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Des interlocuteurs dépassés ... (1)

Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019

Je vous ai parlé, dans une lettre récente, d'une enquête 2004-2005 sur la documentation et les outils disponibles en génie climatique. Ma surprise a été souvent de constater un certain découragement de mes interlocuteurs, découragement accompagné d'inquiétudes diverses faisant qu'un nombre non négligeable d'ingénieurs et techniciens semblaient se demander s'ils n'allaient pas "baisser les bras". Quelles étaient les origines de ces situations curieuses, et comment répondre à une véritable demande d'aide.

Une telle lassitude se comprend assez mal. Quelles en sont les origines ?

Elles sont multiples, et j'en retiendrai trois. La première était assez évidente : le déferlement incontrôlé de textes "réformateurs", normes ou règlements. Depuis deux ans en particulier nous subissons l'invasion de nouvelles normes européennes, paraissant dans le plus complet désordre, souvent ahurissantes dans leur texte, et passées d'ailleurs sous silence par la presse technique qui les néglige, au moins dans leur analyse.

Que pouvons-nous y faire ?

Pas grand chose, je le reconnais, sauf à segmenter ce fatras comme je le suggérerai.

N'exagérez-vous pas ?

Je ne le pense pas. Voici d'ailleurs, à titre d'exemple, une liste impressionnante sur un seul thème, celui de la ventilation … Connaissez-vous la norme NF EN 12599, qui date de Juillet 2000, concernant -en ventilation - les procédures d'essais et méthodes de mesure pour la réception des installations de ventilation et de climatisation installées ?

Connaissez-vous la norme NF EN 12236, qui date d'Avril 2002, concernant - en ventilation - les supports et appuis pour réseaux de conduits ?

Connaissez-vous la norme NF EN12237, qui date de Juin 2003, concernant - en ventilation - la résistance et l'étanchéité des conduits circulaires en tôle ?

Connaissez-vous la norme NF EN 12792, qui date de Décembre 2003, concernant - en ventilation - les symboles, la terminologie et les symboles graphiques ?

Connaissez-vous la norme NF EN 13465, qui date de Juin 2004, concernant - en ventilation - le calcul des débits d'air dans les logements, une lecture que je vous conseille si vous avez encore quelques doutes sur la clarté des normes européennes ?

Connaissez-vous la norme NF EN14134, qui date d'Août 2004, concernant - en ventilation - les essais de performances et contrôles d'installation des systèmes de ventilation résidentiels ?

Connaissez-vous la norme NF EN 13779, qui date de Mars 2005, concernant, en ventilation non résidentielle, les exigences à imposer aux systèmes de ventilation et de conditionnement d'air ?

Etc… sans compter les normes européennes plus récentes ou à venir, et en passant sous silence des normes un peu plus anciennes, et manifestement oubliées, telles que la norme NF EN 1506 d'Octobre 1998, concernant les supports et appuis pour réseau de conduits qui se mélange avec la norme de même destination parue en Avril 2002.

Si, après cela, surtout si personne ne vous a prévenu, vous n'êtes pas un peu débordé c'est que vous avez un sérieux courage.

Que reprochez-vous à ces normes ?

Aux normes elles-mêmes de paraître dans le plus complet désordre, et d'être approuvées par des commissions françaises de normalisation dont on me démontrera difficilement qu'il s'agit de groupes totalement compétents sur les sujets en cause. Résultat : des textes facilement inapplicables, ou désuets, ou inadaptés aux techniques de ce pays.

Que proposez-vous de faire ?

Continuer, malgré les dispositions juridiques apparemment contraires, à n'appliquer que les normes européennes qui peuvent présenter de l'intérêt, et négliger les autres. Par exemple utiliser la norme EN 12 337 pour l'étanchéité des conduits d'air, mais ne pas utiliser la norme 13465 pour les calculs de débits. Si quelqu'un a, d'ailleurs, déjà pu utiliser cette dernière norme, qu'il le signale, et nous le féliciterons tellement le texte est ahurissant.

Pensez-vous que cette situation puisse évoluer ?

Franchement non, et je crois bien qu'il faut savoir se résigner, tout en continuant bravement à travailler sans se préoccuper des textes dont je viens de parler. Prenons un exemple : le CETIAT a récemment rédigé une recommandation fort complète sur le diagnostic des installations de ventilation résidentielles et tertiaires, s'inspirant en cela des procédures suédoises. Si vous utilisez ce document - ce que je souhaite - vous verrez que les normes européennes n'y jouent aucun rôle, à l'exception de la norme NF EN 12337 concernant la perméabilité des conduits d'air.

N'est-ce pas là un conseil très vague ?

Pris tel quel sans doute. Mais, en pratique, nous pouvons en tirer des conséquences précises que je me propose de vous exposer dans les mois qui viennent. Et ce en analysant plus en détail les textes normatifs européens, récents ou à paraître. En les classant comme "applicables" ou "non applicables".

Ne pensez-vous pas néanmoins que les normes européennes peuvent être source de progrès ?

Je n'en suis vraiment pas sûr du tout. Quand je consulte celles qui sont parues depuis 2000 par exemple, rien ne reste ou presque, sauf les normes concernant les composants. J'aurais aimé que les normes européennes règlent d'abord le problème de tous les composants, dont le contrôle n'est pas vraiment assuré.

La marque CE, de plus en plus souvent obligatoire, s'appuyant généralement sur des normes d'essai, n'est-elle pas exactement l'exemple contraire de ce que vous dites ?

Pour vous répondre je ne prendrai qu'un exemple celui des radiateurs à eau chaude, pour lesquels la marque CE est obligatoire depuis le 1 Juin 2005. Tous les partenaires significatifs français se sont récemment réunis pour exprimer leur désaccord avec cette démarche qu'ils jugent insuffisante, prônant le recours à la marque "NF Radiateurs eau chaude", pour laquelle existe un contrôle de l'émission sur les sites de fabrication et de vente, alors que la marque CE n'exige qu'un essai initial par un tiers.

Vous faisiez, par ailleurs, état d'autres sources de découragement : desquelles s'agit-il ?

C'est exact, sans être d'une précision statistique parfaite. Il s'agit de l'inadaptation apparente des manuels les plus courants, ou l'inadaptation des ordres de grandeur dont chacun avait l'habitude. Ce sont là des éléments qui méritent une explication plus détaillée, en prenant un exemple : celui du chauffage à eau chaude.

Reprendre ce thème sera l'objectif de ma prochaine lettre

.D'ici là ne soyez pas découragés, même si nous vivons parfois au milieu de discours plus que de réalités.

Roger CADIERGUES

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