Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
21 Juin 2010
Enthousiasmés par le Grenelle de l’Environnement, beaucoup de participants ont eu l’illusion que tous nos problèmes énergétiques étaient faciles à résoudre. Malheureusement les choix ont plus été le résultat des enthousiasmes, ou des intérêts de participants, avec – inévitablement – un jour ou l’autre le retour du bâton …
Pardonnez-moi d’abord …
Dans ma dernière lettre je vous avais indiqué que nous reviendrions aujourd’hui sur les deux thèmes que sont la production d’énergie par des centrales combinées incinérant des déchets, et la production d’électricité par des centrales éoliennes. De nouveaux éléments me conduisent à interrompre cette présentation, et à revenir sur ce que j’ai appelé les « illusions perdues », tenant à ce que nos choix ne sont pas du tout aussi rationnels que l’on pourrait espérer : les enthousiasmes écologiques ont pris le pas sur la raison. Au niveau des décisions nationales il nous manque des préalables bien étudiés, en particulier sur le plan de l’analyse et de l’optimisation économiques. Nous sommes même parfois très loin de la « raison ».
Est-ce fondamental ?
Je vais prendre un exemple : l’idée selon laquelle tous nos problèmes thermiques seront résolus par la simple augmentation de l’isolation des bâtiments. Et ce sans qu’on se donne des limites. Au premier abord c’est simple, mais quand on y regarde de près ce n’est pas aussi facile. J’ai tenté vainement de savoir si l’on avait examiné sérieusement le problème : je n’ai rien trouvé. Il m’a donc fallu procéder moi-même aux calculs, et en voici un exemple. Je pars d’une paroi très peu isolée (U = 2,5), et je regarde ce qu’on obtient en matière de consommation de chauffage en ajoutant de l’isolant, centimètre par centimètre. Si je définis l’échelle d’efficacité de façon relative, voici les résultats :
. passage de 0 à 1 cm : efficacité du centimètre ajouté = 100 (référence)
. passage de 2 à 3 cm : efficacité du centimètre ajouté = 24
. passage de 5 à 6 cm : efficacité du centimètre ajouté = 8
. passage de 10 à 11 cm : efficacité du centimètre ajouté = 2,7
. passage de 15 à 16 cm : efficacité du centimètre ajouté = 1,4
. passage de 20 à 21 cm : efficacité du centimètre ajouté = 0,85
En clair cela veut dire que votre vingtième centimètre d’isolant est de capacité d’amélioration inférieure au centième de ce que nous a fourni le premier centimètre. Je cherche en vain un tel bilan, ici ou ailleurs. Avec ses répercussions économiques.
Mais ce n’est pas le seul problème ?
Absolument d’accord, et ceci pour deux raisons.
1. Si l’on regarde de près la réduction du CO2 dû au chauffage n’est pas uniquement liée à l’isolation des parois : il faut donc mettre l’isolation en concurrence avec les autres solutions sur le plan thermique.
2. Bien pire, l’ajout très poussé d’isolant accroît le dégagement de CO2 lié au matériau lui-même.
Que voulez-vous dire par là, et est-ce vraiment important ?
Pour vous répondre je vais reprendre l’exemple précédent mais en chiffrant le CO2 lié à la fabrication, au transport et à l’installation de l’isolant. Voici les résultats, par rapport en gain de consommation :
. passage de 0 à 1 cm : énergie grise du centimètre ajouté = 1 (référence)
. passage de 2 à 3 cm : énergie grise du centimètre ajouté = 5,8
. passage de 5 à 6 cm : énergie grise du centimètre ajouté = 12
. passage de 10 à 11 cm : énergie grise du centimètre ajouté = 35
. passage de 15 à 16 cm : énergie grise du centimètre ajouté = 70
. passage de 20 à 21 cm : énergie grise du centimètre ajouté = 115
Le vingtième centimètre d’isolant nous coûte 115 fois en CO2 ce que coûte le premier …
Roger CADIERGUES