Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
25 Janvier 2010
On dit que nos démarches actuelles face au réchauffement climatique fixeront notre avenir, et qu’il s’agit là de démarches essentielles : l’auteur de cette lettre n’est pas du tout convaincu de la validité totale de ces démarches. Au-delà même des déceptions résultant de la récente foire de Copenhague, les risques essentiels semblent échapper à beaucoup de décideurs. A moins qu’ils ne veulent pas regarder les réalités en face.
De quoi voulez-vous parler ?
Tout simplement – et entre autre - du risque économique, qui est d’autant plus grave que la France, comme beaucoup d’autres pays (Grande Bretagne ou autre) soufrent d’un manque chronique de logements, un manque qui - tôt ou tard - se répercutera sur les finances publiques. Il faut, impérativement et contrairement à ce qui se pratique le plus couramment, faire intervenir les coûts et les rentabilités. Pour expliquer l’importance de ce thème je prendrai des exemples.
Quels sont-ils ?
Mon premier sera le suivant : lors de la mise au point des règles thermiques RT, à la fin des années 1980, j’ai émis le vœu que nous examinions avec précision jusqu’où nous pourrions aller en matière d’isolation thermique des bâtiments. Malheureusement cette étude d’optimisation globale n’a pu être menée à terme car il était alors urgent de sortir de nouvelles règles. Depuis cette époque, ni en France ni ailleurs, je n’ai vu aborder sérieusement ce problème économique, pourtant crucial : il faut impérativement que nos choix, en particulier en matière d’isolation thermique des bâtiments, soient rationnels et non pas subjectifs. Prévoir une isolation thermique des bâtiments poussée aussi loin que possible est resté un exercice naturel chez certains : on en voit aujourd’hui les effets. Avec les dispositions adoptées par nos nouvelles règles, ou par certains labels, les surcoûts de construction deviennent de plus en plus difficiles à accepter … et sont peut-être de moins en moins justifiés.
N’est-ce pas un problème de temps, les recherches en cours permettant d’espérer une meilleure situation ?
Grâce aux milliards accordés à la recherche, croire que le futur nous réservera des surprises favorables est devenu l’une des opinions le plus souvent exprimées, une croyance fréquente qui équivaut très souvent à prendre un peu facilement nos ancêtres pour des imbéciles. Prétendre également qu’avec le développement du marché tel ou tel prix va sérieusement baisser n’est également, et très souvent, qu’une affirmation fallacieuse. Il faut donc, impérativement, faire intervenir tous les coûts dans nos décisions, et ce sans biais quelconque. Et sans espoir abusif. Ce n’est pas toujours facile. Il y a quelques années le gouvernement britannique, très séduit par les discours de personnalités solaires annonçant un développement considérable de l’emploi dans leur secteur, a envisagé de les accompagner. Mais après examen, catastrophe : toute l’annonce reposait implicitement sur l’hypothèse selon laquelle le gouvernement allait accorder de très substantielles primes au solaire : tout reposait finalement sur une subvention déguisée à l’emploi.
Ces errements sont-ils vraiment si importants ?
Il suffit de constater les surcoûts actuels les plus courants (sur les bâtiments), les avantages de la forte isolation étant très souvent surestimés. Une partie non négligeable des illusions actuelles en la matière tient à l’utilisation de méthodes de calculs opaques, qui cachent malheureusement trop souvent les réalités. Les résultats sont clairs : actuellement, quand on mesure les consommations réelles de chauffage et eau chaude, on trouve en réalité 30 % de plus (en ordre de grandeur) que ce qui est prévu par nos fameuses règles RT actuelles. Ces dernières sont pourtant la bible des thermiciens français. Une bible qui se flatte d’ailleurs d’utiliser des méthodes savantes alors qu’on peut – très valablement – opérer plus simplement. Les méthodes « savantes » peuvent, de plus et sans qu’il s’agisse de mauvaise volonté, cacher des erreurs numériques graves. Tout cet arsenal pour finalement, en France, calculer en « énergie primaire » … sans hésiter à utiliser des chiffres faux.
N’y a-t-il pas vraiment moyen de faire mieux ?
Si, bien sûr, mais en raisonnant globalement, et avec des objectifs valables. Il ne s’agit pas de se baser sur les consommations, même primaires. Il ne s’agit pas non plus de se baser sur des réchauffements (de 2 °C par exemple) très difficiles à prévoir malgré les affirmations officielles. Il s’agit tout simplement de réduire, sinon d’annuler les dégagements de gaz à effet de serre. Je pense qu’il n’est d’ailleurs pas utopique de vouloir les supprimer (ou les équilibrer), mais il faut s’y prendre convenablement … et non pas à travers des calculs illusoires et sans souci des réalités, en particulier économiques. Car c’est là l’obstacle le plus redoutable, qui ne devrait pas tarder à s’afficher. C’est cet obstacle que nous examinerons la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES