Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
La « nouvelle saison » des prochaines chroniques sur XPAIR va mettre en avant l’actualité, pour savoir ce qui fonctionne bien dans le bâtiment à énergie positive, quels sont les points qui s’accélèrent et quels sont les freins. Avant de faire ce bilan, accélération et frein, nous allons analyser deux aspects importants, la transition énergétique et les décisions qui ont été prises, et la politique industrielle au niveau du bâtiment et de la ville.
Transition énergétique : vers la société 2000 Watt
Commençons par la Transition Energétique et ses incidences plus particulièrement sur le bâtiment et la ville. La première décision qui a été prise concerne nos consommations à l’horizon 2050, avec un objectif très important de réduction énergétique de 50%. Signalons qu’il y avait lors du débat une autre option moins ambitieuse de réduction de 30%, cette option dite du Medef qui représente les producteurs d’énergie et entreprises en place (plus que les entreprises en devenir). Mais c’est bien l’option de -50 % qui a été retenue avec courage certes mais en se disant peut-être que 2050 est un horizon lointain et nous aurons bien le temps d’y arriver.
Ce qui est intéressant c’est que l’option « moitié » celle de 50 % est bien celle que nous avons envisagée lorsque nous avons parlé de la « société à 2000 Watts ». Rappelons-nous cette référence Suisse qui estime que l’individu devrait passer d’une consommation actuelle de 6000 W à 2000 W, ceci afin de pérenniser son existence avec les ressources de la planète. Avec l’option « moitié » nous sommes en gros cohérents avec cette ambition suisse. Bien évidemment diviser par deux sa consommation revient inévitablement à un changement de comportement ; c’est une conséquence majeure de la décision prise !
Alors si économies il y a, c’est bien du côté de la demande qu’il s’agit d’agir. Quelles sont alors les consommations à réduire ? Demande dans le bâtiment, demande dans les transports, demande des biens agricoles que nous consommons ? … Le bâtiment et les transports sont intimement liés par « l’urbain ». En effet, les transports en grande majorité concernent l’urbain, que ce soit la logistique d’approvisionnement des villes, les transports privés et de tourisme et les transports pour faire venir les biens de toutes natures.
La question est, comment réduire notre consommation du couple bâtiment / transport dans la ville ?
La réponse passe nécessairement par une nouvelle organisation des transports urbains et une nouvelle logistique dite de proximité des biens de consommation en général. C’est toute l’idée de l’économie circulaire qui va jusqu’au recyclage des matières consommées.
Nous nous apercevons d’ores et déjà que la transition énergétique avec un objectif 50% va rapidement aboutir à des changements de modes de vie et donc de consommation, et un changement de société. Cette société qui se soumet à cet objectif ne doit pas s’interpréter comme une société de contraintes non, mais comme une société organisée différemment préservant les niveaux de confort voire de « bonheur ». L’individu peut revenir à une société dite 2000 W et être aussi heureux en consommant moins en utilisant tous les outils nouveaux de notre société notamment les services rendus possibles par internet, …
Prenons l’exemple des concepteurs bâtiment qui tirent parti des avantages technologiques tout en consommant moins. L’exemple de la conception avec maquette virtuelle et l’internet élimine tout problème de distance. Lors de la conception, seul l’installateur est confronté au problème de transport puisqu’il doit bien naturellement se rendre sur chantier. Prenons également l’exemple du covoiturage et de la manière dont il se développe grâce à Internet. L’internet si étendu a pu resserrer les liens de proximité ! Ainsi l’individu a pu savoir que son voisin faisait le même trajet domicile/travail, que lui. Avec ce type d’organisation et de service, si 4 personnes utilisent ainsi le même véhicule, on arrive à diviser par 4 la consommation de transport ! Et cette diminution de consommation s’est effectuée sans forcément perdre en bénéfice et en capital bonheur. Avec ce nouveau mode d’organisation de transports, on a pu même gagner en lien social, en échange communautaire (centres d’intérêt, …) et en échange de services (garde d’enfants, …). Voilà la démonstration simple qu’avec un type de réorganisation nous pouvons sans que cela soit restrictif passer d’une société de 6000 W à une société 3000 W, sans que cela soit un retour en arrière ou une régression (le niveau de consommation de 2000 W correspondant au mode de vie des années 60). La jeune génération actuelle n’a pas connu ces années 60, mais c’est une génération internet qui peut facilement s’adapter à une nouvelle société fondée sur le partage, l’échange et le commerce électronique.
