Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 11 Juin 2020
Le COVID a manifestement changé pas mal de choses, dans notre vie quotidienne, notre travail, nos loisirs. Certains de ces changements laisseront des traces, dont l'effet ne peut pas encore être bien évalué.
L’après Covid et nouveaux modes de vie
Le télétravail
Parmi eux, le télétravail. Une pratique peu répandue en France avant la crise. Le patronat craignait de perdre le contrôle du personnel, et les syndicats voyaient d'un mauvais œil l'éloignement et la dispersion de leurs ouailles potentielles. La crise a balayé toutes ces hésitations, il a bien fallu passer au télétravail, et à marche forcée.
Résultat : un assentiment du côté des employeurs comme des salariés. Quelques bémols, bien sûr, il faudra des ajustements car cette situation n'était guère prévue dans les codes et autres accords sociaux. Rien de plus normal, mais globalement, l'expérience a été bien vécue, et beaucoup souhaitent la prolonger et l'instituer comme la norme.
Ce sont de nouveaux rapports sociaux qui vont se mettre en place, une autre relation au travail, une autre organisation personnelle pour harmoniser à la maison le boulot et la vie personnelle. C'est le côté "soft", et il faut que le "hard" suive.
Une des conséquences touchera les logements et l'immobilier d'entreprise.
L'habitat n'est pas prévu pour le confinement, et encore moins pour travailler chez soi
Pour le logement, la crise a été un révélateur de la capacité d’adaptation comme nous l’avons vu le mois dernier. L'habitat n'est pas prévu pour le confinement, et encore moins pour travailler chez soi. Il va falloir trouver de la place.
Et pourquoi pas, à cette occasion, changer de cadre de vie. La demande de maison individuelle a fait un bond. Si je ne vais au bureau que deux fois par semaine, pourquoi ne pas habiter plus loin, je suis encore gagnant sur mes temps de trajet. Je pourrais avoir un jardin, en plus de l'espace supplémentaire pour installer un poste de travail. Ce serait bien pour les enfants, pour mes loisirs, et mon prestige : c'est bien mieux que les "cages à lapins" des cités.
L’après Covid : Une économie de surface de bureaux !
Une demande sociale qui va évoluer fortement du côté des salariés, et qui trouve son pendant côté employeur. Plus besoin de bureaux, un pour chacun. Quelques postes de travail banalisés pour les passages des personnels étalés sur la semaine, notamment pour des rendez-vous, et davantage de salles de réunion, car quand ils viendront, ce sera pour les échanges à plusieurs, qui resteront nécessaires malgré les progrès des conférences vidéo. Quelle économie de surface !
Il faudra bien des locaux ou équipements d'un nouveau type, comme des douches pour ceux qui viendront à vélo, mais globalement, il faudra bien moins de mètres carrés, y compris pour les parkings compte-tenu de la rotation du personnel.
L’après Covid : Plus de surface de logistique !
Le développement du télétravail va durement affecter nos parcs immobiliers, bureaux et logements, et peut-être aussi commerces avec le recours accru à l'achat en ligne. L’approche de la logistique et de l’organisation des stocks, pour une meilleure sécurité d’approvisionnement, devra aussi s’adapter.
Au total, il faudra peut-être construire autant de mètres carrés, mais ils seront conçus et répartis bien différemment de ce qui se fait aujourd’hui. Une mutation à envisager comme une opportunité d'offrir un meilleur cadre de vie et de meilleures conditions de travail, pour que cette mutation soit "durable".
L’architecte Jean-Michel Wilmotte, pense " qu'il faut inventer le 5% bonheur de vivre " (Batiactu du 19/05/20). 5% d'espaces partagés, conviviaux, dédiés aux relations sociales. "5% de générosité pour la communauté".
Une générosité rentable par ailleurs pour ceux qui travailleront à la maison, la qualité de leur cadre de vie ayant un impact sur leurs performances professionnelles.
Un double dividende, pour la vie personnelle et le boulot. Les locaux des entreprises devront eux aussi proposer plus de convivialité, offrir plus d’opportunités de rencontre, pour compenser les effets négatifs du télétravail, qui pourrait dégrader la qualité des relations entre collègues qui se voient essentiellement en vidéo.
L’après Covid : Résilience du bâtiment et qualité de vie des occupants
La nouvelle donne immobilière consécutive à la crise sanitaire sera une épreuve pour le secteur, mais elle contribuera à la transformation du parc. Celle-ci devait intégrer la lutte contre l’effet de serre, voilà une raison supplémentaire pour l’accélérer.
Résilience, meilleure capacité d’adaptation, et aussi qualité de vie des occupants et performance des entreprises. Des bénéfices multiples, dont l’obtention devrait figurer au cahier des charges des constructions neuves, et être visée dans les opérations de rénovation.
Un véritable effort pour les professions de l'immobilier, aménagement, programmation, financement, conception, réalisation et exploitation, qui devront s'adapter à cette nouvelle demande.
Un défi à relever, bien sûr, mais une étape sur le chemin du développement durable.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...