Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
16 Février 2009
Comme indiqué la semaine précédente, nos professions s'inquiètent actuellement de l'avenir 2009. Et comptent plus ou moins sur la relance que devraient leur procurer les décisions du Grenelle II. Je crains bien qu'il faille, hélas, s'attendre à de sérieuses désillusions, car les coûts entraînés par les dispositions prévues sont, plus ou moins, passés sous silence. …. et nous les retrouverons tôt au tard " au coin de la rue ".
Expliquez-vous ?
J'ai souvent, dans cette lettre, insisté sur les coûts. Je ne suis
pas le seul à être préoccupé par cet aspect - essentiel
pour la réussite du développement durable. L'un des antécédents,
en la matière, a été l'étude publiée par
McKinsey en 2006, étude hélas très décevante. Heureusement
cette étude a été complètement reprise, et une nouvelle
édition - bien plus valable - vient d'être publiée (www.mckinsey.com/globalGHGcostcurve).
L'hypothèse de départ est la convention selon laquelle il faudrait,
en 2030 (par rapport à 1990) maintenir la hausse de la température
mondiale à moins de 2°C (2 K pour être scientifiquement correct).
En admettant que tous les pays producteurs de CO2 et de CH4 s'y mettent, la
nouvelle étude de McKinsey semble démontrer qu'il faudrait dépenser
(dans le monde entier) au moins :
- 530 milliards d'euros par an avant 2020,
- 810 milliards par an entre 2020 et 2030.
Si, par simplicité, en tablant sur le fait que la population française
est environ le centième de la population mondiale, cela débouche
sur les dépenses suivantes, pour la France, tous secteurs confondus (bâtiment,
transports, agriculture, etc ...) :
- de l'ordre de 5 milliards d'euros par an entre 2010 et 2020,
- de l'ordre de 8 milliards par an entre 2020 et 2030.
Si on table, non plus sur la population mais sur le PIB (ce qui est probablement
plus logique), cela voudrait dire, pour la France :
- au moins 12 milliards d'euros par an entre 2010 et 2020,
- au moins 20 milliards d'euros par an entre 2020 et 2030.
Ce sont des chiffres extrêmement élevés, même si ce
ne sont pas des objectifs totalement irréalisables. Ce sont, en tous
cas, des chiffres qu'il faudra tôt ou tard mettre en jeu … et ne
pas faire semblant de les ignorer.
Comment ?
A mon sens chaque proposition publique en la matière devrait :
- être d'abord envisagée comme une aide (financement direct compris)
et non pas comme une obligation,
- être chiffrée économiquement, et évaluée
sur ce plan,
- être confrontée à toutes les autres dispositions - aidées
ou obligatoires - ayant sensiblement le même effet.
Bien entendu c'est un peu délicat car certaines décisions telles
que le renforcement de l'isolation thermique des bâtiments comportent
aussi bien des rentabilités futures que des coûts immédiats.
Ce qui conduit normalement à des calculs économiques non pas instantanés
mais actualisés. Ceci dit : qui paiera les investissements initiaux,
et comment ? Ce sont manifestement, dans ce cas, des aides - plus que des contraintes
- qu'il faudrait mettre en place. On peut imaginer, par exemple, qu'en matière
d'isolation des bâtiments, il faudrait songer d'abord à des avances
financières, la compensation étant réalisée grâce
aux économies ultérieures de chauffage remboursées (au
moins partiellement) sur 10 ans par les bénéficiaires finaux.
Une vraie révolution dans les esprits français qui semblent, parfois,
ne connaître que la réglementation.
N'est-ce pas utopique de compter sur des aides plutôt que sur des obligations ?
Absolument pas. Prenez l'exemple suivant : dans bien des cas la performance énergétique est liée plus au pilotage et à la gestion des installations qu'à la conception. Ce sont, souvent, des conseils qu'il faudrait fournir. On peut les transmettre aisément s'il s'agit d'une aide, absolument pas s'il s'agit d'une obligation. Il faut donc que le cadre soit différent. Rester sur des méthodes qui ont beaucoup vieillies pénalisent nos décisions : il faudrait manifestement les revoir.
Qu'entendez-vous par là ?
D'une quasi-nécessaire réorganisation de nos activités, mais il s'agit là d'un sujet assez vaste : j'y reviendrai à partir de Lundi prochain.
Roger CADIERGUES