De même, d’autres modes d’organisation du travail comme le télétravail se développent. Il est possible d’être « connecté travail » de chez soi un ou deux jours de la semaine. Il est également possible de rejoindre des lieux de travail situés à des distances intermédiaires entre domicile et lieu principal de travail, quitte à louer à plusieurs entreprises ces locaux. Très rapidement, nous voyons qu’en se réorganisant pour travailler chez soi ou dans des lieux intermédiaires, par exemple 2 à 3 jours par semaine, on arrive facilement à faire une économie de 50% sur le transport.
Vers une société qui ne perd pas en confort ni en capital bonheur
L’exemple mis en place dans l’agglomération lyonnaise est également intéressant. Avec une cartographie de la circulation et des embouteillages en temps réels, mais surtout avec la possibilité de prédire, pour les deux heures à venir, l’état de la circulation, il est possible de s’organiser pour savoir à quel moment se déplacer sans embouteillage. Dans le cadre d’un parcours mixte voiture personnelle et transport en commun, il peut n’utiliser son véhicule que pour rejoindre les transports en commun et stationner dans des parkings relais et réserver, à cet effet au dernier moment sa place, par internet !! De fait, en se réorganisant et tout en conservant un capital confort, l’individu dans la ville étalée, arrive assez facilement à diminuer par deux la consommation.
Nous savons que dans le secteur du bâtiment il est aisé de baisser immédiatement les consommations sans envisager des gros bouleversements, et nous voyons donc que le domaine de tous les progrès à venir, si j’ose dire, est celui des transports pour qui la consommation ne pourra être réduite que moyennant un effort de réorganisation du travail et de la logistique et des modes de transport.
Le grand changement est que jusqu’à présent la diminution des consommations avait été présentée comme de nature contraignante. Alors, qu’avec le présent raisonnement, c’est l’inverse et tout simplement une conséquence naturelle d’un changement de comportement. C’est à dire qu’en me réorganisant, en changeant mes modes de vie, j’arrive à consommer deux fois moins tout en faisant progresser mon capital bonheur.
La prochaine chronique nous embarquera vers une nouvelle société, car si la transition énergétique a révélé un changement, c’est bien d’un changement de société qu’il s’agit. A très vite ...
Alain Maugard
"Ne pas perdre en confort, ni en capital bonheur" ! Alain Maugard souligne de cette simple phrase le seul vecteur de réussite dont nous disposons. Le discours écologiste nous a écarté de cette voie et nous en payons le prix sous la forme d'un décalage grandissant entre l'offre et la demande, décalage qui ne fait qu'accroitre le fossé du désespoir constitué entre fiscalité et pouvoir d'achat. Là où je ne peux pas suivre Alain Maugard, cela m'arrive rarement, c'est quand il pense que les énergéticiens "en place" manquent d'ambition. C'est en effet mésestimer la réorientation assumée des groupes pétroliers vers les énergies de demain. Pour ce faire, ils ne demandent ni subvention, ni contraintes du consommateur, ils observent simplement le marché pour continuer d'y prendre la place qui convient à des groupes industriels mus par des femmes et des hommes expérimentés, sereins et compétents. Le monde est simplement devenu multipolaire et toute idée fixe est une idée fausse. Sous cette précision, Alain Maugard a raison.