Par Alain GARNIER ingénieur et directeur du bureau d'études GARNIER à Reims.
Comment se préparent les bureaux d'études eu égard à l'échéance 2020 : BEPOS dans le neuf, objectifs 3x20, … ? Cette 2ème partie complète la précédente chronique : Efficacité énergétique et EnR. Prêts pour 2020 ? - Acte 1
Avec un partage d'information tournée vers l'exemple appliqué à l'industrie :
Efficacité énergétique et EnR. Exemples dans l'industrie - Acte 2
Si l’on veut pouvoir réaliser un rafraîchissement ou une climatisation à partir d’eau froide provenant du free-chilling suivi d’eau glacée provenant du système frigorifique, on pourra recourir au schéma ci-dessous.
Le groupe de production d’eau glacée à compression électrique fonctionnerait en été avec une tarification plus favorable. La machine à absorption serait à réchauffage direct, elle utilise du gaz naturel et fonctionnerait principalement en hiver ou cette énergie augmente moins en prix du kWh.
La chaleur de réjection provenant des condenseurs du groupe de production d’eau glacée ou de la machine à absorption serait utilisée pour le confort et le processus. Au cas où il y en aurait trop, un aéroréfrigérant adiabatique permettrait sa dissipation.
Schéma de principe d'un système de production de froid avec récupération de la chaleur de désurchauffe et free-chilling
Notons au passage que l'aéroréfrigérant adiabatique réalisant le free-chilling humide serait raccordé sur une boucle primaire indépendante de celle de réjection de chaleur. Une vanne trois voies de commutation serait installée pour bénéficier de cet aéroréfrigérant en cas de panne de celui de boucle de réjection de chaleur.
Cet exemple est en fait réel et il est prévu que dans les futures années la machine à absorption soit remplacée par une à réchauffage indirect de façon à ce que son bouilleur soit alimenté par des capteurs solaires à tubes sous vide. Ceux-ci produiront un fluide entre 70 et 95°C. On réalisera ainsi une production d'eau glacée pour les processus et le confort à partir d'EnR solaire, plus il y aura de soleil, plus on aura de besoin frigorifique et plus la machine à absorption à réchauffage indirect produira de froid, on aura ainsi un système pratiquement auto-adaptatif.
Schéma de principe d'un système à absorption avec capteurs solaires
La puissance frigorifique délivrée par l'évaporateur d'une machine à absorption à réchauffage indirect sera très liée à la température de l'eau alimentant son bouilleur. Une machine à absorption à réchauffage indirect produira de l'eau glacée dès lors que la température de l'eau au bouilleur sera à 70°C. On devra par ailleurs mettre en place un système de désurchauffe si la température d'eau dépassait 95°C (aéroréfrigérant, forage de réinjection sur aquathermie ou géothermie, etc.).
Influence de la température de la source chaude du bouilleur sur la puissance en froid - Doc. YAZAKI
Dans la solution proposée on fera appel au free-chilling pour couvrir une partie des besoins en rafraîchissement
Il n’est pas inutile de rappeler en quoi cela consiste, car beaucoup confondent encore le free-chilling (chiller : refroidisseur en anglais) et le free-cooling (cooling : rafraîchissant en anglais).
- Le free-chilling : sera obtenu par un aéroréfrigérant ou une tour de refroidissement qui refroidira l’eau à la place du groupe de production d’eau glacée dans les périodes ou l’air sec (et humide dans le cas de la tour ou d’un aéroréfrigérant adiabatique) sera suffisamment froid.
- Le free-cooling : sera obtenu au moyen de l’air frais introduit dans le local de façon naturelle ou mécanique qui viendra compenser l’air chaud que l’on évacuera à l’extérieur.
Le free-chilling « sec » :
Dans cette solution on fera appel à un groupe de production d’eau glacée à condensation par air avec une batterie de free-chilling incorporée.
Groupe de production d'eau glacée de toiture à condensation par air avec free-chilling sec incorporé Doc CLIMAVENETA
Un aéroréfrigérant sera raccordé sur le circuit d'eau glacée en injection avec l'évaporateur (la température finale sera régulée par le groupe qui se mettra en fonctionnement que si la température souhaitée n'est pas atteinte).
Lorsque l'installation travaillera à charge partielle, il sera préférable que la température de l'eau "glacée" soit la plus haute possible de façon optimiser l'échange de l'aéroréfrigérant avec l'air extérieur.
On recourra à un aéroréfrigérant à débit variable pour augmenter l'écart de température entre départ et retour.
