Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
5 Octobre 2009
La France, comme beaucoup d'autres pays développés, ainsi que les organisations internationales, tentent de compléter les indices économiques (le PIB en particulier) par des indicateurs du développement durable. Je vous les ai présentés dans mes lettres précédentes, en particulier le bilan carbone et l'empreinte écologique.
De tels indicateurs seront-ils vraiment importants pour nos professions ?
Oui et en voici par exemple une première preuve : prenons le dégagement de CO2 dû à un kilowattheure dépensé par un moteur électrique. Si aujourd'hui, pour la France (EdF), nous prenons la référence 1, le dégagement est de l'ordre de 4 en moyenne pour la Communauté, de l'ordre de 5 pour l'Allemagne, et de l'ordre de 7 pour la Pologne. Il faut donc, dans le cas d'utilisation de l'électricité, fournir la désignation du fournisseur, et même l'année de référence. Ne mélangeons donc pas tout. Et limitons-nous à des cadres bien précis, nationaux en particulier.
Finalement, que faire ?
Pour y voir clair il faut d'abord bien définir notre domaine : il ne s'agit pas seulement de chauffage mais de tous les usages consommateurs d'énergie dans et pour le bâtiment, y compris ceux externes tels que les serveurs téléphoniques ou Internet, ou les consommations liés aux services collectifs de distribution d'eau. De plus il ne faut pas utiliser n'importe quels critères de développement durable. Je pense, qu'à cet égard, les concepts de bilan carbone et d'empreinte écologique sont suffisants. Ils peuvent vous faire peur mais, bien qu'ils soient surtout adaptés aux considérations macroéconomiques, je pense qu'ils conviennent pourtant très bien à nos objectifs spécifiques.
Peut-on revenir, pour ce qui concerne nos professions, sur ces indicateurs?
Le bilan carbone est un indicateur simple et précis (si l'on indique soigneusement les conventions). Il est, en particulier, très commode lorsqu'il s'agit d'optimiser nos choix énergétiques. Il n'y a pratiquement pas de conventions fragiles à la base. Mais il n'en est pas de même quand on veut en vulgariser le sens : il faut alors recourir à l'empreinte écologique, cette dernière étant un mode de présentation très général s'attachant à tous les effets négatifs en matière de développement durable. L'empreinte écologique est une notion développée à partir de 1994 lors d'une thèse américaine de doctorat. C'est l'indicateur du développement durable le plus médiatisé (près de 400 000 de références dans Google), et il est parfaitement possible qu'à l'avenir un certain nombre de textes réglementaires s'appuient sur ce concept. Une proposition de loi du 6 Janvier 2009 par exemple - que j'ai déjà citée - propose que l'empreinte écologique serve de base à l'évaluation des politiques mises en uvre pour lutter contre le changement climatique et préserver la vie sur terre. Son utilisation normale est la suivante :
- mesurer l'empreinte (schématiquement : les déchets rejetés moins les ressources renouvelables consommées) *
- et la comparer (une sorte de comptabilité environnementale) à la capacité de la planète à produire les ressources et à absorber les déchets, cette dernière grandeur étant dénommée "biocapacité".
N'est-ce pas un peu trop savant, en particulier pour le public ?
Le concept d'empreinte est souvent fourni sous la forme simple suivante, source probable de son succès : " il faudrait un certain nombre de planètes si nous continuions à consommer comme actuellement ". Un mode d'expression qui peut d'ailleurs s'appliquer au bilan carbone sous la forme suivante : combien de planètes sont-elles nécessaires pour séquestrer les gaz à effet de serre que nous émettons. Ou - autre forme - en combien de jours par an les émissions que nous produisons saturent-elles la capacité de la planète.
Pourquoi ces concepts sont-ils un peu longs à s'implanter ?
Parce qu'il reste, quand même, un problème à régler : normaliser (internationalement) les bases de calcul du bilan et de l'empreinte. Par exemple, lorsque j'ai tenté de pratiquer ces calculs, j'ai constaté que le WWF n'utilisait probablement pas du tout les mêmes bases que moi, et obtenait - dans la comparaison France-Allemagne par exemple - des résultats complètement différents des miens. Reste également une incertitude fondamentale, celle concernant la définition de la biocapacité, laquelle est fonction des différents types de surfaces prises comme référence (cultures primaires, pâturages, ..., forêts, espaces construits). Tant que la normalisation n'est pas achevée toutes ces considérations sont actuellement soumises à des incertitudes. Nous n'utiliserons donc l'empreinte qu'avec précaution.
Roger CADIERGUES