Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
8 Décembre 2011
En France la ventilation est considérée comme bien cadrée, qu’il s’agisse de ventilation résidentielle, de ventilation tertiaire ou de ventilation des postes de travail. En fait, il s’agit là, plus ou moins, d’une illusion : ce qui est au point (tant bien que mal) c’est la réglementation. Mais qu’en est-il de la réalité face aux objectifs fondamentaux de la ventilation, même quand on respecte cette réglementation.
Que voulez-vous dire ?
Je voudrais, en répondant à cette question, ne pas mélanger ventilation résidentielle, ventilation tertiaire, ventilation du travail et ventilation hospitalière. Commençons par le tertiaire : la ventilation y bénéficie d’une réglementation basée sur des règles que j’ai pu proposer au Conseil Supérieur d’Hygiène dans le cadre de la mise au point du Règlement Sanitaire type. Ces règles sont les suivantes :
. caractériser le niveau de « pollution olfactive » due à l’occupation en utilisant le CO2 dégagé par les occupants en fonction de leur activité physique (valeurs scientifiques connues),
. fixer les valeurs maximales de teneur en CO2 acceptables, en fonction des conventions couramment admises,
. obliger le concepteur du bâtiment à préciser le nombre d’occupants prévus et leur activité physique, ce qui fixera, local par local, le débit d’air neuf à assurer.
Le critère du CO2 est de ne pas dépasser une teneur donnée, par exemple 1000 ppm (millionièmes en volume) de CO2. Ce critère a maintenant plus de 150 ans, mais n’a jamais pu être remplacé, même si on peut prendre des valeurs un peu plus fortes que 1000 ppm, ne serait-ce que par suite de l’augmentation du CO2 extérieur.
Il y a, pourtant, d’autres critères que le CO2 …
Vous voulez, sans doute, parler de la théorie des olfs et des décipols, due à Olaf Fanger. Malheureusement cette théorie est en complète contradiction avec la totalité des recherches sur l’odorat. Il y a quelques années il nous a fallu regrouper trois pays (la Grande Bretagne, la Belgique et la France : le quorum indispensable) pour nous opposer, à Bruxelles, à un projet de norme européenne sur la ventilation basé sur les olfs et décipols. Un projet qui, de ce fait, n’a pas été adopté (il conduisait d’ailleurs à des débits nettement supérieurs à ceux que nous adoptons actuellement).
N’est-il pas mal commode d’être obligé de fixer a priori le nombre d’occupants …
Sans aucun doute, et je vous dirai plus loin comment on peut faire face à cette difficulté. Il y a bien eu, il y a quelques années, la tentation (pour la réglementation thermique) de fixer une occupation par mètre carré selon le type de locaux, mais elle n’a pas été retenue : nous avons été plusieurs à nous y opposer.
Vous avez indiqué que vous reviendriez sur la spécification en CO2 …
Dans la pratique que je conseille, si le contrôle révèle une teneur en CO2 trop forte, il faut augmenter la ventilation. Mais n’intervenez que si cette teneur est supérieure à 1500 ppm en ordre de grandeur (et non pas 1000). Sinon rectifiez les débits d’air neuf : une intervention lourde en général.
N’est-il pas délicat de se baser sur la mesure de CO2
Quand nous avons fixé les débits au Conseil Supérieur d’Hygiène la base suivante a été adoptée : caractériser la pollution olfactive par la teneur de l’ambiance en CO2, valeur dépendant de l’activité respiratoire des occupants. Malheureusement ces bases n’ont pas été indiquées dans la publication finale du Règlement Sanitaire, et c’est dommage car cela a escamoté le rôle potentiel du CO2 dans la régulation des débits de ventilation. Certaines installations sont actuellement régulées par des détecteurs de présence, mais je trouve cette méthode ambiguë. Utiliser les sondes de CO2 me parait, tout au contraire, la méthode à recommander quand il s’agit de régler les débits de ventilation, et ceci bien que ce soit encore, en France, insuffisamment pratiqué.
Il nous reste, maintenant, à examiner la ventilation du travail.
Est-elle très différente de celle du tertiaire ?
Fort heureusement non : les rédacteurs du Code du Travail ont participé aux travaux du Conseil Supérieur d’Hygiène, et ont décidé d’adopter pour les locaux du travail les mêmes bases que celles que nous avions adoptées pour la ventilation tertiaire, à savoir le nombre et l’activité des occupants se traduisant par une certaine production de CO2. C’est important pour la raison suivante : dans beaucoup d’enceintes coexistent des sujets relevant du Règlement Sanitaire alors que d’autres relèvent du Code du Travail. Par exemple, dans un magasin : les clients (qui relèvent du Règlement Sanitaire) et les vendeurs (qui relèvent du Code du Travail). Les textes sont ainsi rédigés qu’il n’y ait pas d’ambiguïté dans l’addition des exigences en matière de débits d’air neuf.
Roger CADIERGUES
Il est assez édifiant de constater que malgré la connaissance de le piètre qualité de l'air dans les locaux d'habitation et la mise en évidence de la possibilité de réguler le renouvellement par un système régulé (sonde CO2) rien ne soit fait réglementairement pour inciter les constructeurs et les installateurs à préconiser ces systèmes.
On en est au niveau de la ventilation au point ou en était la régulation des installations de chauffage avant 1973 (le premier choc pétrolier) en espérant que cela aille un peu plus vite pour la santé des occupants.