Le free-chilling couvrira la plus grande partie de la saison de rafraîchissement.
Celui-ci devra se faire à l'aide d'émetteurs à grande surface d'échange acceptant une température d'eau froide inférieure seulement de quelques degrés de celle de l'ambiance.
Le free-chilling « humide » : Principe de fonctionnement
On pourra produire de l'eau froide à une température inférieure de quelques degrés de moins que celle de l'air l'extérieur ou plus exactement celle de sa température humide. L'eau est refroidie à l'intérieur de l'aéroréfrigérant par l'air extérieur et la machine frigorifique n'a pas besoin d'être mise en service.
L'économie d'énergie est importante et la rentabilité du projet est d'autant plus élevée que les besoins de refroidissement sont importants et que l'installation s'y prête.
La température extérieure étant plus basse la nuit (écart diurne), on pourra d'autant plus recourir au refroidissement nocturne des locaux grâce au free-chilling et aux émetteurs à basse température qui extrairont la chaleur stockée dans la structure du bâtiment. Bien souvent, dans cette période, les aéroréfrigérants n'auront même pas besoin de fonctionner en adiabatique.
Free-chilling avec fonctionnement alternatif du groupe
de production d'eau glacée ou de l'aéroréfrigérant - Doc. A. GARNIER
Niveau de confort à en attendre : avec une surface d’émetteurs satisfaisante on est en droit d’espérer pouvoir descendre de 4°C par rapport au pic de la température extérieure qui a lieu environ 1h ½ avant, compte-tenu de l’inertie thermique. Soit une température intérieure maintenue à 26°C le jour quand il fait 30°C à l’extérieur, ce qui en fait un excellent moyen de rafraîchissement à basse d’EnR.
Sources d’erreurs souvent faites dans l’évaluation des économies d’énergie
On n’en parle jamais, même dans la littérature américaine pourtant friande de free-chilling : c’est de la différence qu’il existe entre le potentiel de pouvoir rafraichir un bâtiment avec l’efficience énergétique du système qui sera mis en place.
Les différentes erreurs commises :
- Les constructeurs nous annonce au travers de leur bilan thermique de free-chilling un gain pouvant aller parfois jusqu’à 65%.
Il s’agit en fait d’un « potentiel de rafraîchissement » et non d’un résultat que vous obtiendrez à tous les coups.
Bien souvent les calculs qui vous seront présentés tiendront comptent du nombre d’heures (jour et nuit) dans l’année pendant lesquelles les aéroréfrigérants seront capables de délivrer une température d’eau refroidie permettant le rafraîchissement. C’est fausser le résultat, car la nuit du fait de l’écart diurne de la température sèche et dans une moindre mesure de la température humide, on améliore le gain.
Taux de couverture annoncé par un constructeur
Installation en free-chilling sec
réalisé à Lyon, suivant différentes températures d'eau glacée
Par exemple, s’il s’agit de bureaux : la climatisation de ceux-ci ne fonctionne que de jour alors que la production d’eau froide obtenue par le free-chilling est plus favorable la nuit à cause de l’écart diurne. Il ne faudra bien entendu ne prendre que le rafraîchissement obtenu pendant les heures exactes d’utilisation des bureaux.
La nuit, il sera d’ailleurs plus intéressant énergétiquement de fonctionner en free-cooling grâce à cet écart diurne. On pourra réaliser un sous-refroidissement la nuit pour stocker le froid dans la structure du bâtiment et ainsi décaler l’heure du pic de température ce qui diminuera d’autant la consommation d’énergie destinée à la climatisation.
- On considère dans le « potentiel de rafraîchissement » que le free-chilling fonctionne tout le temps.
Or, ce n’est pas souvent le cas, car on fonctionne toujours en système alternatif ; « free-chilling », ou « production d’eau glacée ». Il serait préférable d’avoir un système bivalent qui recoure à des émetteurs permettant d’être alimenté en série par un mix : « free-chilling » + « production d’eau glacée ».
- Le bilan thermique de free-chilling tient rarement compte des véritables données météorologiques.
Pour calculer les gains énergétiques, il est utile de visualiser l'évolution des températures tout au long de l'année. C'est l'intégration de cette évolution des températures qui donnera la courbe des fréquences cumulées degrés-heures (D°h), image des besoins en refroidissement du bâtiment. Les degrés-heures représentent la somme cumulée des écarts entre la température extérieure et la température de référence, à chaque heure de la saison de rafraîchissement.
