 et sur la surestimation du potentiel de séquestration du carbone par les sols.
Durant la période 2011-2015, l’augmentation de la température moyenne globale terrestre aura été de 0,57 K par rapport au référentiel 1961-1990 ; en Europe, cette augmentation atteint déjà 1,29 K. Globalement, le Globe était à +1K en 2015 et +1,2 K en 2016… Comment ne pas dépasser 2K, voire seulement 1,5 K en 2100 ?. Il ne faut pas s’installer dans le déni. Le réchauffement global engendre déjà des catastrophes (12) et interrogent encore les spécialistes (le GIEC par exemple…) : les corrélations semblent établies entre effet de serre et des phénomènes climatiques comme la fréquence des canicules et des pluies extrêmes. Des doutes subsistent toujours sur la pluviométrie et le comportement des banquises : fonte rapide dans l’arctique, augmentation de la masse glaciaire en antarctique. Ce dernier constat est encore inexpliqué. Mais la somme algébrique est négative, tendance aux conséquences incalculables. D’abord, sur les réductions de la réflexion solaire et de l’isolation thermique crée entre les mers profondes et le soleil, ensuite sur l’élévation du niveau de la mer dans certaines zones de la planète (13).
C’est particulièrement le cas en Floride où la famille Trump a beaucoup investit : le « Trump Grande », 4 ha de construction hôtelière sur 300 m de front de mer à 60 m de l‘océan ; le « Trump Hollywood », complexe encore plus proche de l’eau (14). La NOAA (15) constate que, la vulnérabilité de cette région à l’élévation du niveau marin est énorme. Trump serait-il complètement fou ? Non, pas complètement ... En 2014, après avoir acquis un golf et un complexe hôtelier à Doonbeg (Irlande), il annonçait vouloir ériger un mur (déjà !) de 5 m de haut et 3 km de long pour protéger ses biens contre la montée probable de l’océan. Il n’a pas osé demander aux Irlandais d’en payer les frais ! En revanche, il ose nier la réalité tout en voulant éviter que sa richesse parte en fumée. Il est loin d’être le seul à penser et à agir ainsi.
Durant la COP22 à Marrakech, le GCP (16) indiquait dans son dernier bilan un tassement des émissions de gaz à effet de serre (17).
C’est une bonne nouvelle, même si nous sommes loin de la bonne trajectoire pour contenir le réchauffement à moins de 2 K d’ici 83 ans. Il faudrait une baisse de 0,9%/an des émissions jusqu’en 2050.
Après une augmentation de 2,3% par an entre 2003 et 2014, le tassement a commencé en 2014 (0,7%) et s’est confirmé en 2015 et 2016 (entre 0 et 0,2% par an). Ces chiffres sont encourageants au regard de l’augmentation du PIB mondial (+3% en 2016).
Les explications avancées par les experts sont multiples. D’abord la Chine, à elle seule 29% des émissions mondiales de GES, a réduit ses consommations de charbon et commencé à baisser ses émissions en 2015 (-0,7%) alors qu’entre 2004 à 2014, elles augmentaient de 5%/an.
Ensuite, les Etats-Unis, 15% des émissions mondiales, a baissé son impact de 2,6% grâce au transfert du charbon au gaz pour la production d’électricité. Et ce, malgré l’Europe repartie à la hausse (+5%) après 20 années de décrue et l’Inde (+5,2%).
Cependant, ce constat encourageant doit être considéré avec prudence. Les données chinoises et indiennes ne sont pas d’une fiabilité absolue … Trump a été élu.
4/ Et la suite … ?
Puisque l’Europe exprime son impuissance à appliquer ses propres discours, restons là où il se passe des évènements tangibles. Revenons donc en Chine avec le dernier essai de l’économiste et sinologue Jean-François Huchet (18). On y apprend que 1,2 million de chinois meurent prématurément chaque année du fait de la pollution de l’air, soit 40% des décès mondiaux liés à cette cause, et que 40% des lacs et rivières sont polluées.
