Par Alexandre COLIN & Olivier PAPIN – du BET ECIC (Paris et Bordeaux)
L'augmentation de la température moyenne, du nombre de jours de forte température et la diminution du nombre de jour de gel font partie des conséquences certaines du changement climatique.
D'après le rapport du GIEC, le nombre de jours supérieurs à 35°C augmentera, le risque de canicule sera accru, et une canicule de type 2003 surviendra tous les deux ans après 2050.
Cette hausse des températures étant inévitable, il semble important de la prendre en compte dès maintenant dans l'aménagement urbain et paysager des communes, mais également dans le traitement du confort d'été dans les bâtiments. Avec le changement climatique, le confort thermique devient stratégique que ce soit à l'échelle de l'espace public ou que ce soit à l'échelle du bâti. Il est alors à prendre en compte dans la conception ou dans la réhabilitation d'habitats.
Aujourd'hui de nombreuses solutions techniques existent dans la conception de nouveaux bâtiments, permettant de privilégier une Haute Performance Energétique (HPE) de la construction. De plus, « l'architecture bioclimatique » permet également de proposer des solutions pour lutter contre les fortes chaleurs estivales et ainsi maximiser le confort à l'intérieur. Ces différentes solutions techniques se répartissent sous différents enjeux :
- l'orientation des bâtiments
- le choix des matériaux et des couleurs
- l'utilisation de dispositifs architecturaux simples (balcons, avancées de toiture…)
afin de réduire l'exposition au soleil
- la protection des fenêtres (volets, stores)
- le renforcement de l'isolation
Or, l'aménagement paysager (souvent oublié dans la restructuration d'un bâtiment existant), lorsqu'il est possible, peut apporter de nombreux bénéfices au confort de l'habitat en maximisant son isolation.
Principe d'évaluation thermique d'un bâtiment. Source : forumconstruire.com
La végétalisation autour et sur le bâtiment peut contribuer à améliorer le confort bâti par différents moyens :
L'implantation d'arbres et de haies autour des habitats permet de filtrer la lumière naturelle, participant ainsi à la protection solaire. Elle apporte un ombrage et créé un microclimat par évapotranspiration. Le choix de l'espèce est important car la qualité de l'ombre d'un arbre dépend de sa densité. Ainsi, le feuillage d'un arbre peut filtrer de 60 à 90% du rayonnement solaire. Si les espèces sont à feuilles caduques, l'ombrage qu'elles offriront en été se réduira en hiver pour laisser entrer les rayons du soleil. A cet égard, il est préférable de choisir une espèce à large feuille, faisant peu de bois, pour maximiser l'ombrage en été et minimiser le blocage du soleil en hiver. Il ne faut pas oublier que, même dépourvus de leurs feuilles, les arbres réduisent l'insolation effective de 20 à 40%.
De plus, une couverture végétale assure une lumière diffuse, atténuant les effets de réverbérations ou d'éblouissement dus à la présence d'ombre et de soleil.
La végétation joue un rôle protecteur sur les constructions environnantes. En hiver, haies et rangées d'arbres peuvent également protéger le bâtiment du vent, en étant utilisés comme brise-vent, avec une efficacité optimale si l'écran végétal est semi-perméable au vent, homogène et haut. La réduction de la vitesse du vent peut diminuer l'infiltration d'air froid dans les bâtiments jusqu'à 50% ce qui correspond à des économies potentielles de chauffage de l'ordre de 10-12% par an.
Exemple de protection solaire par le végétal en Australie (BET-ECIC)
L'albédo est un paramètre des matériaux qui influe sur leur comportement face à la chaleur, il représente l'énergie solaire réfléchie par rapport à l'énergie solaire reçue (Energie réfléchie / Energie reçue). L'albédo est une grandeur sans dimension, comprise entre 0 (pour une surface absorbant la totalité de la lumière incidente : corps noir) et 1 (pour une surface réfléchissant la totalité de la lumière incidente), et permet de définir les propriétés thermiques de stockage de chaleur des matériaux. Appliquée aux matériaux urbains, cette donnée physique détermine leur capacité d'absorption ou de réflexion de l'énergie reçue et ainsi leur température. Un matériau à faible albédo absorbe plus d'énergie, et donc de chaleur, sa température de surface sera alors plus élevée. Pour exemple, l'asphalte noir possède un albédo de 0.05 ; le sol nu 0.2 et des pavés clairs 0.45. Il est donc souhaitable d'éviter une surface goudronné proche d'habitation. En été, une surface goudronnée peut atteindre une température supérieure à 80°C à cause de sa couleur foncée et de son horizontalité. De plus, le comportement des matériaux urbains fait qu'ils emmagasinent de la chaleur, qu'ils restituent plus tard sous forme d'infrarouge, une fois que la température de l'air est redescendue. Ainsi, le flux thermique de l'atmosphère urbaine reste toujours positif.
