Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
Le bâtiment, isolé, il est dans la ville. L’individu qui l’occupe également n’est pas isolé, il passe constamment de phases statiques à des phases mobiles. Dans ce contexte, la valeur du bâtiment a ainsi changé, la ville crée de la valeur, voyons comment.
C’est dans la ville que la complémentarité entre bâtiment et transport est la plus intéressante
Continuons le raisonnement sur la communauté de bâtiments et l’intérêt de partager et d’échanger les ressources pour un objectif BEPOS au sens le plus large.
Nous pouvons examiner la communauté de bâtiments à l’échelle de la ville. Rappelons une définition de la ville qui la qualifie comme un espace de communauté de bâtiment, où il n’y a pas 500 mètres sans bâtiment. La ville intègre dans son territoire des communautés de bâtiments les plus diverses et complémentaires possibles, encore plus que l’îlot et encore plus que le quartier.
Dans la ville, la notion de transport et en particulier de transport en commun est encore plus présente. Elle tend à raccourcir les distances de ses administrés en faisant en sorte que vous ayez un accès à moins de X mètres (X pouvant aller de 500 m à 1 000 m), grâce au tramway, métro ou bus. Il faudrait y mettre un bémol en tenant compte de la fréquence bien sûr. Un bus avec fréquence c’est comme un tramway ou un métro. La desserte sans la fréquence ne donne pas du tout le même service.
Comment la valeur foncière va-t-elle évoluer ?
La structure des valeurs immobilières pendant longtemps s’est résumée à trois facteurs : le foncier, le foncier et le foncier. C’est-à-dire la valeur du terrain, sous-entendu la valeur de son emplacement, la vue, son image de marque. La qualité du bâtiment passant en second rang.
Or nous voyons de plus en plus apparaître aujourd’hui que les caractéristiques mêmes du bâtiment vont compter. Par exemple, il se dit très clairement que les bureaux qui présentent de faibles charges avec de meilleures performances thermiques se revendront mieux, se loueront plus facilement. On a vu des investisseurs en espaces de bureaux qui ne s’opposent pas à investir sur des bureaux BEPOS, même si on leur dit que cela coûte de 10% à 15% de plus. Pourquoi? Car ils font le calcul que la revente de ce bien sera largement 15% supérieure et, de plus, le bien se vendra plus facilement.
Donc, comme nous l’avons expliqué antérieurement, le BEPOS est créateur de valeurs au niveau même du bâtiment. Plus le bâtiment est positif, plus sa valeur augmente vis à vis du stock avoisinant. Il se crée un delta de valeur entre la valeur de ce bâtiment neuf et la valeur du stock de bâtiments anciens identiques. En positif, cela s’appelle la valeur verte et en négatif cela devient la décote parce que non-vert. C’est ce delta qui compte et en premier lieu pour l’investisseur qui va se baser sur la valeur présumée dans 10 ans.
Cette considération n’avait pas lieu avant lorsque la valeur n’était attachée qu’au terrain, et cela était un peu normal car les performances bâtiment évoluaient tellement peu que seul le terrain comptait. Il n’existait pas de réelle obsolescence, sauf pour l’aspect architectural et le confort. Encore que ce n’était pas général dans le sens où l’on pouvait avoir des façades anciennes haussmanniennes qui plaisaient beaucoup. Maintenant même certains bâtiments haussmanniens «prennent un coup de vieux» par rapport aux bâtiments BEPOS.
Et « le terrain, le terrain et le terrain » qui était estimé sur une valeur d’image devient plus objectivement une valeur de l’emplacement. Et cette valeur est aujourd’hui principalement liée à sa qualité de desserte dans la ville.
Est-ce que je suis sur un nœud de transport en commun ou pas ? Est-ce que l’on pourra venir par d’autres moyens que la voiture, que le bâtiment concerne des logements, des bureaux ou autres. Est-ce que dans ce lieu où est situé le bâtiment il y a des services de proximité, des écoles, des commerces ?
Un exemple que je connais bien est la Défense à Paris. Tout était organisé pour arriver facilement sur votre lieu de travail par les transports en communs et pour que vous puissiez trouver près de votre lieu de travail une grande quantité de services : médecins, dentistes, kinésithérapeutes, laboratoires d’analyse, grande gamme de commerces, agences de voyage, librairies, banques et autres services modernes … Il pouvait être beaucoup plus simple de prendre rendez-vous entre deux réunions avec son médecin que d’avoir un rendez-vous le samedi près de son lieu de résidence. Une partie des employés entre midi et deux font des achats, et tout un chacun a à sa disposition un nombre important de services, …, à proximité immédiate !