Le PC chinois marque sa volonté de changer de modèle économique. Une loi votée le 25/12/2016 vise à taxer les pollueurs (19). Applicable début 2018, elle incitera les industries à améliorer leurs process sans pour autant traiter le CO2 et les déchets nucléaires. Greenpace estime que l’impact ne sera pas significatif tout en reconnaissant néanmoins que la Chine a déjà progressé sur les concentrations d’arsenic, de plomb et de cadmium dans l’air.
Grâce à ces mesures et celles qui suivront probablement avec la pression de la rue, grâce aussi aux électeurs américains, il se pourrait que la Chine parvienne plus tôt que prévu, au premier rang des puissances mondiales ….
Et nous alors ? Pour ne pas sombrer, pour se maintenir dans le concert des pays qui influenceront le devenir de la planète, nous devons agir et ne pas réagir. L’Europe doit se dépoussiérer, sortir de sa tranchée.
Comment faire ? Vaste sujet qui nous dépasse.
En revanche, nous devons continuer à agir dans nos domaines, à rester ou à devenir moteur dans nos spécialités. Il est temps de ne plus baisser les bras.
Bernard SESOLIS
Expert Energie Environnement
- (1) « La longue histoire des « fake news » »’, Le Monde, 21/02/2017, Robert Darnton (Université Harvard)
- (2) « Aux racines de la post-vérité », Le Monde, 24-26/12/2016, Stéphane Foucart
- (3) « Le temps de climato-populistes », Le Monde, 15/10/2016, Jean-Michel Bezat
- (4) « Donald Trump et le climat » , Le Monde, 29/11/2016, Stéphane Foucart
- (5) « L’an I du Trumpocène », Le Monde 13 et 14/11/2016, Stéphane Foucart
- (6) « Trump nomme un climato sceptique à l’EPA », Le Monde, 9/12/2016, Stéphane Lauer
- (7) « Les experts du climat dans le collimateur de Trump », Le Monde, 15/12/2016, Stéphane Foucart et Simon Roger
- (8) « Donald Trump relance le projet d’oléoduc Keystone, rejeté par Obama », www.Franceinfo.fr, 25/01/2017
- (9) « Donald Trump ne pourra pas enrayer le déclin du charbon », Le Monde, 17/11/2016, Jean-Michel Bezat
- (10) « Climat : le réchauffement ne s’est pas arrêté en 1998 », Le Monde, 7/01/2017, Stéphane Foucart
- (11) « Climat : les mauvaises nouvelles s’accumulent », Le Monde, 28/09/2016, Stéphane Foucart
- (12) « Le lien entre réchauffement et catastrophes avéré », Le Monde, 11/11/2016, Pierre Le Hir
- (13) « La planète enregistre un recul inédit de ses banquises », Le Monde, 30/12/2016, Stéphane Foucart
- (14) « Trump, les pieds dans l’eau », Le Monde, 21/02/2017, Stéphane Foucart
- (15) National Océanic and Atmosphéric Administration
- (16) Global Carbon Project, consortium scientifique sous l’égide de l’Université d’East Anglia (RU)
- (17) « Les émissions mondiales de CO2 se stabilisent », Le Monde, 15/11/2016, Pierre Le Hir
- (18) « La maison Chine est en feu », Jean-François Huchet, Presses de Sciences Po
- (19) « Pékin adopte une taxe sur les émissions polluantes », Le Monde, 28/12/2016, Simon Leplâtre
Jean-François remet en cause des décennies d'études et de constats des climatologues en citant un article qui ne parle pas du même sujet ! Je peux le rassurer s'il le souhaite : dans le rôle de la poule et de l’œuf, tout est clair. Le réchauffement actuel est la conséquence de la concentration des GES et non l'inverse.
Aussi, concernant les priorités, j'userais d'une analogie médicale : Il ne faut pas se contenter de donner des antibiotiques aux tuberculeux. Il faut se débarrasser du bacille de Koch par une vaccination massive et appliquer quelques précautions au quotidien.....