Par René CYSSAU - Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC
Les textes réglementaires devraient être rédigés attentivement pour le bon usage des termes. Le sceau de la légalité leur donne une valeur d'exemplarité.
A la lecture du projet d'arrêté portant approbation de la méthode de calcul Th-B-C-E de la RT2012, j'ai noté quelques défauts d'usage de mots et de symboles. Il semble utile d'indiquer les déviations qui ne sont pas propres à ce texte.
Et dans le futur ? Pourquoi ne pas continuer ! Avec un dictionnaire ouvert selon le principe tel que « Wiki ». Pour cela, apportez votre contribution si vous le désirez au prochain « Wikixpair » en écrivant à l'auteur à son adresse ci-dessous.
1°/ Des termes à proscrire … pas à prescrire par des textes réglementaires
Température opérative : pourquoi ne pas écrire température résultante, une expression bien connue, couramment utilisée? L'adjectif "résultant" a pour sens "effet qui s'ensuit", il est bien adapté à une indication obtenue par une combinaison algébrique de plusieurs températures. L'expression tirée de l'anglais "operative temperature" n'apporte rien, elle fait perdre du sens. Ce serait une invasion régressive, au sens de Claude Hagège, linguiste distingué attentif aux bons usages du français qui déplore l'invasion de termes anglais sans justification.
Pourtant, l'expression "resultant temperature" est utilisée par des ingénieurs britanniques, dixit Roger Cadiergues, dans une de ses chroniques sur Xpair.com.
Sur le site Wikipedia de langue anglaise, la définition de "operative temperature" (la même définition que celle de température résultante, en ne tenant pas compte des autres grandeurs : humidité et vitesse d'air) est complétée par l'indication qu'elle se mesure par un "eupatheoscope"inventé par A. F. Dufton in 1929. Il est hautement préférable d'utiliser l'expression "température résultante" et de mesurer cette température par un thermomètre résultant, défini par André Missenard.
Régulation-gestion : l'usage de "gestion" dans ce groupe de mots est inapproprié, il est utilisé pour un sens restrictif, éloigné de celui qui lui est donné dans des expressions telles que "gestion de projet", "gestion technique", qui peuvent apparaître dans un même texte. Le français est assez riche pour choisir une expression adaptée. "contrôle-commande" est couramment utilisé, le choix peut aussi se porter sur "régulation-pilotage" si le mot régulation doit être conservé. L'expression "gestion manuelle" est aussi abusive pour désigner de simples actions, commandes ou réglages manuels.
Calorifique : signifie "qui produit de la chaleur". Dans le document ce mot est utilisé à la place de "thermique". Par exemple : remplacer "capacité calorifique massique" par "capacité thermique massique".
Débit volumique et débit massique : remplacer par "débit de volume" et "débit de masse". Dans l'expression des grandeurs physiques, le suffixe "… ique" prend la signification : en référence à … ou en référence à l'unité de …, comme "chaleur massique", "masse volumique"… Le mot "débit" devrait donc être suivi par la préposition "de". La contraction débit-volume, débit-masse, est souvent utilisée, une pratique acceptable qui se retrouve dans des normes.
Symboles littéraux des grandeurs physiques : beaucoup de symboles notés dans le document ne suivent pas les règles courantes, en particulier celles qui viennent des normes : NFX 02-201 à -204.
Parmi ces règles :
Q: symbole pour une quantité de chaleur ou d'énergie (et non débit)
dans le document, Q est utilisé soit pour un débit, soit pour une énergie.
q : symbole pour un débit ; qm pour un débit de masse, qv pour un débit de volume, comme indiqué ci-dessus.
p : symbole pour une pression
P : symbole pour une puissance
dans le document, P est utilisé soit pour pression, soit pour puissance. Ainsi, par exemple, Pcircul peut signifier soit la pression, soit la puissance d'un circulateur.
Ces quelques règles simples ne sont pas couramment appliquées dans les publications françaises, des auteurs créent des symboles de leurs choix. Par contre, l'observation de ces quelques règles est courante dans les publications étrangères, la lecture en est facilitée.
2°/ Les mots vivent … des nouveaux mots naissent et se développent, des défauts prolifèrent
Les usages inadaptés des mots indiqués ne sont pas propres au texte cité dans le cadre de la RT2012, en cours de préparation. Des rédacteurs techniques reprennent des termes sans plus de précautions, des usages erronés se diffusent. La prolifération, ensuite, laisse croire à la règle.
Roger Cadiergues a déjà émis certaines remarques indiquées plus haut dans ses chroniques. Il m'a mis plusieurs fois la puce à l'oreille par son attention particulière à la langue, attentif aux étymologies, critiquant des usages abusifs, proposant des mots nouveaux maintenant utilisés.
L'exemple des termes courants de l'informatique est remarquable à cet égard; des mots pertinents ont été intelligemment créés (ordinateur, logiciel …) et des mots québécois non moins pertinents (courriel, pourriel …) ont remplacé des anglicismes.
Les domaines de l'équipement technique, du génie climatique et de l'énergétique du bâtiment sont en forte évolution, une veille sur la terminologie semble utile. Les mots techniques doivent garder un sens précis et rester intelligibles, en particulier pour les jeunes qui découvrent des techniques.
3°/ Et dans le futur ? Pourquoi-pas continuer ! Avec un dictionnaire ouvert selon le principe tel que « Wiki ».
Faudrait-il alors former un dernier carré des défenseurs des bons usages ? Un cercle des poètes du français disparu ? Un cercle fermé ?
Par contre, un rassemblement de mots dans un dictionnaire ouvert selon un principe tel que "Wiki" pourrait être utile. Il pourrait, d'un côté, rassembler des termes utiles pour leur pertinence et, d'un autre côté, des mots relevés pour leur incongruité.
Il pourrait être alimenté par les propositions de tous ceux qui sont sensibles aux bons usages des mots dans ces domaines où les innovations abondent et où des termes importés ou abusivement commerciaux pourraient proliférer.
Que dire des expressions ou mots relativement récents comme : aérothermie, aquathermie, performance ou efficacité énergétique, efficacité énergétique active, Certificats d’Economie d’Energie, Contrat de performance Energétique, CESI, CESCI, SSC, VMR (ventilation mécanique répartie), VMC répartie, ventilation nocturne, Bilan Carbone, énergie grise, , étiquette énergie, BBC, BEPOS, BPOS, BEPAS, …., développement durable, …., etc, etc, ….
Ainsi, nous pourrions prévoir nos prochains papiers, sous l’égide de :
« En français dans le texte,…, les nouveaux termes qui émergent, »
Avec prochainement :
« En français dans le texte,…, les mots de la performance, »
« En français dans le texte,…, nouvelles techniques, mots nouveaux, »
Cela permettrait d'éditer des papiers ultérieurs avec le même premier titre et une seconde partie : ... - des nouveaux termes qui émergent, ...- les mots de la performance, .... - nouvelles techniques, mots nouveaux, ... La compo peut différencier les 2 parties des titres.
Cela permettrait aussi d'inviter des rédacteurs ou des rédacteurs en chef de revues de contribuer à ce sujet, et d'en faire un récapitulatif complet voire un lexique ou un ouvrage de référence.
→ Pour apporter votre contribution, vous pouvez allègrement m’envoyer vos suggestions via le portail XPAIR ou directement à r.cyssau(at)sfr.fr
René CYSSAU
Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC,
René CYSSAU est l'auteur d'ouvrages techniques et a été ex-rédacteur en chef de la revue PROMOCLIM.
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