Des slogans dangereux ...

Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019

Par la faute de la directive européenne ou de certaines affirmations à succès nous vivons avec un certain nombre de slogans plus ou moins dangereux.

De quels slogans voulez-vous parler ?

Le premier d'entre eux (souvent adopté en France dans les discours) est qu'il nous faut diviser par quatre nos émissions de CO2 d'ici 2050. C'est bien, en effet, l'objectif global que s'est fixée la Communauté Eeuropéenne au niveau des émissions communautaires. Par contre, il est logique que ceci se fasse de façon équitable, aboutissant au même dégagement de CO2 par occupant dans tous les pays. Dans le cas de la France cela veut dire qu'il nous faudra diviser nos émissions non pas par 4 mais par 2,5.

Votre position n'est-elle pas hérétique ?

Absolument pas et j'en trouve une confirmation dans une interview récente de Jean Syrota, Président la Commission de régulation de l'énergie au sein du Conseil d'analyse stratégique (assistant le gouvernement français). Les propos de Jean Syrota, expliquant nos particularités, sont très clairs : "pourquoi un Français devrait-il émettre en 2050 deux fois moins de CO2 qu'un Allemand et dépenser énormément d'argent pour y parvenir, sous le prétexte qu'il émettait déjà deux fois moins de CO2 en 1980 grâce aux programmes hydrauliques et nucléaires dans lesquels il avait investi antérieurement". La "division par 4" que vous trouverez dans un certain nombre de discours, à remplacer par 2,5, n'est d'ailleurs pas le seul slogan dangereux.

Par exemple ?

Un autre slogan, très fréquent, est d'affirmer que nous allons vers le "bâtiment positif". Revenez vers l'exemple BedZed que j'ai déjà cité, les consommations y sont classées en deux catégories :
- les consommations de chauffage que les auteurs considèrent comme nulles (donc pas besoin de chauffage),
- et les autres usages (eau chaude, éclairage, etc ...) tous électriques, mais avec production locale d'électricité.
Grâce à ces dispositions l'ensemble créé à BedZed, si l'on oublie les ennuis dus à la biomasse, est énergétiquement indépendant. En poussant un peu le site pourrait même fournir de l'électricité au réseau public. Ce serait l'exemple de bâtiment positif. BedZed se limite (en intentions du moins) à être "zéro-énergie". Le terme " positif " signifie, lui, par contre, que le site produit non seulement de l'électricité pour ses propres besoins mais également pour en revendre une partie (excédentaire) au réseau public. Là est le vice fondamental.

Que voulez-vous dire ?

Nous vivons actuellement, trop souvent, sur des idées fausses à propos des énergies locales. Qu'il s'agisse du solaire (thermique ou photovoltaïque) ou de l'éolien, le vrai problème n'est pas de recueillir les énergies, mais de les stocker, car ce sont des énergies très fluctuantes et incertaines. La solution qui consiste, avec des tarifs de reprise d'ailleurs surévalués au regard des avantages écologiques, à fournir toute l'énergie récupérée au réseau sans se préoccuper du reste revient tout simplement à laisser aux fournisseurs d'électricité le soin de gérer les stockages d'énergie, ou plus exactement de réguler les productions. Il est bien évident que, si les productions locales se multiplient, une nuit sans vent ou un dimanche fortement ensoleillé conduiront les réseaux à rejeter de l'énergie à la poubelle, sauf à avoir prévu des stockages adéquats difficiles à amortir : au tarif de reprise (déjà douteux) il faudra retrancher l'amortissement du stockage. A vous d'en deviner les conséquences.

Il existe pourtant bien des systèmes de stockage …

Vous pensez sans doute aux réservoirs de stockage de chaleur, ou aux batteries pour le stockage d'électricité : il est rare que vous puissiez les justifier financièrement (voyez le problème posé par le développement des véhicules électriques). Si - comme c'est en cours de réalisation en Corse - vous concevez une centrale thermique solaire de production d'électricité vous êtes vite conduit à abandonner le stockage thermique. Vous passez alors au "stockage chimique", en passant par la production solaire d'hydrogène (ou d'hydrures) utilisés comme combustibles dans une centrale classique ou combinée. Très franchement je crains que les bâtiments dits positifs ne soient pas une solution d'avenir, les solutions plus collectives - à partir de soleil, de vent ou de biomasse - étant probablement les voies à travailler, avec (pour le soleil) un parcours chimique. La réorganisation complète des réseaux électriques, avec la séparation des producteurs et des distributeurs, et avec la multiplication des producteurs, devrait inciter à plus de rigueur sur les tarifs de reprise qui sont illusoires : c'est aux producteurs - pour l'essentiel - de recourir aux énergies renouvelables, dans des conditions financièrement valables. Si, par ailleurs, on économise les usages, il est souvent très facile de démontrer que les résultats énergétiques, écologiques et financiers globaux sont bien meilleurs.

Roger CADIERGUES

Newsletter : Abonnez-vous !
En validant ce formulaire, vous acceptez que les informations saisies soient transmises à l’entreprise concernée dans le strict respect de la réglementation RGPD sur les données personnelles. Pour connaitre et exercer vos droits, vous pouvez consulter notre politique de confidentialité