Flux d'énergie et de rayonnement au-dessus d'une zone urbaine et d'une zone rurale
Source : Colombert, 2008 (simplifié)
De ce fait, un tapi de végétation réduit le rayonnement solaire réfléchi et emmagasiné par le sol permettant un plus grand confort estival. En effet, la texture et la nature des sols déterminent une partie de l'ambiance extérieure autour des bâtiments et pèsent également sur leur ambiance intérieure.
L'imperméabilité de ce type de surface contribue aussi à sa capacité thermique : la matière dense n'est donc pas refroidie par percolation de l'eau. A contrario, le recours à des matériaux réfléchissants et clairs ou à un aménagement paysager peuvent participer à l'augmentation des albédos et donc à la diminution de la température ambiante grâce à un stockage et une restitution plus faible de l'énergie solaire accumulée dans la journée.
Mesure de lutte contre les îlots de chaleur urbain au Québec
(Institut National de la Santé publique du Québec)
En plus d'une réflexion sur la couleur du bâtiment de ses matériaux et donc de son albédo, pour favoriser un meilleur confort thermique du bâti, il est important de favoriser une bonne isolation. Bien qu'elles soient des paramètres associés aux climats froids, l'isolation et l'étanchéité sont aussi incontournables pour assurer le contrôle de la fraîcheur à l'intérieur du bâtiment. Sur un bâtiment existant, la restructuration complète du système d'isolation est souvent difficile est coûteuse. Là encore, un aménagement paysager de l'enveloppe du bâtiment peut apporter une solution alternative d'isolation. En effet, le simple fait de couvrir des surfaces des bâtiments et d'y créer de l'ombre est en soi une façon de le refroidir en été. De plus, l'air contenu dans la masse végétale agit comme isolant et la vapeur d'eau émise par évapotranspiration des feuillages permet de rafraîchir l'air ambiant. Autre avantage, en hiver, le tiers de la demande en chauffage est attribué au vent diminuant l'efficacité énergétique d'un bâtiment, hors, une couche de végétaux agit comme un tampon qui l'empêche de circuler directement le long des parois.
On retrouve ces principes d'isolations thermiques dans la valorisation de toits verts et de façades végétales. En plus d'apporter une réponse technique à l'isolation d'un bâtiment ancien, ces aménagements améliorent la qualité visuelle de l'espace urbain. Toutefois on privilégiera, pour une plus grande efficacité, des toits verts pour isoler des bâtiments d'un seul étage, et des façades végétales pour des bâtiments à plusieurs étages.
Mur végétal en mode de croissance hydroponique conçu par Patrick Blanc, Quai Branly
Mur et toit végétalisés, Ville de Paris (www.ecopro.com)
Avec la hausse des températures dues au changement climatique, le confort d'été va devenir stratégique dans les centres villes et des adaptations sont à intégrer pour prendre en compte ce nouveau paramètre, notamment dans l'existant.
La végétalisation est un outil puissant souvent négligé pour rendre le bâtiment plus confortable, elle permet des impacts positifs sur l'écosystème et peut également améliorer la qualité de vie des occupants. Dans le cas de bâtiments existants, où l'intégration de ces contraintes est plus difficile a posteriori, un aménagement paysager peut remplir ces fonctions et ainsi contribuer à améliorer son confort.
Alexandre COLIN & Olivier PAPIN –du BET ECIC (Paris et Bordeaux)
Alexandre COLIN, étudiant paysagiste à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture et Paysage de Bordeaux, en préparation de diplôme chez ECIC sur le thème de l'adaptation des paysages urbains au changement climatique.
Olivier PAPIN, Ingénieur INSA – Energie et Environnement – assure des missions d'audit énergétique et bilan carbone pour les collectivités publiques et les sociétés privées. Il est également formateur spécialisé Bilan Carbone et intervient pour le compte de l'ADEME.
www.bet-ecic.fr
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Bonjour à tous,
Je n'avais pas pris connaissance ce vos commentaires, excusez moi
Effectivement pour appliquer des solutions végétales, il est nécessaire d'étudier un minium le site. Car la végétation n'est peut-être pas la seule possibilité "hors climatisation", on peut jouer sur d'autres enjeux. Et si on opte pour la végétalisation, il y a plusieurs possibilités sur le choix des essences, pour tenir compte de leurs atouts et de leurs nuisances