Par Jean Pascal ROCHE - Directeur du BET ADRET
La ventilation nocturne constitue un enjeu crucial dans la stratégie bioclimatique des bâtiments dont le contrôle des températures en été doit être fait de façon passive, c'est-à-dire sans recours à une climatisation active.
Stratégie bioclimatique
Beaucoup de bâtiments visent des niveaux de confort d'été satisfaisant sans recours à la climatisation. C'est le cas des bâtiments scolaires, de beaucoup de bâtiments de bureaux et de la plupart des bâtiments d’habitation, par exemple. Dans les stratégies bioclimatiques mises en œuvre pour atteindre cet objectif, la ventilation joue un rôle fondamental : une ventilation importante doit être favorisée pendant les périodes fraiches et minimisée au strict besoin hygiénique pendant les périodes chaudes. Le dimensionnement du débit de ventilation nocturne nécessaire se fait par simulation thermique dynamique.
Comportement d’un bureau avec et sans ventilation nocturne (simulation thermique dynamique) : la ventilation naturelle nocturne permet un abaissement des températures de 1.5°C à 2.5°C la nuit, et une stabilisation des températures à des niveaux 2°C inférieurs à un bureau non ventilé la nuit.
On trouve habituellement deux façons de ventiler les bâtiments la nuit :
- soit en sollicitant la ventilation mécanique (simple ou double flux)
- soit par une ventilation naturelle par ouverture manuelle des fenêtres à la discrétion des occupants.
Avantages | Inconvénients | |
Ventilation mécanique | Les débits sont maîtrisés Les périodes de fonctionnement peuvent être programmées aisément par un régulateur ou une GTB |
Les débits hygiéniques ne sont pas toujours suffisants pour obtenir un résultat satisfaisant Consommations énergétiques pouvant être importantes |
Ventilation naturelle par les ouvrants | Aucune consommation d’énergie Débits en général très supérieurs aux débits des ventilations de confort |
Débit d’air non régulier (dépend des conditions de vent et de température) L’efficacité dépend des utilisateurs Problématiques d’intrusion à gérer (animaux, vol) ou sinistre pluie |
En ventilation mécanique, bien souvent les débits hygiéniques mis en jeu ne sont pas à l'échelle des débits nécessaires dans le cas des stratégies de ventilation naturelle à des fins de confort d'été. Aussi, soit on est amené à surdimensionner les réseaux de ventilation ainsi que les moteurs des extracteurs, ce qui génère des encombrements, des surcoûts et des surconsommations, soit le levier de ventilation mécanique est extrêmement faible pour atteindre les niveaux de confort espérés, et cette solution n’est pas exploitable.
La ventilation naturelle par ouverture des fenêtres présente l'inconvénient de reposer en général uniquement sur l’ouverture des fenêtres au bon moment par les utilisateurs ; on se heurte au bon vouloir des occupants et également à des problématiques d'intrusion d'animaux divers pouvant occasionner des dégâts ou déclencher des alarmes. On a aussi à gérer des problèmes de pénétration d'eau par des fenêtres qui seraient laissées ouvertes toute la nuit par exemple.
La ventilation naturelle automatisée peut permettre de tirer un bénéfice de chacune des deux stratégies ci-avant.
Le principe de la ventilation naturelle automatisée
La motorisation de certains ouvrants permet de gérer l'ouverture des fenêtres indépendamment des actions des utilisateurs. On peut pour cela utiliser des ouvrants dédiés ou motoriser des ouvrants de confort ou de désenfumage.
Exemple de principe de ventilation naturelle automatisée des circulations d’un EHPAD
Il existe plusieurs types d'ouvrants : à soufflet, ouvrant à la française, à lamelles ou oscillo-battant, avec différents types de motorisation.
A titre d'exemple :
Ouvrant à soufflet équipé d’une motorisation prévue également pour le désenfumage
Coltlite (COLT) ou Luxlame (SOUCHIER) : système de lames basculantes motorisées
Ouvrant SCHUCO avec système tiptronic (moteur caché)
Le choix du type d'ouvrant dépendra de la section utile de ventilation souhaitée, de différentes contraintes d'aspect, de maitrise des risques d'intrusion, etc….
Motorisation et commandes en ventilation naturelle automatisée
Interface VNA
Il est économiquement intéressant de mutualiser au moins partiellement les équipements de désenfumage et de VNA.
Les équipements communs concernés devront respecter la norme NFS 61.937des D.A.S. (Dispositifs Actionnés de Sécurités).
Dans le cas d'un désenfumage naturel, l'ensemble des ouvrants peuvent être "mixtes". Il faut simplement adapter leur dispositif de commande afin d'assurer ouverture et fermeture automatique (motorisation).
Dans le cas d'un désenfumage mécanique, certains ouvrants d'amenée d'air naturel en façade peuvent être "mixtes".
Il y a lieu de respecter un certain nombre de règles afin que le système de VNA ne viennent en aucun cas perturber le désenfumage (position des matériels, mode d'alimentation, automatismes, fonctions prioritaires, interfaces, etc.…).
Un savoir faire particulier est requis.
Le pilotage et l'asservissement
La motorisation des châssis permet l'ouverture à la demande.
Il y a principalement trois typologies de contrôle :
- tout ou rien : position ouverte/ position fermée (avec ou sans contact de position)
- Contrôle chrono proportionnel : on mesure le temps d’ouverture complète, et on commande, à partir de la position fermée, une ouverture partielle en limitant le temps de fonctionnement du moteur.