La notion de proximité est fondamentale au confort de vie et c’est cette pluralité de services qui fait la valeur de l’emplacement et qui sert d’argument commercial à la Défense pour capter les usagers avec en plus, dans ce cas particulier, la proximité à distance piéton de centaines de milliers d’actifs.
Cette valeur objective de l’emplacement va donner une valeur plus rationnelle au foncier. Si de plus, le BEPOS est producteur net d’énergie, et peut générer un chiffre d’affaire net positif de revente d’énergie ou simplement de neutralisation des charges d’exploitation, alors, la valeur d’exploitation du bâtiment vient augmenter sa valeur immobilière. Rappelons-nous « Bepos, ma petite entreprise » !
La bonne desserte par les transports en commun devient de plus en plus un élément d’appréciation positive. Pendant longtemps des bureaux bien desservis par des parkings pour voitures individuelles avait de la valeur. Cette valeur pouvait augmenter si les bâtiments étaient nombreux dans la zone car le co-voiturage pouvait être de plus grande ampleur. Aujourd’hui avec l’augmentation des carburants, les usagers préfèreront s’ils ont le choix des bureaux accessibles par les transports en commun.
Cette nouvelle carte des valeurs foncières suit en lignes de force la ville durable. Dans la ville durable, la stratégie d’emplacement notamment pour les bureaux tertiaires est évidente. Il en est de même pour les logements. Les quartiers du centre qui s’étaient appauvris et vidés, redeviennent non pas à la mode, mais reprennent de la valeur notamment auprès d’une couche sociale assez dynamique qui revient au centre-ville attiré par ses transports en commun et ses services. Tout ça pour dire que l’évolution des valeurs dans la ville est désormais de plus en plus gouvernée par la rationalité économique et le confort de vie.
Une ville à énergie positive baisserait ses impôts ?
La ville possède un énorme avantage par rapport à l’îlot ou au quartier, c’est qu’elle possède une gouvernance avec une vie démocratique Elle est le 1er niveau de la démocratie locale et le maire est très légitime aux yeux de ses administrés parce que élu après une forte participation. La ville a une capacité de décision avec des moyens financiers. La ville a une gouvernance publique, ce qui lui donne des moyens d’action autres que l’initiative privée ! Capacité de décision, capacité de financement, capacité de gouvernance, la ville peut donc agir avec des moyens importants et compléter ainsi les initiatives individuelles privées telles les coopératives plus adaptées alors à l’îlot ou au quartier.
Quand nous arrivons à l’échelle de la ville, c’est la puissance publique et le collectif qui sont représentés, avec un pouvoir politique auprès de ses administrés et un levier d’action important : agir sur les modes de vie et rappelons-nous « Bepos, ma petite entreprise », le moyen d’agir comme une vaste entreprise sur ses recettes nettes. Que diraient les électeurs d’une ville qui investirait sur les Smart Grids à grande échelle, qui équiperait ses bâtiments publics de cellules photovoltaïques, qui utiliserait abondamment la géothermie et la biomasse, et qui gagnerait en autonomie énergétique et deviendrait une ville à énergie positive, et qui finirait par inverser la courbe des impôts, en les faisant baisser ?
Ce qui vous attend pour la prochaine chronique ?
Réponse : Le fait de découvrir que la ville BEPOS apporte un moyen de vivre mieux, plus économiquement et de nous responsabiliser collectivement.
Résultat : Une meilleure gestion des ressources, des énergies et des investissements. Et si la ville devenait positive ? « La ville, ma petite entreprise ? » c’est possible avec pourquoi pas une baisse d’impôts à la clef.
C’est ce que nous allons voir la prochaine fois …
Alain Maugard
La ville à énergie positive peut effectivement alléger les charges communes de chacun, à condition que les investissements soient ciblés. Il est vrai que refaire des carrefours et investir dans le tout voiture par exemple n'utilise pas les fonds publics dans la bonne direction. Transports en communs, taxation des véhicules centre ville, développements des commerces de proximité, mise en place d'énergies renouvelables communes, ..., conduira à de sérieuses économies et à des baisses d'impôts, je suis d'accord. André BET