Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019
En ce début de mois, les salons Batimat, Idéobain et Interclima+Elec se sont déroulés à Paris et ont permis d’observer un large panorama de l’offre industrielle dans nos domaines de prédilection.
Les tendances observées ou décrites dans la presse professionnelle montre un appauvrissement de la représentation des énergies renouvelables, particulièrement, le solaire et autres. On peut se questionner sur la résistance franco-française contre ces filières (1) !
On peut ensuite, tout aussi naïvement, se demander si n’importe quel produit non connecté n’est pas condamné à une très prochaine obsolescence. Mon humeur de ce mois s’est à nouveau attachée à la question « peut-on diluer la connectique dans le raisonnable ? et à ce mouvement irrésistible de la connectique tout azimut.
1/ De la domotique 1.0 à la domotique 2.0
Indéniablement, la connexion entre utilisateurs et objets, voire entre objets doit être prise au sérieux. Les moyens techniques de 2015 ne sont pas comparables à ceux de la fin des années 1980, époque de la domotique. Ce concept a fait le flop que l’on sait. Forts de cet échec et de l’évolution technologique, certains tenants de la domotique actuelle baptisée par ces derniers « 2.0 » semblent cependant ne pas tirer les leçons du passé. Cette impression, je l’ai ressentie au travers deux sources :
D’abord, un débat organisé à Batimat sur le sujet (vous le trouverez facilement sur Internet) montre différents acteurs présentant des produits sans réelles nouveautés (commande à distance du chauffage, gestion d’occultations « intelligentes », …) qui n’ont pas percé sur le marché depuis une bonne quinzaine d’années, ou bien des concepts affichés mais pas encore opérationnels ou disponibles (une connexion intégrée entre les objets dans un logement offrant une gestion multicritères et cohérente).
On recommence à mettre « la charrue avant les bœufs » : en premier lieu, on propose des concepts et des produits répondant à des besoins imaginés et souvent imaginaires. En second lieu, on se pose la question de savoir si les utilisateurs vont vraiment s’en servir. Une offre pas assez à l’écoute de la demande. Une offre qui voudrait s’imposer. Quelques échecs ont pourtant été retentissants pour des industriels très puissants (Google par exemple) malgré leurs moyens de recourir aux meilleurs spécialistes en sociologie, en psychologie, en ergonomie, en études des marchés, …
Ensuite, la sphère de la communication. Des articles de presse ou des reportages audio ou vidéo en nombres croissants font indirectement l’éloge de cette connectique généralisée par un style dicté par la neutralité du ton et par un aspect a priori factuel de leur contenu. Ce matraquage n’est pratiquement jamais questionnant ou critique, comme s’il ne fallait pas paraître passéiste face à ces « nouveautés ». Que dire aussi des publi-reportages dont la prose flirte avec l’absurde, donnant le sentiment que ces textes auraient pu être (mieux) écrits par Beckett, Ionesco ou Vian.
La critique est facile et l’art si difficile. Mais je ne résiste pas à vous faire partager quelques extraits de certains articles qui ne déflorent pas leur contenu général. Par compassion, je ne cite ni les auteurs, pigistes condamnés au copier/coller de publicités car probablement payés au lance-pierre et à qui justement, je ne la lance pas, ni les sources ou les marques de produits remplacés par des « xxx, yyy ou zzz ». Et mes commentaires seront courts.
2/ Revue de presse « quand la prose flirte avec l’absurde ! »
Extrait n°1 ou comme c’est banal !
« La salle de bains connectée, une tendance forte à Idéobain : C’est une des pièces les plus réduites de l’habitat, mais aussi une des plus techniques. Sur le salon Idéobain, les solutions pour rendre la salle de bains intelligente sont nombreuses. Avec un objectif principal, allier confort et économies d’énergie » … « Le pilotage automatique du chauffage, à l’aide d’une tête thermostatique programmable, se révèle particulièrement intéressant dans la salle de bains. Il permet de programmer une température plus élevée sur un ou plusieurs créneaux horaires et d’assurer un confort optimal aux moments où la pièce est le plus utilisée, sans avoir à se soucier d’allumer ou d’éteindre le radiateur.