- Recours à des moteurs adressables, communiquant en modbus la position exacte. Outre une commande précise, ce type de technologie permet une évolutivité aisée, par exemple en changeant l’affectation d’un ouvrant en cas de recloisonnement.
- soit on opte pour un pilotage par zone et par orientation
- soit on opte pour un système adressable par pièce
- dans tous les cas, les commandes locales manuelles restent prioritaires.
- soit on opte pour un kit complet posé par un fabricant qui proposera motorisation et système de régulation ce qui a pour avantage de limiter les interfaces entre lots et d'avoir un système du commerce robuste dédié à ce service (par exemple, système AéroPack® WEB de SOUCHIER)
- soit on choisit les composants et on intègre à la GTB du bâtiment la fonction de la régulation de la ventilation naturelle assistée. Il faut alors clairement définir par l'analyse fonctionnelle le fonctionnement de la ventilation.
Elément sur l'analyse fonctionnelle typique et régulation en ventilation naturelle automatisée
La régulation sera assurée de la façon suivante :
On cherche à faire pénétrer l'air de façon importante dès lors que la température extérieure est plus fraîche que la température intérieure en période chaude. De façon à limiter les cycles d'ouverture/fermeture, on met en place une temporisation et un écart de température à partir duquel on va commencer à ouvrir les fenêtres. Par exemple, pour un bâtiment de bureaux on pourra ouvrir les fenêtres dès que l'écart entre la température extérieure et la température intérieure est supérieure à 2°C et à les maintenir ouvertes tant que cet écart reste favorable au rafraîchissement du bâtiment. Ce pilotage sera couplé à une gestion horaire et saisonnière. De façon à maîtriser le confort en toutes saisons, il est pertinent de mettre en place une limite de basse température en dessous de laquelle on fermera le bâtiment pour éviter de trop le rafraîchir. Selon les configurations, il peut être utile de mettre en place une petite station météo qui permettra la fermeture des ouvrants en cas de pluie qui ne sont pas protégés et également en cas de vent de façon à éviter les courants d'air importants à l'intérieur des bâtiments qui pourraient apporter une gêne aux utilisateurs.
Quelques critères de conception
Outre la section des ouvrants et leurs caractéristiques aérauliques, les critères suivants sont à examiner :
La maîtrise des risques d’intrusion (vol)
Pour pouvoir gérer l'anti intrusion on peut envisager des châssis oscillants suffisamment petits pour empêcher l’intrusion, des barreaudages, … On peut aussi assurer la sécurité par alarme, toutefois celle-ci doit être réglée pour éviter des déclenchements intempestifs, et l’intrusion d’animaux doit être gérée.
La maîtrise des risques d’intrusion d’animaux
Concernant la maitrise de pénétration de nuisibles, un grillage ou une moustiquaire peut être envisagée : c’est notamment utile dans les bâtiments de logements pour permettre une ventilation nocturne sans avoir les nuisances liées aux moustiques (ce qui peut constituer dans certains cas un danger sanitaire : Chikungunya, Zika, …)
La protection contre la pluie
Si les ouvrants sont exposés, c’est indispensable. Il est important de prendre en compte l’éventualité d’une pluie battante. Une analyse des vents dominants est nécessaire.
La pérennité
La capacité des ouvrants à supporter un grand nombre de cycles ouverture/fermeture est nécessaire. On trouve notamment pour les ouvrants dédiés au désenfumage des garanties sur le nombre de cycles d'ouverture et de fermeture. Il faut savoir que les ouvrants purement dédiés au désenfumage sont en général prévus pour 1 000 cycles ouverture/ fermeture et il vaut mieux demander à ce qu'ils soient prévus pour 10 000 cycle et/ou prévus pour un fonctionnement mixte (désenfumage/ ventilation)
Fonction mixte VNA / désenfumage
Etude et prescriptions particulières selon la mutualisation partielle au total des ouvrants, et selon le type de désenfumage (naturel ou mécanique).
Thermique du bâtiment
Les ouvrants dédiés à la ventilation naturelle ne doivent pas dégrader la performance thermique globale du bâtiment. Ils doivent être isolants et contribuer à un éclairage naturel suffisant. Ils ne doivent pas générer de nuisances par des apports solaires trop importants générant des surchauffes. Il faut prendre garde à ce qu'ils ne dégradent pas l'étanchéité à l'air globale du bâtiment. A ce titre les ouvrants de désenfumage présentent des performances très variables et il faut tenir lors du choix des équipements de ces critères en choisissant des équipements dotés de joints d'étanchéité à l'air permettant une bonne étanchéité.
A suivre …
La chronique du mois d’octobre prochain présentera un cas concret d'un bâtiment traité en VNA avec retour d'expérience et analyse des températures mesurées pendant l'été 2016. Il s'agira d'un centre de soins de suite et de rééducation situé à Caveirac, à côté de Nimes.
Par Jean-Pascal ROCHE
Directeur du BET ADRET à LA SEYNE (83) laseyne(at)adret.net
Président de l’association ICO – Ingénierie et Confort de l’Eau
SOURCES ET LIENS
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Tous ces problèmes de ventilation ainsi que de mal être et d'inconfort dans les bâtiments proviennent de l'utilisation presque exclusive du béton sous la pression des lobbys français et de l' incompétence et la mauvaise formation des architectes dans ce pays. Tant que ceci ne sera pas reconnu et que des matériaux naturels et respirants ne serons pas utilisés, malgres toutes les ventilations que vous voulez, l'inconfort subsistera.