Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
18 Octobre 2010
La semaine dernière je vous ai proposé, sur l’exemple du chauffage, d’établir un bilan carbone complet, avec la décomposition suivante de ce bilan :
. d’abord le « carbone investi » (par exemple pour améliorer l’isolation),
. ensuite le « carbone opérationnel » (mesuré par la consommation de chauffage).
C’est sur cette base que nous allons tenter un exemple.
Essayons …
Reprenons l’exemple de la semaine précédente d’une analyse sur 60 ans. En adoptant, comme référence de départ, une isolation caractérisée par un double vitrage et un isolant des parois extérieures de 15 cm, j’obtiens les valeurs suivantes (valeur globale de 100 pour l’ensemble des émissions carbone) :
. 25 pour le carbone investi,
. 75 pour le carbone opérationnel,
Si j’opère, maintenant, les modifications suivantes :
. ajout de deux couches sélectives sur le double vitrage,
. renforcement de l’isolant en portant son épaisseur à 20 cm,
les émissions deviennent :
. 28 pour le carbone investi (au lieu de 25),
. 67 pour le carbone opérationnel (au lieu de 75).
Il est clair que je réduis globalement le carbone émis sur les 60 ans, en passant de 100 à 95. Mais cet exemple permet également de moduler les conclusions.
Que voulez-vous dire par là ?
Un tel bilan a deux conséquences importantes.
- La première concerne les bilans carbone : la réduction du carbone opérationnel (le seul qu’on connaisse en France) est de 8, mais - en fait - la réduction du carbone total n’est que de 5 ;
- La deuxième concerne les aspects temporels : je dois émettre 3 de plus immédiatement, la compensation n’ayant lieu que dans les (60) années qui viennent.
La conséquence la plus inattendue c’est que mon amélioration thermique va – dans l’immédiat - augmenter (et non pas diminuer) le dégagement actuel de gaz à effet de serre. Ce qu’on prendrait forcément pour une galéjade ou une erreur, mais qui n’est en fait qu’une réalité. Bien entendu ce carbone supplémentaire va être économisé avec le temps, mais l’effet immédiat subsiste. Je n’ai jamais entendu dire que la nouvelle réglementation thermique allait augmenter le réchauffement climatique : c’est pourtant certain dans l’immédiat.
N’allez-vous pas un peu loin ?
Je comprends votre surprise, et même votre doute, mais – sans en faire une démonstration définitive - nous vivons quand même une situation qui pourrait bien tenir au carbone investi. Au printemps 2010 le ministère de l’écologie a annoncé (glorieusement) une forte diminution de la consommation d’énergie en 2009. Mais, plus récemment, le commissariat au développement durable a annoncé la stagnation (depuis 1990) de notre dégagement de CO2. Avec des explications que je considère personnellement comme «tirées par les cheveux».
Qu’en tirez-vous comme conclusion ?
La première est bien simple : le bilan carbone complet permettrait d’optimiser les choix, en particulier en matière d’isolation. Et ce à la place des valeurs technocratiques françaises ou européennes actuelles, qui sont devenues une religion sans fondement ni justification sérieux. La deuxième conclusion est au moins aussi importante : il est urgent de s’attaquer à la réduction du carbone investi, totalement oublié dans les démarches françaises actuelles.
N’est-ce pas limité à l’isolation et au chauffage ?
Absolument pas : toutes les composantes du bilan carbone doivent faire l’objet de la même analyse. Et pas seulement l’isolation thermique. Et pas seulement le chauffage.
N’est-ce pas aller vers un nouveau critère de performance des bâtiments ?
Absolument pas, et ce pour d’autres raisons que j’ai déjà indiquées et que je reprendrai ces prochaines semaines. En attendant nous allons réexaminer les possibilités offertes par les énergies renouvelables, que le passé et les consignes actuelles nous invitent à sonder avec soin.
Roger CADIERGUES