Il existe aussi des radiateurs intelligents couplés à des détecteurs de mouvement ou de présence, voire des radiateurs qui utilisent le Wi-Fi pour communiquer entre eux, tel le xxx »… Voir une suite à la fin de cette humeur… « Quant à la ventilation, essentielle dans ce local chaud, humide et ne bénéficiant généralement pas d’ouverture sur l’extérieur, elle peut aussi être dotée d’un système de déclenchement automatique lorsqu’une présence est détectée, que la porte est fermée ou que la lumière est allumée » … Ou comment faire du neuf avec du vieux … « Concernant la consommation d’eau, les nouvelles robinetteries sont dotées de mousseurs ou aérateurs augmentant la pression du jet d’eau grâce à un mélange air/eau, et générant une économie d’eau jusqu’à 60%. »… Avec la suite, cela devient croquignolet … « Autres caractéristiques très actuelles du confort, le son et l’image. Fini le transistor en équilibre précaire sur le rebord du lavabo.
On peut désormais encastrer au plafond ou dans les murs des enceintes pilotables depuis smartphone ou tablette. Il existe aussi des enceintes totalement étanches, qui peuvent être plongées dans le bain ou accrochées à la douche, comme l’xxx de yyy.
Enfin, certains pommeaux de douche diffusent désormais de la musique. De même pour la vidéo, il existe des écrans-miroirs connectés qui, sur une partie de leur surface, peuvent diffuser un film, une vidéo ou la télé »… si le film est intéressant, comment faire des économies d’eau ???.
Extrait n°2 ou comment progresser dans le consumérisme
« Le premier four vapeur connecté avec caméra intégrée, brillant ! »… « Ce four peut être connecté à vos appareils mobiles pour vous donner instantanément une inspiration, une vue d’ensemble, un feed-back et un contrôle concernant votre préparation, où que vous soyez »… « La section « zzz » vous permet de puiser l’inspiration culinaire dans les réseaux sociaux d’yyy et de partager vos réalisations avec vos amis, saisies en direct par la caméra intégrée dans le four. Pour vous aider tout au long du processus, une liste d’achats est générée à partir de la recette »… Sans commentaire !
Extrait n°3 ou comment rendre les gens heureux malgré eux …
« Avec XXX, YYY réinvente votre réveil ! » … « YYY, leader français de la santé connectée, annonce un partenariat avec ZZZ, le spécialiste de la musique en streaming, pour offrir à ses utilisateurs une expérience unique de réveil et d’endormissement. XXX est le tout premier réveil connecté compatible avec ZZZ à mettre à disposition plus de 30 millions de musiques. Et pour une expérience encore plus personnalisée, YYY met au point un système de recommandation de playlists en fonction de leur efficacité sur le réveil et l’endormissement de ses utilisateurs » … « Un réveil sur-mesure entre son et lumière ... La lumière onduleuse bleue diffusée par XXX inhibe la sécrétion de mélatonine, l’hormone responsable du sommeil, pour optimiser le réveil ... »… « Un endormissement en douceur… XXX combine à la fois les bienfaits de la luminothérapie et les musiques spécialement conçues pour l’endormissement. La lumière rouge diffusée par le XXX est la seule lumière n’inhibant pas la sécrétion de mélatonine, aidant ainsi l’utilisateur à s’endormir progressivement. Bruits colorés, sons de la nature ou musiques relaxantes, autant de playlists que YYY permet d’ajouter à sa bibliothèque et d’écouter depuis son XXX pour s’endormir, sur un programme progressif de 20 minutes » ... « « En s’alliant à ZZZ, qui permet à chacun d’écouter la musique qu’il souhaite à chaque instant, nous (YYY) complétons désormais les capacités du XXX pour aider nos utilisateurs à avoir l’expérience de réveil la plus complète et la plus adaptée à leur besoin » … Ou comment rendre les gens heureux malgré eux.
