Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 08 Mai 2020
La réponse logement à l’infection par le COVID 19
Le concept de préparation à des « menaces sanitaires de grande ampleur » a été appliqué en 2007 à notre système de santé [1]. Nous sortions de plusieurs épreuves, la canicule de 2003, le Chikungunya et les menaces de grippe aviaire en 2005. Un concept toutefois limité à la santé officielle, celle sous l’autorité du ministère du même nom. Nous savons bien que la santé ne se réduit pas aux soins et à l’hygiène, elle dépend largement du cadre de vie et des modes de vie. Tout comme l’environnement dépend de la mobilité, des systèmes de production et des modes de consommation. La préparation à des menaces sanitaires de grande ampleur concerne donc tous les secteurs d’activité, tous les compartiments de la vie. L’habitat peut-il devenir un instrument de santé publique ? La réponse à l’infection par le COVID 19 le confirme si l’en était besoin, la thérapie est construite à partir du principe de confinement, de réduction de l’espace vital, celui qui nous est laissé pour passer ce mauvais moment.
Confinement dans des habitats surpeuplés inadaptés
Cet espace est-il à la hauteur des enjeux ? Nos logements permettent-ils de vivre 23 heures par jour, puisqu’une heure de liberté surveillée nous est laissée à moins d’un kilomètre de chez soi. C’est une sorte de crash test, pour reprendre l’expression de François Leclerq [2], appliqué au logement et à la ville. Notre cadre de vie permet-il de vivre confiné sans « péter les plombs » ?
Quelques troubles dans des quartiers sensibles ont mis en évidence que ce n’était pas le cas partout. Il y a évidemment un effet taille des logements, surpopulation. L’INSEE a estimé que 5 millions de personnes vivaient dans des conditions de suroccupation manifeste, pour ne pas dire d’entassement.
Et quand le logement est de taille suffisante, permet-il le télétravail, des parents ou des enfants, ou des deux à la fois ? Permet-il de faire le minimum d’exercice physique dont nous avons besoin physiologiquement parlant, plus particulièrement à certains âges ? Ce n’est pas qu’une question de mètres carrés mais aussi de conception, de partage entre les espaces purement privatifs et les parties communes, et de bien d’autres facteurs liés à l’aménagement urbain, aux services publics, etc.
Logement et volet « sociétal » du confinement
Il faut dire que les modalités du confinement ne tiennent pas compte du mode de vie. Vie resserrée sur le noyau familial de base, la famille « nucléaire », ou intégrant une vie communautaire plus large, ça ne produit pas les mêmes effets. La solidarité ne s’exerce pas de la même manière, confinement et solitude ne se conjuguent pas de la même manière. Le volet « sociétal » du confinement s’avère très dépendant du mode de vie et de sa prise en compte dans l’aménagement des logements et de la ville alentours.
Bien sûr, il n’est pas réaliste de concevoir notre cadre de vie en fonction d’évènements qui ne se produiront sans doute jamais. Des évènements qui peuvent prendre des formes très variées, du tremblement de terre à un conflit armé, en passant par le terrorisme et les épidémies, dont le mode de propagation est lui-même multiple. Ce sont donc des logements et des villes facilement adaptables, un habitat qui laisse des marges de liberté pour faire face aux imprévus. C’est ainsi que l’on parle d’agriculture urbaine, par exemple, de manière à assurer un minimum de production alimentaire locale, qui peut être consolidé par des réseaux de proximité avec l’hinterland de la ville. L’économie circulaire est une autre forme de recherche de résilience, aux effets locaux et globaux à la fois. Plus d’autonomie, tout en préservant les avantages des grandes agglomérations en termes de bassin de vie, et notamment d’emploi.
Coronavirus et résilience des villes
L’agression du coronavirus nous impose une réflexion sur la résilience des villes, au moment où le travail est lancé et parfois bien entamé sur la résilience climatique. Coïncidence dont il serait coupable de ne pas profiter. La reprise tant attendue pourrait à ce titre se révéler mauvaise conseillère, il y a tellement de retard dû au confinement, et nous l’étions aussi tant sur la construction neuve que sur la réhabilitation des logements. C’est au moment où nous aurions le plus besoin de recul et de temps que la pression est la plus forte pour avancer coûte que coûte.
C’est un défi à laquelle les pouvoirs publics, nationaux et territoriaux, et les professions du cadre de vie, programmes, financement, conception, réalisation, exploitation, sont confrontés. Comment faire vite sans hypothéquer l’avenir et les nécessaires changements dans les modes d’action et les concepts de référence ? Comment gagner sur les deux tableaux, faire du rattrapage et des « menaces sanitaires de grande ampleur » un instrument de progrès ?
Un double dividende conforme à l’esprit du développement durable.
- Loi du 6 Mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.
- Dans Bati-Actu du 22 Avril 2020
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...