Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 14 Octobre 2021
Le prix de l’énergie monte brutalement, et continuera de le faire encore quelques mois, si l’on en croit les autorités compétentes. Des contraintes techniques d’approvisionnement, mais aussi et surtout des décisions des pays producteurs. Une situation qui nous rappelle celle des chocs pétroliers des années 1970, en moins violent toutefois.
A cette époque, la réaction a été entre autres « la chasse au gaspi ». Une campagne pour mobiliser les consommateurs d’énergie, et les inciter à consommer moins. Aujourd’hui, alors que la lutte pour le climat pousserait à profiter de cette hausse pour accentuer la sensibilisation des usagers, il n’est question que de gommer cette atteinte au pouvoir d’achat. Une préoccupation parfaitement légitime pour une partie de la population, à la fois la plus précaire et la plus exposée, les habitants des « passoires thermiques » notamment. Le « chèque énergie » répond à ce besoin, et pourrait être adapté aux situations précises des plus démunis.
Chassons le gaspillage sans perte de confort
Il est surprenant que l’appel à l’effort de chacun soit totalement oublié. Peut-être le souvenir encore chaud des « gilets jaunes ». Peut-être aussi le gouvernement compte-t-il sur le signal prix pour inciter aux économies sans avoir à le demander à une population déjà affectée par la pandémie. Toujours est-il qu’un rappel de l’intérêt que chacun peut trouver « ici et maintenant » à chasser le gaspi ne pourrait pas faire de mal.
Concernant le carburant, une réponse bien connue est l’écoconduite
Les chauffeurs routiers, pour lesquels le prix du carburant est une dépense majeure, l’ont adoptée depuis longtemps. Une conduite plus souple et un entretien assidu de la voiture (en premier lieu la pression des pneus), voilà une manière de réduire sa facture, en réaction à la hausse des prix. Une réponse qui dépend essentiellement des automobilistes, et non de l’Etat, dont, dans notre pays, nous avons tendance à tout attendre. Il reste malgré tout à l’Etat d’en faire la promotion, de faire le nécessaire pour que l’accès aux cours de conduite douce soit facile, voire gratuite. Le proverbe chinois selon lequel il vaut mieux apprendre à un miséreux comment pêcher plutôt que de lui donner du poisson se décline dans le domaine de l’énergie. Il vaut mieux apprendre à consommer moins plutôt que compenser la charge provoquée par une hausse des prix. Les deux approches ne s’opposent pas, une aide directe pour franchir une mauvaise passe, et un investissement sur les comportements pour un temps plus long. Il n’en reste pas moins qu’il est dommage pour ne pas dire déplorable, que l’aide financière ne soit pas complétée par une communication dynamique sur les moyens de maîtriser sa consommation. L’Etat ne peut rien faire sans mobiliser les acteurs ordinaires, simples consommateurs ou entreprises, et toute aide doit être une occasion de le faire.
Le logement est durement affecté par des hausses de prix du gaz et de l’électricité
La réponse est dans une action vigoureuse pour rénover un parc ancien et les nombreuses « passoires thermiques ». Un effort incontournable, mais qui prendra des dizaines d’années pour porter tous ses fruits. Et toujours l’Etat aux manettes pour faire progresser ce chantier. Bien sûr, il faut le faire, mais pas seulement. L’ADEME, sous le nom de « familles à énergie positive », et plusieurs associations ont mené des actions auprès des habitants de ces logements, où il faut bien vivre en attendant qu’ils soient rénovés. Là encore, il s’agit de mobiliser les citoyens ou consommateurs, qui ont en eux une partie de la solution.
Des économies substantielles peuvent être obtenues, sans perte de confort, mais en faisant attention, en changeant un peu de comportement, sans que ce soit une privation ou un effort extraordinaire. Et des économies immédiates, à engranger tout de suite alors que nous savons qu’il faut réduire les émissions au plus vite, tout se joue d’ici 2030. Sans doute vaut-il mieux réduire de quelques pour cent les sommes consacrées à la rénovation pour les consacrer à une animation de grande envergure sur les comportements et l’importance de la maintenance.
Tant sur la mobilité que sur le logement
Il y a beaucoup à gagner, et rapidement, si l’Etat admet qu’il n’est pas le seul à pouvoir agir, et que nous tous, en retour, comprenions que nous avons un rôle actif à jouer. Deux acteurs qui doivent trouver leur complémentarité, condition du succès de la transition à laquelle nous sommes invités à participer, avec notamment la fin progressive de l’énergie pas chère.
A défaut, les pouvoirs publics seront les seuls à porter l’effort à bout de bras, avec ses instruments traditionnels, taxes, subventions et réglementation, tandis que les citoyens resteront des acteurs de second rôle, pour ne pas dire des assistés auxquels il faudra imposer le nécessaire changement. Echec assuré.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...