Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 19 Décembre 2024
Après une chute de plus de 6 % en 2024, le secteur de la construction s’attend à -5,6 % l’an prochain. En amélioration-entretien, seul le non résidentiel reste en croissance.
Pour dire son opinion sur les événements politiques des dernières semaines qui se traduisent concrètement en « chiffres calamiteux » pour la filière de la construction.
« Quand on abandonne le logement, on abandonne les Français », lance-t-il pour évoquer l’allongement de la liste des contraintes au fil du temps : renforcement de la RE 2020, difficultés d’application de la loi sur le « zéro artificialisation nette » et rattrapage de dernière minute du prêt à taux zéro.
« Il faut arrêter de vouloir sauver la planète en trois semaines », se fâche-t-il au risque de passer pour un climato-sceptique.
2025 : un niveau proche de celui de 1954
La dégringolade de l’activité bâtiment a connu une pente à -6,6 % en 2024 contre une inflexion bien plus faible en 2023 (-0,9 %), mais déjà perçue comme très préoccupante dès le début de cette année. Selon les économistes de la FFB, cette chute va se poursuivre l’année prochaine avec une estimation de -5,6 %.
De tous les indicateurs, seul celui de l’amélioration-entretien – qui comprend la rénovation énergétique des logements – conserve un signe positif : +1,2 % (à 116 Mds€). Une sorte d’exploit après l’effondrement du dépôt de dossier au cours des quatre premiers mois de l’année (-80%) en raison notamment de l’abandon des mono-gestes, puis un rattrapage à partir de mai. Il faut rappeler que ce secteur qui compte pour plus de la moitié du chiffre d’affaires du bâtiment totalisait +2,3 % en 2023. En revanche, pour l’année à venir, la perspective de croissance est faible : +0,9 % (118 Mds€). Une « poursuite du tassement » qu’Olivier Saleron qualifie d’« incroyable et inadmissible » au regard du faible soutien des pouvoirs publics en contradiction avec les discours politiques sur la transition énergétique et la poursuite de la stratégie nationale bas carbone.
Outre la perturbation de l’aide au financement des travaux, un autre facteur affecte ce marché : celui des transactions dans l’ancien. De 1,2 M de ventes enregistrées en 2021, les statistiques en annoncent seulement 750 000 en 2024, en baisse de 15 % sur un an.
Malgré les aléas récents, le dispositif MaPrimeRénov a été sauvé in extremis par les décret et arrêté du 4 décembre qui le maintiennent pratiquement à l’identique jusqu’en décembre prochain. Sans cela, l’an prochain, ce secteur serait aussi passé dans le rouge.
Par ailleurs, la rénovation dans le non résidentiel semblait mieux tenir, avec une évolution régulière de 2 % par an, dopée notamment par l’application des mesures d’économie dans le tertiaire et l’entrée en vigueur du programme de rénovation énergétique des écoles.
Quant aux activités en résidentiel et non résidentiel, elles connaissent des inflexions nettes et sans amélioration à court terme.
En logement neuf, l’année 2024 va être bouclée avec un bilan de 253 000 mises en chantier ; les calculs prévoiraient un volume de moins de 240 000 en 2025 (-14%). Le plancher symbolique du début des années 90 est crevé et la FFB prend désormais pour référence celui des années 1953-1954, date à laquelle la population française était de 43,6 millions d’habitants est-il aussi rappelé pour dire que la production s’écarte de la réalité du besoin en logement. En termes financiers, le chiffre d’affaires de la production de logements est passé d’un peu plus de 61 Mds€ en 2022 à 56 en 2023 et est estimé aux alentours de 45 Mds€ ; il pourrait être de moins de 40 Mds€ en 2025.
Bouée de sauvetage de la filière jusqu’à l’an passé (+0,3 % en 2023 ; environ 43 Mds€), le non résidentiel neuf a aussi lâché prise. Après une estimation de recul de -7,4 % en 2024 (40 Mds€), ce secteur devrait encore se restreindre de -15 % en chiffre d’affaires (34 Mds€). La production passerait de 20,1 Mm² de plancher en 2024 à 19 Mm² en 2025. La contraction de ce marché tiendrait à l’addition de difficultés politiques récentes, de la chute de confiance propice au lancement de projets de la part des promoteurs et collectivités locales depuis la dissolution aux batailles autour du projet de loi de finances et la censure de ce début de mois.
Retrouver la confiance des ménages
Les efforts politiques des derniers jours parviendront-ils à tenir l’édifice ? Là encore, Olivier Saleron s’étonne qu’après les envolées lyriques du Président de la République lors de la réouverture de Notre Dame de Paris, aucune décision concrète n’ait été prise pour la construction dans son ensemble. Trivialement, à quoi ça sert que 40 entreprises adhérentes de la FFB présentes sur le chantier se décarcassent ?
Parmi toutes les informations macroéconomiques disponibles, l’une d’elle inquiète particulièrement le bâtiment : la baisse de l’indice de l’investissement des ménages, revenu depuis l’après-Covid en dessous de celui de 2014-2015. Or, 80 % de l’investissement des ménages est orienté vers la construction. Par ailleurs, les données de conjoncture fournies mi-décembre par l’Insee ne les porteront pas à revoir leurs projets.
Dans leur grande majorité, les indicateurs économiques sont en berne : climat des affaires, perspective des industriels, création d’emplois…
La croissance au quatrième trimestre est promise à 0 %, la situation positive produite par les jeux olympiques étant retombée comme un soufflet.
Par ailleurs, le bâtiment va entrer dans un tunnel qui devrait être difficile à négocier en raison d’un sérieux défaut de visibilité. Des points favorables méritent d’être cités. En premier lieu, le niveau croissant des investissements des administrations publiques et le maintient à un niveau encore élevé de celui des entreprises. En second lieu, celui de la volonté des banques de reprendre des parts de marché en ouvrant le crédit à un niveau moins élevé – on repasse sous la barre de 3 %. À cela s’ajoutent les efforts des politiques (les députés de Courson et Coquerel) pour travailler les sujets du prêt à taux zéro et du dispositif Pinel laissés en friche avec la censure du gouvernement au sujet du projet de loi de finances. Pour les primo-accédants, le coup de pouce du PTZ est jugé indispensable pour déclencher le financement par les banques. La FFB demande sa réouverture à tous les territoires et pour tous les logements individuels comme collectifs. Pour les propriétaires bailleurs, le Pinel est un incontournable. Mais de l’avis des économistes de la FFB, ces mesures verront leurs effets avec un retard de six à huit mois…
Les points durs portent sur les nouvelles contraintes qui seront rencontrées à partir du 1er janvier. Au premier titre desquels le premier renforcement de la RE 2020 après 3 ans l’application. Pour toutes les types de construction, les seuils des indices carbone pour la construction et l’énergie seront plus réduits. Visiblement, toutes les entreprises ne sont pas prêtes à ce nouvel exercice. D’autant que cette mesure signifie une nouvelle augmentation du coût de la construction de 3 à 4 %… Et que dans le même temps, le resserrement du marché met en défaut les industriels fournisseurs de produits et d’équipements. On peut citer le cas de fabricants de pompes à chaleur à la peine mais qui seront très sollicités pour équiper le logement collectif.
S’ajoute à cela un contexte social qui devrait tendre le marché de la construction. La FFB estime que 30 000 à 40 000 emplois ont été perdus en 2024 (1,35 M d’équivalent temps plein en 2024), et que la baisse d’effectifs serait de 100 000 salariés en 2025.
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.