Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Quel que soit le problème, manque d'énergie ou insuffisance de maîtrise de l'effet de serre, peu importe : dans tous les cas se poseront des problèmes de coûts. Or ce paramètre semble avoir été, plus ou moins consciemment, oublié.
Que voulez-vous dire par là ?
La directive européenne et la réglementation française sur l'énergie présentent le grave défaut de négliger totalement les aspects économiques. Même si l'on considère que l'augmentation des coûts est inévitable le minimum eut été de rechercher une certaine optimisation. Il est regrettable qu'on l'ait escamoté, les méthodes adoptées risquant de conduire à des dépenses excessives ou à des solutions techniques incohérentes. Est-ce que, par exemple, on ne va pas un peu trop loin en matière d'isolation. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux concentrer un peu plus nos efforts sur les équipements.
Les coûts vous paraissent t-ils si déséquilibrés ?
Examinons par exemple les perspectives en matière d'isolation. Prenez les spécifications "écologiques" extrêmes que sont PassivHaus en Allemagne, dont certains vantent les mérites : des parois opaques dont le coefficient U ne doit pas dépasser 0,15 W/m² K, des fenêtres dont le même coefficient ne doit pas dépasser 0,8 W/m²K, des ponts thermiques dont le coefficient ne doit pas dépasser 0,01 W/m² K. Un genre de spécifications auquel nous devons nous attendre pour 2010.
Ces spécifications spectaculaires ne sont-elles pas abusivement coûteuses ?
Il est bien évident que de telles dispositions entraînent des surcoûts. Dans certains pays on me parle même de 8 à 12 % de surcoûts de construction. En France, rien qu'avec le passage de la RT 2000 à la RT 2005 les surcoûts de construction sont de l'ordre de 3 à 7%. Ce surcoût isolation est, déjà en 2006, du même ordre de grandeur que le coût (total) de l'équipement de chauffage (surtout électrique). Avec la RT 2010 ce seront vraisemblablement des surcoûts "isolation" dépassant largement les 10 %.
Vos estimations de surcoûts ne sont-elles pas excessives ?
Certainement pas, et je crois qu'il faut être honnête sur le sujet : il n'y aura pas d'amélioration significative sans effort financier. C'est d'ailleurs ce que semblent avoir désormais clairement saisi les autorités communautaires, l'un des messages récurrents nous étant par exemple transmis de Bruxelles (CEE) par Katrien Pris : "il faut s'habituer à ce que les nouvelles directives en préparation ne puissent vraiment s'appliquer qu'avec une augmentation sérieuse des coûts".
Quelles en sont, pour vous, les conséquences ?
Multiples, et trop nombreuses pour être développées dans
cette lettre. Néanmoins, pour vous en donner une idée, voici les
résultats d'une étude effectuée sur les consommations terminales
de chauffage prévisibles pour une maison individuelle (environ 100 m²),
très bien orientée et située en site français médian,
avec un système de chauffage souple et une régulation efficace,
sans traitement particulier de la ventilation. Consommations annuelles de chauffage
:
- bâti style RT 2000 (G = 1) : 4 100 kWh/an,
- bâti style RT 2005 (G = 0,7) : 1 700 kWh/an,
- bâti style RT 20xx, assimilée à PassivHaus (G = 0,4) :
300 kWh/an.
Comme la consommation (probable) en production d'eau chaude devrait se situer
aux alentours de 3000 kWh/an, les consommations de chauffage (300 kWh/an) deviennent
"marginales", surtout si l'on tient compte de tous les usages (éclairage,
etc …). Cet exemple devrait, en tous cas, vous démontrer qu'on ne
peut valablement pas poursuivre les efforts actuels sans procéder à
de sérieuses analyses économiques. Sans cela il y a risque de
bouleversements technologiques forts et incontrôlés. Par exemple
une montée en puissance inexorable du tout électrique, aboutissant
tôt ou tard à des problèmes quasi-insurmontables de pointes
d'hiver dans les distributions d'électricité.
Roger CADIERGUES