Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019
Devenue un sujet récurrent pour les bâtiments neufs depuis l'avènement de la RT 2012, la démarche bioclimatique est réapparue au milieu des années 1990 avec la question de la qualité environnementale et ses cibles énergétiques et de conforts. Question placardisée à cause d'un baril de pétrole revenu à moins de 10 $ en 1989-1990, elle s'est vue devenir l'objet d'une importante édition d'ouvrages, dont certains vieillissent très bien, d'autres restant des copies édulcorées et mal digérées des précédents. Mais tous traitent de bâtiments de la période 1980-2000. Et leur contenu est présenté comme des vérités immuables. La RT 2012 en est devenue l'expression officialisée.
Concevoir, construire, exploiter avec le climat ….. des bâtiments des années 2010-2025 nous obligent à malmener quelque peu ces « vérités ».
M. BIO |
La démarche bioclimatique doit être revisitée, actualisée. En guise d’introduction à cette réflexion, j’ai choisi la forme d’une conversation entre deux personnages, Messieurs BIO et THANATO accoudés au bar du « café des thermiciens, ex vins-charbon ». La suite, les détails et peut-être les réponses à vos réactions viendront alimenter mes prochaines « humeurs ». |
M. THANATO |
Extraits :
« Parlons Habitat. Je trouve que c’est une bonne nouvelle que la RT 2012 s’occupe du bioclimatique ... » |
|
« Ah tu trouves ! J’estime que cela alimente la confusion » |
|
« Comment ça ? Tu es contre le bioclimatique ? » |
|
« Non. Je suis contre la confusion. Bien concevoir et répondre à des exigences réglementaires, c’est qualitativement différent. Se contenter d’un Bbio sous le Bbiomax, c’est du Bio-light » |
|
« C’est mieux que pas de Bio du tout ! Le Bbiomax, c’est un garde-fou contre l’architecture anti-écologique » |
|
« Je traduis ta pensée : les architectes et les ingénieurs apprennent si mal les choses dans leurs écoles qu’il leur faut une bonne RT pour les aider ou les contraindre à concevoir des logements énergétiquement performants. Bref : Bbio = bioclimatique pour les nuls ! Vaste programme ... » |
|
« Tu caricatures mes propos. La démarche bioclimatique est loin d’être entrée dans les mœurs. Alors, que la RT la met en exergue, c’est une avancée indéniable, Monsieur Grognon » |
|
« Je ne suis pas grognon et je connais la chanson. La RT va donc former les "masses", leur faire prendre conscience de la "problématique". D’après toi, il est plus utile de construire 100 000 logements pseudo-bioclimatiques que 100 logements vraiment bioclimatiques. Quand je pense que depuis 1974, la RT s’est progressivement substituée à la conception des logements, domaine devenu le royaume du copier/coller! Et maintenant, la RT2012 va faire croire à tous les messieurs Jourdain de la bioclimatique qu’ils peuvent continuer sans problème et en toute bonne conscience ! Il est prioritaire de dépoussiérer la démarche avant de donner des mauvais exemples. » |
|
« Est-ce vraiment l’urgence ? Toi bien sûr, un des rares initiés, tu vas entrer en croisade pour ne pas édulcorer la "pureté" de cette démarche ô combien vertueuse ! Ce n’est pas avec une telle attitude élitiste que tu vas faire bouger les lignes. Je préfère que les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre soient obligés de se creuser un peu la cervelle avant le permis de construire pour envisager un bâti pas trop absurde ... ». |
|
« C’est là que le bât blesse. Je ne veux pas jouer au sachant, et toi, ne joues pas au débutant. Tu sais parfaitement que Bbio concerne le chauffage, le refroidissement et l’éclairage et qu’en termes de besoins et de consommations d’énergie dans les logements, le refroidissement est pour l’instant marginal et l’éclairage secondaire. Ne reste donc que le Bbio chauffage. Nous voilà revenus à la RT 1982 avec son coefficient B issu des expérimentations du solaire passif des années 1975-1980 pour des logements consommant 200 à 300 kWhep/m².an. Tu parles d’une nouveauté ... » |
|
« Tu vois bien qu’il faut faire réactiver le bioclimatique qui est en sommeil depuis 30 ans... » |
|
« Laisse-moi finir ! Bbio, c’est donc à 90% du chauffage. |
|
« Tu es de mauvaise foi. La RT 2012 pousse vers les faibles Bbio. D’accord, cela ne concerne presque exclusivement que le chauffage. Du coup, ce dernier devient faible et c’est justement pour cette raison que les consommations d’ECS sont passées devant. Pour l’électroménager, ce n’est quand même pas la faute du bioclimatique. La RT bonifie la bonne conception et pénalise la mauvaise. Je ne vois rien de pervers ou d’inefficace comme tu le sous-entends » |
|
« Je me suis fait mal comprendre. Je ne suis pas non plus contre la RT. Je dis juste que c’est une nécessité totalement insuffisante » |
|
« Arrêtez Môssieur Robespierre ! J’ai bien compris que la RT n’est pas l’exemple à suivre ; mais elle rattrape les mauvais élèves ou les flemmards… » |
|
« …et leur permet de se contenter d’additionner des points … » |
|
« …en se coltinant quand même un calcul au pas de temps horaire avec pas mal de données d’entrée. C’est de la simulation thermique dynamique et non pas du calcul mensuel sous tableur comme s’en contentent nos si vertueux voisins allemands pour faire des prévisions sur du PassivHaus » |
|
« C’est juste. Mais pourquoi faire un calcul aussi sophistiqué avec des données climatiques qui ne correspondent même pas à celles du site ! C’est du bioclimatique … pour ailleurs ... » |
|
« Tu me déçois. Tu fais semblant d’oublier que l’important, ce n’est pas le nombre de points obtenus, mais la sensibilité aux principaux paramètres liés au bâti des trois composantes du Bbio et de leur total » |
|
« Là, on rentre vraiment dans le sujet. Houlà, mais l’heure tourne ! On continuera plus tard. Et, nous n’avons même pas entamé le sujet sur les bâtiments tertiaires. En attendant la prochaine fois, on remet ça ? » |
|
« Avec plaisir » |
|
« Patron ! La même chose : un Lait-Fraise et un Bloody Mary » |
Bernard Sesolis
bernard.sesolis(at)gmail.com
Pendant que nos "académiciens" de la thermique discourent du sexe des calories
devinez quel est le ministère qui se chauffe au fuel et refroidit ses chambres froides a l'eau de ville?
Réponse au 06 88 16 55 51!