Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
30 juin 2008
Dans certaines lettres précédentes j'ai indiqué la nécessité d'une refonte probable de notre organisation. Il faut, maintenant, aller plus loin. Je m'attacherai d'abord à notre cadre, qui est - à mon sens - menacé de très fortes évolutions. Même si ce n'est pas toujours très bien perçu.
Que voulez-vous dire par là ?
Pour m'expliquer je vais revenir un peu arrière. Lorsque j'ai connu, à mes débuts dans ce secteur, les métiers du génie climatique il s'agissait essentiellement des entreprises de chauffage ayant chacune à leur tête - du moins généralement - un ingénieur de Centrale, de l'X ou des Arts et Métiers. Cela datait plus ou moins de la fin du dix-neuvième siècle où les installateurs de chauffage étaient fréquemment constructeurs de matériels de chauffage et ventilation. Vous retrouverez, par exemple, une publicité sur du matériel Grouvelle-Arqembourg (un installateur) dans la première édition du Guide Michelin qui date de 1900 (réédité récemment). C'était à un point tel que le corps d'état que nous appelons aujourd'hui "génie climatique" était plus ou moins partagé entre la Fédération de la Mécanique et celle du Bâtiment. La situation allait rapidement changer, mais il manquait encore l'ingénierie. C'est ainsi que, pour la réalisation des installations de la maison de la Radio (dans les années 50), l'administration a dû faire appel comme ingénieur-conseil à un installateur-industriel, André Missenard. Depuis vous savez comment les structures ont évolué, bien que nous soyons encore encombrés d'habitudes anciennes.
Qu'entendez-vous par habitudes anciennes ?
De 1950 à 2000, dans tous les pays, les structures ont assez fortement évolué mais de façon hétérogène, les structures techniques - et en particulier les associations d'ingénieurs - tardant à se "moderniser" en se regroupant autour du thème élargi de l'équipement technique. L'Allemagne n'a guère eu de difficultés, l'ensemble étant regroupé au sein de la Fédération des Ingénieurs (VDI), la majorité des manifestations ayant lieu dans le cadre de la section dite VDI-TGA, qui est justement dévolue à l'ensemble de l'équipement technique. En Grande-Bretagne l'Association des Ingénieurs de Chauffage et Climatisation, s'est également transformée en profondeur en regroupant tout l'équipement technique (les building services) au sein du CIBSE (Chartered Institution of Building Services Engineers). Ce qui traduit le fait qu'au cours du siècle qui vient de s'achever les intervenants du domaine de l'équipement technique se sont progressivement regroupés, la France restant encore un peu loin du mouvement (aussi bien en ce qui concerne les ensembles d'entreprises qu'en ce qui concerne les associations d'ingénieurs). Quoi qu'il en soit ce n'était là qu'un début, car les soucis nouveaux vont certainement nous conduire à de nouvelles réarticulations.
Qu'entendez-vous par nouvelles réarticulations ?
Sous l'influence des décisions communautaires ou internationales nous sommes entrés dans l'ère du développement durable. Ce qui touche très directement la majorité de nos intervenants, qui devront désormais s'organiser pour y faire face. On peut en prendre pour exemple les Etats-Unis, où l'Association des Ingénieurs en Climatique et Froid, l'ASHRAE bien connue, vient - à la surprise générale - de lancer un nouveau périodique intitulé "High Performing Buildings", consacré manifestement aux développements nouveaux sous le titre "bâtiments hautes performances". Nous touchons là l'essentiel du mouvement : il ne s'agit plus seulement des équipements, il s'agit des bâtiments dans leur ensemble. C'est manifestement sous cet angle qu'il faut s'habituer à considérer nos problèmes, les aspects structures et matériaux (un peu prépondérants jusqu'ici en bâtiment) devenant plus ou moins secondaires. Ce faisant nous exigeons des compétences de plus en plus vastes. Où les modes de conception et réalisation tout autant que les techniques seront remises en cause. Et ce de l'architecte au gestionnaire, avec - pour chacun - un rôle bien déterminé. Et des connaissances et des outils de travail qui devront être adaptés à ces nouveaux rôles. Un besoin fondamental, même s'il n'est pas encore très bien perçu.
Tout ceci relève de perspectives plus ou moins floues : pouvez-vous être plus précis ?
Je vous propose d'y répondre en deux temps. D'abord avec la prochaine lettre (du 7 Juillet 2008) qui sera consacrée à une évolution des techniques qui me paraît inéluctable. Ensuite, à partir du 2 Septembre prochain (après la pause de l'été) pour ce qui concerne nos méthodes et outils de travail.
Roger CADIERGUES