Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
21 Mars 2011
La majorité des pays européens les plus avancés souhaitent s’aligner sur l’objectif général du continent : diviser par cinq d’ici 2050 notre émission de carbone (CO2) vers l’atmosphère. Tout le monde, ou presque, vit sur ce vœu pieux, mais sans avoir nettement examiné si c’est réellement viable.
Est-ce si difficile ?
Revoyons d’abord ce dont il s’agit. L’Europe – et elle seule - s’est engagée :
. d’ici 2020 (par rapport à 1990) à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20%, à accroître jusqu’à 20% la part des énergies renouvelables, et à augmenter de 20% l’efficacité énergétique ;
. d’ici 2050 à réduire de 85 à 90% les émissions de gaz à effet de serre.
Avant d’examiner cet objectif futur essayons de savoir où nous en sommes. En fait nous constatons deux situations très différentes selon qu’il s’agit de la France ou de l’Europe.
Quelles sont ces différences ?
Voyons d’abord le cas de l’Europe : la Commission européenne, en particulier par la voix de son commissaire au climat (Connie Hedegaard), soutient que nous sommes dans une très bonne voie puisque les émissions de gaz à effet de serre ont déjà baissé (en Europe) de 16%. La direction générale du climat de Bruxelles en tire les conclusions suivantes : -25% en 2020, -40% en 2030, -60% en 2040, etc ... Et ce sans modification du rythme des investissements. L’ennui c’est que la France, par exemple, ne voit pas baisser ses émissions, non plus que certains pays tels que la Grande Bretagne.
Quelles sont les raisons de notre retard ?
C’est là où les raisonnements européens manquent de clairvoyance. Un grand nombre de pays, Allemagne en tête, opposés à l’énergie nucléaire, utilisent assez fortement des combustibles – souvent très classiques – pour leur production d’électricité. Dans ce secteur il est assez facile, au moins dans l’immédiat, d’améliorer la situation : c’est ce qui semble se passer dans beaucoup de pays qui ne partent pas du tout de la même situation que nous. En fait Bruxelles se refuse manifestement à parler d’émissions par habitant, et non pas d’émissions globales – ce qui empêche d’y voir clair. De plus, les illusions peuvent manifestement provenir du fait que la situation – dans bon nombre d’états européens – a été, jusqu’ici, relativement favorable aux réductions d’émission à coût modéré. Malheureusement ce sera de moins en moins souvent le cas. Et l’optimisme européen, un peu trop béat, risque fort de se trouver dépassé. D’autant qu’une bonne partie des consommations énergétiques - donc des dégagements de carbone - proviennent de produits importés qui ne sont pas pris en compte dans les bilans européens.
Que pouvons-nous y faire ?
Il existe trois secteurs essentiels à corriger : la production électrique, les transports, les bâtiments existants. Dans notre pays, il y a sûrement un peu mieux à faire dans les deux premiers secteurs. Mais ce n’est pas si simple pour tout ce qui concerne le troisième secteur : la rénovation des bâtiments. Sur ce plan je pense qu’on peut valablement se retourner vers une démarche récente de la Grande Bretagne.
A quoi voulez-vous faire allusion ?
Comme d’autres pays la Grande Bretagne vit dans l’idée que, pour le neuf, on peut réaliser assez facilement des bâtiments « zéro carbone ». Admettons-le en convenant que la réalité restera conforme aux calculs les plus répandus. Ce n’est pas tout, loin de là, car cela ne concerne guère que le neuf alors qu’il ne faudrait pas oublier l’existant. Sur ce plan l’association des ingénieurs britanniques d’équipement technique (le CIBSE) vient d’analyser clairement ce défi majeur. Leur conclusion est claire, et vaut pour la France : pour parvenir au résultat souhaité en 2050 il faudrait « rénover un bâtiment existant chaque minute ». Une conclusion si importante que le dernier congrès du CIBSE a d’ailleurs été titré « One building a minute – the great refurbishment challenge ». En la matière, d’ailleurs, le problème essentiel risque de ne pas se limiter à définir les méthodes pour parvenir au résultat souhaité, encore faudra-t-il trouver le financement qu’exigera cet effort gigantesque.
Roger CADIERGUES