3/ Le salon où les radiateurs causent !
Puisque des radiateurs peuvent dorénavant communiquer entre eux, que peuvent-ils se raconter ? Avant qu’un spécialiste ne m’explique pourquoi ma moquerie ne traduit que mon ignorance, voici un dialogue imaginé entre trois radiateurs : les radiateurs A et B, « rA et rB», situés dans le salon et le radiateur C « rC » situé dans la salle de bains :
rA : « dis-moi, rB, tu fonctionnes ? »
rB : « Ça te regarde ? »
rA : « Attends. Nous sommes solidaires, non ? Moi, on vient de me régler à distance à 21°C. Et toi ? »
rB : « Moi, j’suis toujours en hors gel. C’est quoi, ce délire ? Si on était dans des pièces différentes, pourquoi pas ? Y a un truc qui ne va plus ! »
rA : « T’as raison. Faudrait peut-être voir avec la programmation générale. On saurait ce qu’elle veut »
rB : « Laisse tomber. Elle joue toujours sa chef. Elle veut tout le temps avoir le dernier mot. Et si ça se trouve, elle n’est même pas au courant ! »
rA : « T’as encore raison. Si on lui dit qu’elle ne sert à rien, elle va se vexer et elle va encore se dérégler pour rappeler à notre Maître que c’est un peu elle qui commande »
rB : « Si ça se trouve, il revient plus tôt du week-end et il m’a oublié. Attend, j’appelle rC . Eh, rC ! t’es en route toi ? »
rC : « Je ne te parle plus rB. Avec tes 1000 W, tu joues les gros bras et tu ne t’adresses à moi que 2 fois par an. C’est parce qu’avec mes 500 W, je ne contribue au confort des Maîtres que pour 8 m². N’empêche, moi, je les vois souvent tout nus et j’assure 24°C. Vous, avec vos 21 ou 22°C, vous vous croyez économes, mais vous êtes que des écolos d’opérette ! »
rA : « Je t’entends, rC. Toujours aussi frustré de ne pas voir par la fenêtre, hein ?. On se passera de toi pour savoir quoi faire. rB, t’es toujours en hors gel ? »
rB : « Oui rA. Il paraît qu’on est intelligent, mais là, je ne comprends plus rien … et j’ai peur ... »
Arrêtons là ce drame technologique !
Le privilège qui m’est donné ici d’étaler mes humeurs me donne l’occasion de citer d’autres drames très récents et bien réels ceux-là, à Beyrouth et à Paris. Ils rappellent que le chemin pour sortir de la barbarie sera encore très long. Le siècle des Lumières n’a que 250 ans, la laïcité instituée, à peine plus d’un siècle, la déclaration universelle des droits de l’Homme, mon âge.
Et qu’il faut continuer à pouvoir rire de tout et de soi, voire de la connectique généralisée ...
(1) Il faudra revenir sur ce sujet dont les causes ne sont pas dues, loin de là, à la qualité de l’offre industrielle. Les pratiques de certains installateurs peu scrupuleux, parfois détenant la mention RGE, donnent une image très négative, en particulier pour le photovoltaïque (voir « escroquerie en série dans le solaire », Le Monde, 21/11/2015).
Bernard Sesolis
I l y a longtemps que le marketing et la gestion (la mauvaise) ont pris le controle de la technique.
Pendant ce temps la il y a un ministere (je ne le citerais pas ) ceux qui me connaissent verront de quoi je parle,
qui consomme 8000 litres de fuel brulé chaque année en plein Paris auquels il convient d'ajouter les 8000 m3
d'eau potable utilisé pour refroidir les condenseur des groupes froids des chmbras froides ou de préparation en température dirigée.
Alors bonne COP 21 et encore bravo aux incompétents du ministere et des sociétés de maintenance.
Comme quoi le privé sait être aussi nul que la fonction publique hélas.