Le logiciel permettant d'appréhender les gains en free-chilling, devra fonctionner avec une température séche et humide extérieure, avec un pas d'une heure et tenir compte de la courbe réelle de température avec ses particularités bien connues des météorologues et des pilotes d'avion qui est l'effet des radiations solaires sur la température de l'air. Ici on ne parle pas de rayonnement solaire qui est instantané mais de température qui est décalée.
Effet des radiations solaires sur la température de l'air
La température est minimale environ 1/2 h après le lever du soleil. Ce décalage est dû au bilan thermique de la terre. La nuit, la terre émet un rayonnement et se refroidit. Lorsque le soleil se lève, la terre reçoit le rayonnement solaire, mais continue à émettre. Ce n’est que 1/2 h après le lever du soleil que le bilan est positif et que la terre commence à se réchauffer.
La température est maximale environ 2 h après la culmination du soleil (moment où le soleil est le plus haut dans le ciel), qui correspond au passage du soleil dans le plan méridien local.
- On ne tient pas compte de la surface d’échange des émetteurs à pouvoir dissiper la totalité du froid obtenu par le free-chilling.
Or, bien souvent il n’y a pas d’adéquation de puissance entre la production et l’émission, cette dernière étant sous-dimensionnée pour recourir à un free-chilling au maximum de ses possibilités.
Le « potentiel de rafraîchissement » que nous offre le « free-chilling » est important et nous y aurons recours de plus en plus dans les prochaines années du fait de l’augmentation des performances de l’isolation thermique, des apports calorifiques internes, de notre besoin croissant de confort et de la rareté des énergies fossiles.
Nous aurons alors le choix entre deux solutions de « free-chilling » :
- Un free-chilling adiabatique avec un fonctionnement bivalent et un fonctionnement continu, ce qui nous permettrait d’arriver au gain d’énergie ci-dessous :
Taux de couverture de 60% du free-chilling adiabatique
avec une température d'eau de 13/18°C et un fonctionnement en continu.
- Un free-chilling sec + fonctionnement alternatif, on pourra espérer arriver au gain d’énergie ci dessous ; ce qui n’est déjà pas si mal par rapport aux installations classiques :
La latitude et le type de climat sont des facteurs importants qui influencent le gain d'énergie.
Passons du côté de l’émission maintenant
Lorsque l’on a un préchauffage à réaliser au moyen de récupération de chaleur ou d’EnR, il faudra installer les émetteurs en série avec un ordre dépendant de leur gradient de température
Exemple du schéma ci-contre :
- Il y a un ∆t de 15°C entre 2 des 3 sources chaudes :
- Un circuit de réjection de chaleur d’un groupe de froid à 35/29°C.
- Un circuit de désurchauffe d’un groupe de froid à 50/40°C.
- Un réseau de chaleur à 80/65°C
On aura intérêt à regrouper le secondaire des échangeurs dont les deux circuits ont leur gradient de température très proches. Avec du 50/29°C et un pincement de 2°C, on pourra ainsi alimenter une première batterie de préchauffage sur la centrale en 48/27°C, c’est-à-dire avec un ∆t de 21°C. Le réseau de chaleur quand à lui, alimentera directement une seconde batterie de réchauffage sur la centrale en 80/65°C, c’est-à-dire avec un ∆t de 15°C.
Schéma en chaud : 6 tubes + 2 échangeurs + 2 batteries
Doc BET GARNIER
Et du côté du rafraîchissement et de la climatisation on aura recours à un système 1 batterie et 4 tubes.
La batterie chaude « antigel » s‘avère indispensable pour éviter de geler les batteries froides en hiver qui ne sont plus utilisées.
Elle permettra de souffler de l’air à 5°C. Elle devra être alimentée avec un circuit chaud qui ne sera jamais défaillant (chaudière par exemple).
Si les batteries froides fonctionnent en hiver, cette batterie est inutile car on sera obligé de glycoler leur circuit.
Schéma en chaud et froid : 8 tubes + 2 échangeurs + 4 batteries – Doc GARNIER
Règles de base
Pour ne pas risquer de casser certains générateurs des productions de chaud et de froid, pour ne pas mélanger les EnR et les transferts thermiques, il faut séparer ces derniers au moyen d'échangeurs de disconnexion.
Pour favoriser le recours aux systèmes de récupération et aux transferts thermiques, pour substituer au maximum l'énergie fossile par des EnR, on installera en série les émetteurs suivant leur gradient de température.
