Par Jean Pascal ROCHE - Directeur du BET ADRET
BEPOS : oui mais dans le temps ...
Un bâtiment à énergie positive ne doit pas l’être uniquement en conception sur le papier. Il doit pérenniser dans le temps sa performance énergétique.
Or, souvent, la facture énergétique est plus élevée que prévue du fait de négligences non pas en conception mais plus pendant la réalisation et notamment la mise en service du bâtiment, le manque de suivi et d’accompagnement au début de la vie du bâtiment. Or, il est possible d’agir sur ces facteurs, et c’est au cours des phases de réception des travaux et pendant les 2 à 3 années qui suivent que les plus grosses économies d’énergie sont à mettre en place.
Ce constat est partagé par beaucoup, et cette prise de conscience collective du potentiel d’économie liée aux réglages a entraîné la création d’aides spécifiques au suivi des bâtiments (subventions ADEME, CPE, etc…).
Bilan des consommations d'un bâtiment à énergie positive
La construction du siège social d’Hérault Energies, à Pézenas (34), s’est achevée en Juillet 2012. L’objectif était de construire un bâtiment exemplaire à énergie positive, grâce à une conception bioclimatique, un très bon niveau d’isolation et des systèmes techniques performants.
Il s'agit d'un bâtiment de bureaux d'environ 900 m² équipé d'une isolation renforcée, d'un système de chauffage et de rafraîchissement par poutres climatiques alimentées par une pompe à chaleur eau/eau sur sondes verticales et par une CTA double-flux à récupération à haut rendement, d'un éclairage piloté performant, de panneaux photovoltaïques et d'une GTB avec supervision.
- Pour plus d’informations, se reporter à l’article « Construire un bâtiment de bureaux à énergie positive» paru sur Xpair en 2011
Le calcul RT2005, mis à jour en phase PRO/DCE, a permis d'obtenir les résultats suivants :
En mettant de côté la production électrique photovoltaïque, la consommation conventionnelle RT en énergie primaire est de 55.45 kWh EP/m².an; elle se répartie comme suit :
2.1. Bilan global des consommations
Le tableau suivant présente le bilan énergétique des 2 premières années ainsi que les estimations qui avaient été faites en conception par simulation thermique dynamique (STD).
Les résultats présentés ci-après sont un bilan des consommations et non une analyse, car le projet ne fait pas l’objet d’une mission de suivi.
|
Réel 1ère année |
Réel 2ème année |
estimation |
Consommation (kWhélec/m².an) |
79.6 |
61.3 |
55.5 |
Production photovoltaïque (kWhélec/m².an) |
53.2 |
58.2 |
59.3 |
Bilan énergétique (kWhélec/m².an) |
+ 26.4 |
+ 3.1 |
- 3.8 |
On observe une baisse de 28% des consommations entre la première et la seconde année, témoin des actions correctives mises en place par la maîtrise d’ouvrage. Le bâtiment n’est pas loin d’être à énergie positive cette année, ce qui montre un très bon fonctionnement du bâtiment. Quelques améliorations pourraient être apportées pour s’approcher de cet objectif.
2.2. Analyse des consommations par poste
Certains compteurs ne fonctionnant pas, il est difficile d’établir un bilan détaillé des consommations énergétiques par poste, et donc d’analyser les sources d’économies d’énergie envisageables. Le camembert ci-dessous précise les consommations par poste des compteurs qui sont cohérents.
L’imprécision du comptage empêche une analyse fine des consommations. Cependant, on constate que la consommation de chauffage et de climatisation, qui s’élève à 9.5 kWhélec/m².an, est comparable aux prévisions. Elle ne représente que 13% de la consommation électrique du bâtiment, ce qui montre l’efficacité du travail mené en conception pour réduire les besoins de chauffage et de rafraîchissement. Cette consommation pourrait néanmoins être réduite en coupant la pompe à chaleur en mi-saison.
Le poste des auxiliaires de ventilation et de production est très élevé, puisqu’il représente
20.4 kWhélec/m².an, ce qui est très largement supérieur aux ratios habituels pour ces postes. Il est nécessaire de vérifier la programmation des pompes et des circulateurs.
Ce constat montre également l’importance de prévoir des pompes à débit variable et de sélectionner correctement les pompes, pour limiter les consommations d’un poste qui représente ici presque le triple du poste « chauffage et climatisation ».
Enfin, le poste divers est important, mais il comprend l’éclairage, la bureautique, et il n’est pas possible de détailler l’analyse.
Une mission de suivi énergétique et environnemental : pourquoi et comment ?
Dans le but de réduire les consommations énergétiques des bâtiments et leur coût, des missions de suivi énergétique sont proposées au maître d’ouvrage après la réception du bâtiment. Ces missions permettent d’établir un bilan des consommations pour les comparer aux objectifs, de mettre en place des actions correctives et de vérifier l’impact de ces actions sur le bilan énergétique.
