Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019
L’actualisation de la démarche bioclimatique : une question inévitable pour les bâtiments tertiaires. Concevoir, construire, exploiter avec le climat … des bâtiments tertiaires des années 2010-2025 nous obligent à malmener quelque peu des « vérités » établies dans les années 1970-2000, principalement pour l’habitat bioclimatique.
M. BIO |
Nous allons à ce propos retrouver les deux personnages de mon billet d’humeur précédent, messieurs BIO et THANATO, durant leur nouveau rendez-vous au bar du « café des thermiciens, ex vins-charbon » pour poursuivre leur conversation. Après un vif échange sur l’habitat, vous vous rappelez ? > lien, voici nos deux acolytes entamant le sujet des bâtiments non résidentiels … |
M. THANATO |
Extraits :
« La dernière fois, tu étais sceptique sur la RT 2012 et son Bbio appliqué à l’Habitat. J’espère que tu vas être plus compréhensif pour le tertiaire … » |
|
« Ben oui ! Contrairement au secteur du logement, la question du bioclimatisme pour le tertiaire est une véritable bouteille d’encre. Les « recettes » du bioclimatique pour une maison ne s’appliquent évidemment pas pour une école, un hôtel ou un immeuble de bureaux. Cela n’a pas empêché certains de le faire, et même d’en être officiellement récompensés … » |
|
« A juste titre. Tu ne vas quand même pas remettre en cause ceux qui ont tenté une démarche bioclimatique sur ces types de bâtiments » |
|
« Si ! Orienter des salles de classes plein Sud et mettre le couloir au Nord, c’est mépriser les occupants au dépend d’une satisfaction intellectuelle méprisable teintée de bonne conscience écologique. Le solaire passif a lui aussi ses gourous » |
|
« Eh bien, tu n’y vas pas de main morte. Admet alors que le Bbio de la RT 2012 va peut-être éviter ces dérives » |
|
« Absolument. Autant le Bbio pour l’habitat est un coup d’épée dans l’eau, autant en tertiaire, cela paraît très utile parce que les 3 composantes du Bbio ont des parts très variables selon le type de bâtiment » |
|
« Tu m’amuses. Alors, tu admets que la RT 2012 a quelques vertus pédagogiques ? Que le Bbio exprime une sorte d’optimisation des besoins - chauffage + climatisation + éclairage - en traitant ces 3 postes avec leurs interactions ? Que cela permet d’envisager des bâtis (ou parties de bâti) différents selon leur fonction ? Qu’un architecte ou un bureau d’études pourra envisager plus lucidement comment concevoir la partie bureaux et la partie restaurant d’entreprise d’un même bâtiment ? Ou la partie salles de classes, administration, cantine d’une école ? » Ou encore un bâtiment composé d’une partie Habitat et d’une partie Tertiaire ? Ou … » |
|
« Stop ! Bien entendu, mais il faut nuancer » |
|
« J’ai hâte d’entendre tes nuances, Monsieur rabat-joie » |
|
« D’abord, je suis persuadé que le Bbio en tertiaire évitera souvent les copier/coller des recettes pour l’Habitat. Indéniablement, même si cela est un peu dérangeant, la RT va effectivement jouer dans un premier temps un rôle pédagogique. Mais elle ne représentera qu’un garde-fou pour la conception. Je radote peut-être, mais c’est à la fois beaucoup et vraiment insuffisant » |
|
« Tu pourrais être plus clair ? » |
|
« La dernière fois, nous avions évoqué la question de la sensibilité aux paramètres. C’est essentiel pour bien concevoir. Il faut repérer les principaux leviers permettant d’atteindre et de pérenniser la performance énergétique et environnementale aux moindres coûts. La RT va dégrossir cette question mais ne va pas y répondre sérieusement » |
|
« Pourquoi ? » |
|
« D’abord parce que les données climatiques utilisées sont conventionnelles et ne correspondent que très rarement à celles du site. Cela fait désordre si on envisage de construire avec le climat, mais pas le bon … Exemples : le Bbio de ton projet de bureaux à Orléans va être calculé avec les données de Nancy. Ton école à Bourges va être « optimisée » avec les données de La Rochelle … Tu comprendras facilement que le poids des paramètres liés au bâti comme l’inertie, les vitrages et leurs natures, surfaces, orientations, etc … dépendent des données climatiques. Penser le contraire équivaudrait à dire que le bioclimatisme est une fumisterie » |
|
« D’accord. Mais tu peux quand même admettre que le Bbio pour le tertiaire est une avancée » |
|
« Toujours ton optimisme ! Oui, mais une toute petite avancée qui ne doit pas satisfaire les flemmards qui ne se contentent que de la RT. Tu sais très bien qu’elle ne traite que 5 postes au maximum. Le Bbio, seulement 3. En tertiaire, les autres postes comme la bureautique, le froid alimentaire ou l’éclairage d’accentuation en commerces, les salles de soins en hôpital, bref tous les « process » sont exclus du calcul réglementaire. Pour certains bâtiments, l’optimisation bioclimatique ne va concerner que 1/4 des consommations totales du projet » |
|
« C’est déjà ça. Et puis, le Bbio, c’est d’abord l’expression d’un bon bâti. Il ne prétend pas traiter le froid alimentaire … » |
|
« C’est juste. Mais, comme pour l’habitat, il ne traite pas le confort d’été d’un projet sans climatisation. En outre, il exclut la très forte interaction entre les équipements et le bâti. |
|
« N’en jette plus ! Tu resteras l’éternel verre à moitié vide et moi, à moitié plein » |
|
« En parlant de verre, si on s’en jetait un ? » |
|
« Avec plaisir » |
|
« Patron ! Comme d’habitude : un lait-fraise et un Bloody Mary » |
Bernard Sesolis
bernard.sesolis(at)gmail.com
Bravo pour cette présentation du type "la RT 2012 pour les nuls" et qui est aussi original qu'efficace. L'humour est excellent pour expliquer la complexité et certaines incohérences de la réglementation 2012.