Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Ce n'est pas la première fois, depuis soixante ans, que la crainte de manquer d'énergie se manifeste. A chaque fois, après quelques années de déséquilibre, les craintes s'effacent et les perspectives énergétiques redeviennent rassurantes. Est-ce qu'aujourd'hui ne s'ouvre pas un nouveau cycle ? L'année 2006 ne sera-t-elle pas "l'année où nous allons commencer à manquer d'énergie" ?
Entendez-vous par là que l'inquiétude qui règne actuellement est exagérée ?
Absolument. Nous sommes aujourd'hui submergés d'informations incessantes - écrites, télévisuelles ou radiophoniques - prétendant nous alerter à propos des ressources énergétiques, du réchauffement climatique ou du développement durable, mais avec des discours souvent simplistes, les remèdes proposés étant douteux quoi qu'on en pense. Les défis sont tels, en effet, que la majorité des dispositions proposées risquent tout simplement d'être inefficaces.
Une telle critique n'est-elle pas exagérée ?
Certainement pas, d'autant qu'on va probablement continuer à mélanger tous les risques et tous les remèdes. Alors qu'il faut certainement examiner chaque risque séparément, quitte à revenir ensuite à une synergie constructive.
Par quel risque voulez-vous commencer ?
Par le "manque d'énergie". La préoccupation n'est pas nouvelle mais elle est toujours aussi mal interprétée. Au moment du premier choc pétrolier (1973) nous avons déjà connu ce genre de situation. A cette époque les réserves étaient évaluées à 30 ans de consommation, et les meilleurs augures prévoyaient qu'en 2003 (30 ans après) nous manquerions complètement d'énergie. Or nous sommes 33 ans après et les réserves ne sont toujours pas épuisées. Elles sont même estimées à plus de 40 ans de consommation annuelle. J'attends donc avec sérénité les augures qui nous promettront que dans 40 ans, en 2046, nous "manquerons cruellement d'énergie" ! En fait là n'est pas ma critique essentielle.
Que voulez-vous dire ?
Que le vrai problème est celui du réchauffement climatique, dû au développement exagéré de l'effet de serre, lui-même dû en grande partie à nos rejets de CO2. Alors que les gouvernements et les médias semblent penser que les mesures prévues seront suffisantes, l'OCDE estime que les émissions de CO2 augmenteront encore de plus de 80 % d'ici 2030. Au niveau actuellement prévisible, même s'il subsiste de sérieuses divergences numériques, la température terrestre moyenne risque d'augmenter de 2 à 6 "degrés" - ou plutôt deux à six kelvins [K] pour parler correctement. C'est là le risque le plus significatif, et surtout le plus difficilement contrôlable.
Qu'entendez-vous par "le plus difficilement contrôlable" ?
Qu'on assiste à une double confusion en ce qui concerne le réchauffement. D'abord l'oubli que le problème est mondial, et pas seulement français. Ensuite l'illusion que les solutions proposées puissent être suffisantes. Au lieu d'arrêter les rejets de CO2 à l'atmosphère on nous propose tout simplement de limiter les émissions, une démarche manifestement insuffisante. Si vous en doutez voyez les prévisions de l'OCDE. C'est donc à une véritable révolution technologique que nous devrions nous atteler. Avec la mise au point urgente de procédés arrêtant (et non pas réduisant) les rejets de CO2. De tels procédés existent, ou peuvent être mis au point. Aurons-nous les moyens économiques de les imposer, c'est le seul et véritable dilemme. Nous rejoignons d'ailleurs là les aspects fondamentaux du développement durable. Avec des exigences qui doivent reposer sur des réactions simples et systématiques de chaque décideur plutôt que sur la satisfaction de tel ou tel label. Ce doit être une préoccupation évidente et continue, et non pas une exception couronnée.
Roger CADIERGUES