Du point de vue de la consommation d'énergie, il faut mieux installer les émetteurs côté eau plutôt que côté air, les pertes de charge sur les batteries créées des consommations électriques trop importantes et augmentent le niveau sonore.
Toutefois, s'il y a un écart de température trop important entre les fluides, il faudra mieux installer deux batteries pour ne pas qu'il y ait de mélange…
C’est pareil pour la production d’eau chaude sanitaire
Avec 2 sources de chaleur :
Ou avec 3 sources de chaleur :
Cela marche, même en réhabilitation avec une installation comportant d’origine un système « 4 tubes + 2 batteries » où si au sein d’une même zone on a des besoins conjugués de « chaud et de froid ».
Dans un système « 4 tubes - 2 batteries » les cassettes ou ventilo-convecteurs disposent de 2 batteries indépendantes, raccordées aux circuits d'eau chaude et d'eau glacée.
Le nombre de rangs de la batterie froide est plus élevé que celui de la batterie chaude, du fait du ∆t plus faible entre la température de l’eau et celle de l’air.
On pourra augmenter la surface des émetteurs en mettant en série leurs batteries froides et chaudes ; l’une des deux étant normalement inutilisée.
Par exemple, même si l’on a un système 4 tubes et 2 batteries et que l’on veut avoir la plus grande surface d’échange pour réaliser du chauffage à partir de fluides à basse température, on pourra utiliser ce schéma.
On pourra également commuter les fluides et passer du chauffage au rafraîchissement ou à la climatisation à partir d’eau froide provenant du free-chilling suivi d’eau glacée provenant du système frigorifique.
Lors du fonctionnement en froid
L'eau passera successivement sur les échangeurs à plaques de prérefroidissement puis de refroidissement pour aller ensuite alimenter les deux batteries en série.
Schéma en froid : 4 tubes + 2 échangeurs + 1 ou 2 batteries – Doc BET A. GARNIER
Lors du fonctionnement en chaud
L'eau passera successivement sur les échangeurs à plaques de préchauffage puis de réchauffage pour aller ensuite alimenter les deux batteries en série.
Schéma en chaud : 4 tubes + 2 échangeurs + 1 ou 2 batteries – Doc BET A. GARNIER
Le ∆t sur le préchauffage étant faible entre la température de l’eau et celle de l’air, on pourra se contenter d’une régulation agissant en TOR.
Le système d'émission et de récupération est composée de 3 batteries en séries : 2 batteries froides regroupées en une seule et une batterie chaude, dite batterie de « transfert ».
Les deux batteries froides permettent de déshumidifier l'air chargé en humidité. Pour déshumidifier l'air, il faut d'abord le refroidir jusqu'à atteindre sa courbe de saturation, puis apparaîtra de la condensation. Ce phénomène permet donc de faire chuter le poids d'eau, donc de déshumidifier l'air.
Ensuite, il est nécessaire de réchauffer cet air, afin que celui-ci atteigne la température ambiante.
Grâce à la batterie « Tr », un préchauffage est réalisé.
Exemple de déshumidification : Les piscines à 27°C et 15 g/kg as.
Les batteries froides sont alimentées par de l'eau glacée à 7°C ; celle-ci circule à contre-courant par rapport au sens de l'air afin de favoriser l'échange thermique. Cette eau glacée refroidit l'air en allant jusqu'à la courbe de saturation et permet ainsi de condenser l'eau contenue dans l'air humide.
Système thermodynamique à base d'une machine à absorption et d'une CTA pour piscine
L'air chaud et humide à 27°C provoque le réchauffement de cette même eau pour atteindre une température de 21°C en sortie des batteries froides. En sortie de la batterie « Du », l'air est à 9°C, 7g/kg.as.
Cette eau à 21°C va circuler dans la dernière batterie dite de transfert « Tr ». Celle-ci permettra de réchauffer l'air froid et sec. La température d'air en sortie de cette batterie « Tr » est alors d'environ 20°C. Ce travail réalisé par la batterie de transfert est un travail gratuit puisque la puissance transmise par la batterie « Tr » ne sera pas à installer sur la batterie terminale de chauffage.
Par Alain GARNIER
Alain Garnier est ingénieur et directeur du bureau d'études GARNIER 120 rue Gambetta à Reims
Lauréat du premier prix de l'Eco-Efficacité catégorie « concepteurs » en 2009,
récompense remise lors de l'UCE (Université du confort et de l'eau) de ICO à Lille.
Alain Garnier a écrit deux ouvrages :
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