Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 07 Janvier 2022
Chaque année, le CREDOC (Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de vie) publie une étude ciblée sur un aspect particulier de nos modes de vie. Celle de 2015 portait sur le logement. Cela fait donc plus de six ans que l’on sait que : « l’habitation ne répond pas seulement à la fonction de se loger, c’est un marqueur social qui étaye les représentations que l’on a de sa position sociale ».
Immeuble de logements sociaux à Marseille
Le logement produit un sentiment de fierté ou d’humiliation, dont les conséquences se font sentir dans tous les aspects de la vie. On pense aux « quartiers », sensibles ou dégradés selon la manière dont on les nomme, et aux difficultés qu’ont leurs ressortissants à assumer leur adresse lors d’un entretien d’embauche par exemple. Les « représentations » fonctionnent assurément dans les deux sens, dans la tête du candidat comme dans celle du recruteur.
Le logement lui-même contribue aussi à la confiance en soi : « vivre dans un logement dégradé nuit à l’image que l’on a de soi-même ». A de mauvaises conditions physiques, surpopulation, vétusté, manque d’entretien, confort et hygiène précaires, s’ajoute donc un volet psychologique sur fond d’humiliation. Une double peine, et surtout une double montagne à escalader pour « s’en sortir ».
Une nouvelle année devrait porter un nouvel espoir
Espoir de mieux vivre et d’améliorer sa position dans la société. Les vœux échangés font miroiter des perspectives de succès en tous genres, et contribuent ainsi à nous donner du courage, s’il en était besoin, à nous redonner confiance en soi. La confiance, un capital social déterminant. C’est elle qui communique sa dynamique à une société, lui donne des perspectives et contribue puissamment à la cohésion sociale tant recherchée.
Comment participer à une construction collective, et forcément à des confrontations, si l’on n’a pas confiance en soi ? Nous avons tous besoin de figurer dignement dans notre milieu, notre micro-société, face à nos voisins, nos collègues, nos partenaires, tous ceux que nous côtoyons régulièrement ou occasionnellement, pour nous sentir crédibles, légitimes dans nos échanges, chacun avec son origine, sa culture, son expérience.
A l’heure à la fois de la mondialisation, avec les brassages de populations qu’elle provoque, du développement durable, et de l’innovation en tous genres qu’il exige, la confiance en soi est indispensable pour donner de l’espoir. Elle dépend de nombreux facteurs, et le CREDOC souligne l’importance du logement.
Difficile de nourrir un espoir quand on ne bénéficie pas d’un logement décent
Le fameux adage « quand le bâtiment va tout va » trouve une nouvelle signification, si on opère le glissement du bâtiment au logement. Ce n’est pas qu’une affaire d’activité économique, c’est aussi un moteur de dynamique sociale ou même sociétale comme on dit aujourd’hui. C’est le moral des troupes, bien au-delà du bâtiment, qui est en jeu.
La France connait une crise endémique du logement, avec des retards dans la construction de logements neufs, et une politique de rénovation et de modernisation du parc existant qui peine à trouver son rythme. L’accent donné presqu’exclusivement sur l’énergie et l’effet de serre n’est pas la meilleure manière d’accélérer la rénovation souhaitée pour beaucoup d’autres critères.
Le défaut de qualité du logement pour une partie de la population, est ainsi un frein pour les évolutions nécessaires de la société française, qui sont bien plus faciles à conduire si chacun se trouve « bien dans sa peau ». Le développement durable exige une mobilisation de tous le corps social, compte-tenu des défis à relever au cours des prochaines années. Il lui faudrait donc une population bien logée, et on est loin du compte.
Le coût social de la précarité énergétique est supérieur au budget nécessaire à son éradication
Cette vision élargie du rôle du logement dans la vie converge avec le besoin de rénover le parc, mais elle semble peu valorisée dans les discours.
Au-delà des enjeux climatiques, tous les aspects de la vie sont concernés. Rappelons que le coût social de la précarité énergétique est supérieur au budget nécessaire à son éradication, pour ne prendre qu’un exemple. La transition écologique ne trouvera pas sa dynamique en réduisant les enjeux à l’énergie, une approche technique qui échappe à la plupart de nos concitoyens. La qualité de la vie, perçue par chacun d’entre nous, doit figurer au cœur des politiques du logement.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...