Par Philippe NUNES - Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d'XPAIR
La climatisation à très bas niveau de consommation devra reconsidérer ses fondamentaux. Tant en termes de dimensionnement que de systèmes de climatisation. Voici quelques indications de conception qui permettront au concepteur et au maître d'ouvrage de disposer d'une climatisation à très bas niveau de consommation énergétique. Bien entendu, nos habitudes sont à remettre à plat !
1°/ Dimensionnement et études des charges frigorifiques : il restera les charges internes et l'air neuf !
Belle construction « énergétiquement passoire »
La RT 2012 dite réglementation basse consommation ou BBC, vient à notre rescousse puisque le bâti sera automatiquement protégé et sur-isolé, et autant que possible isolé par l’extérieur. De ce fait, ponts thermiques mais surtout inertie thermique aideront « naturellement » à obtenir un confort d’été par effet d’accumulation de frigories ; en l’occurrence nocturnes !
En complément, si l’ensoleillement direct est stoppé par écrans et stores extérieurs, alors le bilan de charges frigorifiques se réduit à la prise en compte des seuls dégagements internes (éclairage, occupation, informatique, …), et au refroidissement de l’air neuf. Sur ces derniers postes, des actions simples et économiques sont bien entendu possibles et recommandées, telles que : usage d’éclairage basse consommation, de cellules de présence, CTA double-flux avec échangeur, puits provençaux, …. En parallèle, les locaux serveurs ou informatiques, voire les salles à forte occupation seront clairement à mettre de côté en termes de traitement et nécessiteront un dimensionnement rigoureux avec un traitement d’air dans tous les cas dynamique (centrales, armoires informatiques, ….).
Dépensons notre énergie grise pour concevoir autrement les installations de climatisation
2°/ Surpuissance et besoins maximums doivent-ils « pénaliser » toute l'installation de climatisation ?
La réponse est non ! Démonstration : si le bilan de charges précédent, si optimisé soit-il, nous donne une puissance « P », faut-il pour cela dimensionner toute la climatisation, les réseaux, isolants, émetteurs, …. pour cette puissance « P » ? qui ne sera nécessaire que 5 à 10 jours par an ? Pour un personnel en partie en congés ? Si la construction est de plus dotée d’une forte inertie, ne peut-on pas en profiter et optimiser cette puissance et par conséquent toute l’installation de climatisation ? Bien entendu, oui ! C’est un choix de concepteur et d’utilisateur. C’est aussi un choix de maître d’ouvrage qui paiera moins cher son installation !
Ainsi la puissance maxi « P » au lieu d’être augmentée avec une surpuissance sur laquelle le fabricant de groupes frigorifiques choisira par sécurité (et avantage commercial), le groupe de la gamme au-dessus, doit être diminuée. Nous recommandons un niveau d’optimisation de « P – 10% ». Après tout, cela reviendra à obtenir un glissement de la température extérieur de 26°C au lieu de 24°C par exemple, que quelques jours par an ! Admissible non ? Eu égard aux économies engendrées !
3°/ La climatisation sans groupes frigorifiques
Ce n’est pas une impossibilité si l’on utilise la fraîcheur naturelle de l’environnement extérieur. Cela s’effectue déjà selon nos habitudes avec l’air frais au niveau de nos centrales d’air free-cooling. Mais allons plus loin et revenons à la source de la conception. Le bâtiment à rafraîchir dispose-t-il d’une nappe souterraine ? L’eau de nappe, si elle est utile en géothermie, est relativement stable en température avec une température très intéressante en été autour de 20°C. C’est dire la performance en termes d’EER des machines frigorifiques ! (et par voie de conséquence de COP en hiver). Le rendement EER sera d’autant plus élevé que la différence entre températures des sources froide et chaude, est faible. Alors pourquoi produire de l’eau glacée à 5 ou 6°C ce qui détériorera l’EER ? Les charges frigorifiques étant si optimisées, une eau à 16°C sera suffisante pour obtenir une température de confort été autour de 24°C voire 26°C.
Et allant plus loin, si l’eau de nappe est proche de 20°C, alors elle peut être délivrée (via échangeur) dans les installations de distribution et d’émission. Les charges étant faibles, les émetteurs tels ventilo-convecteurs, poutres froides et dalles peuvent répondre aux besoins avec la plus haute efficacité énergétique.
C’est le principe du free-chilling qui va progressivement revenir avec la construction d’immeubles BBC. Les types d’applications sont multiples.
- Utilisations d’émetteurs à température réfrigérée et non plus à température eau glacée.
- Utilisation de TAR, tour aéroréfrigérant, dry-coolers avec mini-groupes frigorifiques d’ajustement,
- Utilisation d’eau de nappe mais également eau de mer pour les constructions en limite de bordure méditerranéenne
Installation avec échange eau de mer à la Seyne
4°/ Les salles à fortes charges frigorifiques sont à traiter à part
Il est clair que des salles informatiques, voire simplement des salles à forte occupation doivent être traitées avec des systèmes de climatisation avec des puissances adéquates. Une fois identifiées, ces salles disposeront la plupart des fois d’une climatisation dynamique avec des régimes d’eau glacée ou avec des climatisations à détente directe. Si l’installation d’un immeuble de bureaux dispose ainsi de 10 salles de réunions et d’une salle serveur, on choisira alors une climatisation de type DRV, voire à eau glacée si la source chaude est avantageuse et disponible.
Par Philippe NUNES
Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d'XPAIR, il intervient en apportant son éclairage et son expérience de plus de 25 ans dans les métiers du génie climatique et énergétique.
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