L’efficacité de ces missions dépend fortement de l’implication des occupants, et la sensibilisation et l’information des occupants ne doivent pas être négligés.
Les missions de suivi permettent également de s’enrichir en bénéficiant de retours d’expérience sur les choix de conception, et de réduire les coûts de fonctionnement du bâtiment.
3.1. Méthodologie
Le principe d’un suivi énergétique efficace doit comprendre une phase d’observation, une phase de mise en place d’actions correctives, puis une nouvelle phase d’observation qui permet de valider ou non l’impact des actions mises en œuvre.
3.2. Objectifs
Le principal objectif d’un suivi énergétique est de réduire les consommations énergétiques du bâtiment. L’écart entre les consommations réelles et les prévisions est du :
- A des défauts de conception : Il est généralement dur d’intervenir sur ce point après réception, mais cela apporte des retours d’expérience intéressants pour mieux concevoir les futures opérations.
- A des défauts de réalisation : Selon le soin apporté en phase chantier, le bâtiment peut présenter des défauts d’étanchéité à l’air, d’isolation, qui dégradent la performance technique du bâti. Des interventions après réception peuvent être réalisées pour limiter leur impact (réglage des menuiseries, ajout d’isolant, mise en place d’un mastic d’étanchéité, etc).
- A des défauts de fonctionnement : C’est le poste qui a le plus d’impact. Il peut s’agir aussi bien de réglages de loi d’eau en chaufferie, d’une modification de la programmation horaire ou du réglage de la température de consigne dans les locaux. Pour corriger ces défauts, il est nécessaire de vérifier le fonctionnement horaire de tous les équipements, de suivre les températures, de régler les détecteurs de présence, ainsi que de sensibiliser les occupants pour les associer à la démarche de maîtrise des consommations.
Le second objectif d’un suivi est de réduire les coûts d’exploitation. Il est nécessaire d’analyser les coûts P1, liés à la consommation d’énergie, et les coûts P2, liés à l’entretien des installations. Par exemple, la modification de la puissance souscrite est notamment un moyen de réduire la facture pour une même consommation, et le choix des contrats d’entretien a une influence sur les coûts de fonctionnement P2.
Un autre objectif du suivi est d’assurer confort et santé pour les occupants. Il s’agit du confort thermique d’été ou d’hiver (température des parois, courants d’air, ventilation naturelle, protections solaires, …), du confort olfactif, du confort visuel, ou du confort acoustique. Pour cela, il est possible de suivre les températures et de questionner les occupants sur leurs ressentis.
3.3. Moyens métrologiques mis en œuvre
Pour que ces objectifs puissent être atteints, il est fondamental d’intégrer le suivi métrologique dès la conception pour disposer de comptages et d’informations pertinents. Une réflexion doit être menée pour que les comptages et les températures puissent être mémorisés et accessibles par GTB. A la réception, une vérification de tous les compteurs doit être effectuée pour savoir si le suivi via la GTB fournira des informations fiables.
Ensuite, une transition doit s’effectuer entre les acteurs du projet en phase chantier (entreprises, bureaux d’études, …) et ceux de la vie du bâtiment (exploitant, gestionnaire, gardien, chargé de suivi, …). Dans le cas d’un suivi énergétique du bâtiment, cette phase permet de connaître les objectifs qui avaient été fixés, de vérifier la métrologie mise en place et d’organiser le planning et le contenu de la mission de suivi.
Enfin, il est essentiel d’accompagner les occupants du bâtiment dans la démarche, car le comportement humain est fondamental pour atteindre un bon niveau de performance énergétique. Cet accompagnement peut prendre la forme de réunions d’information, de fiches de sensibilisation, ou s’effectuer lors de visites. Par exemple, dans le cas d’un bâtiment de logements, une visite d’une partie des logements est utile pour expliquer le fonctionnement des appareils et comprendre le comportement des habitants.
En résumé et pour aller plus loin
Les exigences de performance énergétique, voire les engagements dans certains types de contrat, poussent les acteurs du projet à être de plus en plus vigilants et à porter de plus en plus d'attention à la mise au point et au suivi des installations techniques. Le bureau d'études et l'installateur, chacun dans son rôle, doivent être convaincus que les optimisations de réglages font partie du projet, et de leur mission.
Des missions de suivi énergétique, qui peuvent être assurées par le bureau d'études en collaboration avec les utilisateurs et l'exploitant, permettent d'aller encore plus loin et d'optimiser les réglages et/ou les comportements des utilisateurs.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le guide « suivi et instrumentation des bâtiments performants » Envirobat-Effinergie, fruit d’un groupe de travail et rédigé par ADRET ; il est disponible sur : www.enviroboite.net/guide-suivi-et-instrumentation-des-batiments-performants
Nota : une seconde version du guide paraîtra au premier semestre 2015.
Par Jean-Pascal ROCHE
Directeur du BET ADRET à LA SEYNE (83) laseyne(at)adret.net
Président de l’association ICO – Ingénierie et Confort de l’Eau
SOURCES ET LIENS
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