Par Jean-Pascal ROCHE - Directeur du BET ADRET
Le bureau d’études ADRET a été lauréat, avec différents partenaires, de plusieurs concours en Conception Réalisation Exploitation Maintenance (CREM), pour des rénovations énergétiques de groupes scolaires et de lycées, avec engagement notamment sur les économies d’énergie obtenues.
Dans le présent article, nous exposons quelques retours d’expérience de ce type de contrat.
Le contrat CREM (Conception Réalisation Exploitation Maintenance) se définit comment ?
Le contrat de CREM de rénovation énergétique lie le maître d’ouvrage à un groupement, qui s’engage à concevoir et réaliser des travaux permettant d’atteindre un niveau de performance à définir dans le contrat, et à exploiter le bâtiment pendant plusieurs années.
Ce type de montage permet de porter un engagement fort, puisque toutes les parties ayant un impact important sur les consommations énergétiques sont au sein du même groupement (à l’exception notable des utilisateurs)
Le contrat intègre les engagements réciproques et en particulier les modalités de vérification des performances atteintes.
Ainsi, le montage en CREM nécessite, au sein du groupement, une diversité de compétences intervenant ensemble ou de façon décalée dans le temps :
→ Entreprise de construction mandataire
→ Architecte
→ Bureau d’études fluides
→ Autres bureaux d’études
→ Mainteneur
Ces acteurs sont liés entre eux par une convention de groupement, qui définit les règles de fonctionnement de groupement.
Le contexte de rénovation énergétique implique l’existence d’un « état historique » : factures d’énergie et d’eau des années précédentes, relevés éventuel de sous-compteurs, … Il est important de définir de façon claire cet état historique, car il est la référence à partir de laquelle sont calculées les économies attendues (et donc le respect du contrat)
La réduction des consommations énergétiques est l’objectif premier
D’autres objectifs peuvent être définis, selon le contexte de l’opération :
→ Environnementaux
- Réduction de l’impact Carbone
- Réduction de la pollution
- Taux d’énergie renouvelable du mix énergétique final
- …
→ De confort :
- Températures en été / en hiver
- Niveau de CO2 dans les locaux
- Maintien des niveaux d’éclairement
- …
→ De qualité des prestations :
- Délai d’intervention de la maintenance
- …
L’important est que ces objectifs soient quantifiables pour être vérifiables !
Plan de mesure et vérification
Dans le cadre d’un contrat de Conception Réalisation Exploitation Maintenance (CREM), un plan de mesure et vérification (PMV) doit être élaboré : il contient la définition de situation de référence, les modalités de correction de cette situation en fonction d’événement anticipables, qualifiés de périodiques (par exemple la rigueur climatique) ou non périodiques (évolution d’affectation de locaux, de la durée d’utilisation, du parc informatique…)
Le MPV définit aussi les limites de l’engagement : par exemple, les consommations de bureautique font-elles partie du CPE ?
En lien avec l’engagement porté, un plan de comptage précis doit être mis au point, précisant les consommations inclues ou exclues du périmètre d’engagement contractuel.
Exemple de plan de comptage
De même, les modalités de suivi des engagements autres qu’énergétiques sont préciser : le respect des températures, par exemple, peut faire l’objet d’un enregistrement continu, ou de campagnes de mesure ponctuelles.
Et la prise en compte des utilisateurs ?
Il ne faut bien entendu pas oublier que le bâtiment est fait avant tout pour accueillir, dans de bonnes conditions de confort, des utilisateurs avec leurs différents modes de vie et de fonctionnement.
Le contexte d’engagement sur la performance énergétique peut amener le mainteneur à limiter les températures de chauffage, tandis que les utilisateurs risquent de demander à rehausser ces dernières.
Le suivi des températures permet d’arbitrer les éventuels conflits pouvant apparaitre à ce sujet.
D’autres sujets sont plus complexes à suivre : l’ouvertures des fenêtres, par exemple, peut techniquement être suivie par des contacts de feuillure ramenés à une GTB, mais pour un coût disproportionné ; une stratégie de sensibilisation et de conciliation est probablement plus porteuse.
Que disent les premiers retours d’expérience de CREM
Le contexte de CREM est très stimulant pour le bureau d’études, puisque ses compétences premières (apporter du confort et maîtriser l’énergie) sont au centre des enjeux du contrat. Les regards croisés du bureau d’études, de l’entreprise et du mainteneur permettent une importante rationalisation du projet.
Cette diversité d’acteurs aux intérêts parfois opposés implique des mises au point de contrat pointues, qui mobilisent des compétences administratives et juridiques. La défaillance des partenaires doit notamment être intégrée dans les clauses juridiques de la convention de groupement.
Sur le plan technique, la difficulté principale consiste à prendre un engagement fort (contractuel), dans des délais relativement courts (les quelques mois de du concours). La prise de connaissance du bâtiment, l’analyse des données historiques, notamment des factures, puis la modélisation du projet (par Simulation Thermique Dynamique) nécessitent un temps d’étude long, impliquant une prise de risque élevée au stade du concours ou une prime concours conséquente à budgéter par la maîtrise d’ouvrage.
Malgré des craintes récurrentes sur le coût de l’assurance des bureaux d’études, les études techniques menées dans le cadre d’un CPE sont assurées par la plupart des assureurs au même taux que les études d’ingénierie classiques.
Précautions et conseils dans une mission CREM pour un Bureau d’Etudes
Ce type de marché peut s’appliquer à tout type de bâtiment et de maître d’ouvrage.
La phase concours est beaucoup plus chronophage qu’un concours d’architecture ; il faut faire attention à ne pas sous-estimer le temps, tant sur le plan financier que sur le plan organisationnel.
Cette forte mobilisation de ressources (temps de conception, de calcul, …) au stade du concours ou de la mise en concurrence, constitue un risque financier important, sauf si les primes concours sont suffisantes.
L’équipe doit être très soudée, nous conseillons de partir sur ce type de projet avec des partenaires récurrents, avec qui des habitudes de travail sont bien en place.
Il faut être sûr de ses méthodes de calcul de consommations prévisionnelles ! Des expériences précédentes de suivi de bâtiment en exploitation sont un bon tremplin pour passer ensuite au CREM.
Pour nous l’avenir est prometteur, car c’est un des seuls types de marché qui donne au donneur d’ordre des garanties sur la performance atteinte in fine.
Glossaire
CREM : Conception -Réalisation Exploitation et Maintenance
CPE : Contrat de Performance Energétique
Jean-Pascal ROCHE
Directeur du BET ADRET à LA SEYNE (83) laseyne(at)adret.net
Président de l’association ICO – Ingénierie et Confort de l’Eau
SOURCE ET LIEN
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