Nouvelles performances avec un comportement économe actif !

Par René CYSSAU - Consultant équipement du bâtiment, ex-ingénieur en chef du COSTIC.

 

Basse consommation, nouveau gisement d'économies simples et peu couteuses, oui ! Mais avec des outils ultra adaptés et qui facilitent un comportement économe et qui y incitent ! Cette chronique fait suite à celle du mois précédent « des symboles pour utiliser l'énergie dans le bâtiment »


Bonne lecture à toutes et à tous et n’oubliez-pas que vous pouvez « blogger » en bas de page en nous laissant vos commentaires !

 

Des automatismes invisibles ou conviviaux?

 

automatismes domotiques simples d'utilisation

 

Pour concevoir le pilotage des équipements énergétiques des bâtiments actuels, deux approches peuvent s'envisager :

  • Des systèmes qui satisfont le principe : vivez dans le bâtiment, les automatismes s'occupent du reste.
  • Des systèmes qui interagissent avec les usagers : donnez vos consignes, les automatismes exécuteront et vous informeront en retour.

La première approche vient de la croyance seule la technique permet d'obtenir le résultat escompté, que les usagers ne « savent pas faire », il ne faut pas les laisser intervenir.
La seconde consiste à mettre l'usager « dans le coup », compter sur le comportement pour minimiser la consommation, peut-être au-delà du résultat escompté.
Il s'agit de compter sur l'appropriation de la question énergétique, une attitude qui s'avère a priori positive (plus gratifiante) pour les usagers d'un bâtiment aux nouvelles normes, plus au fait des réalités techniques.



 

Interfaces simples ?

 

Des interfaces utilisateurs simples ? Oui mais des simplicités multiples font les complications !

 

Les technologies permettent de disposer d’équipements « intelligents » (« smart » serait mieux adapté), passage obligé pour un bâtiment aussi intelligent.

 

La forme visible d’intelligence dans les nouveaux produits de tous les jours est celle de la communication « intelligible », à l’instar de la première forme d’intelligence qui se manifeste par échange d’information entre individus, comme nos lointains ancêtres.

 

De fait, beaucoup d’équipements actuellement ou récemment sur le marché sont annoncés simples d’usage, bénéficier d’une interface conviviale : télécommande IR indépendante, écran tactile, communication par réseau RF (Wifi) …

 

Le problème qui va se présenter est que toutes ces « facilités d’usage » propres à chacun des équipements des bâtiments : chauffage, rafraîchissement, ventilation, stores, ouvrants, ECS, (liste non limitative !) vont provoquer des difficultés en se trouvant juxtaposées.

 

Une réelle difficulté qui vient de la multiplicité et de la complexité des nouveaux équipements énergétiques.  Dans la Méthode de calcul RT2012 (Th-BCE 2012), on ne compte pas moins de 370 fois le mot « régulation ».

 

Compter sur l'usager ?

 

Compter sur le comportement ? Oui mais en permettant un « vivre avec » sur des principes reconnus

 

C’est donc dans les qualités de convivialité (« utilisabilité » serait mieux adapté) que des progrès devraient être attendus. C’est actuellement un thème qui fait l’objet de réflexions chez ceux qui développent des produits.

Pour l’intérêt général, qu’il s’agisse de celui des usagers, des fabricants ou des entreprises, les modalités d’usage doivent se standardiser.

Au-delà des simples symboles graphiques, il s’agit de procédures d’utilisation, d’intégration du pilotage des différents équipements, de lisibilité des messages et des documents qui accompagnent : la terminologie.

A notre connaissance, nous ne disposons pas d’étude en France qui permettent de guider les développeurs dans le domaine de l’énergie et du bâtiment.

 

Interface Utilisateur

 

INTERFACE HOMME - EQUIPEMENT TECHNIQUE DU BATIMENT, une étude récente menée en Allemagne

 

Une étude remarquable a été menée dans le cadre des mesures de l'Office Fédéral des constructions et du l'aménagement du territoire allemand  (auteurs : Schärfl Alois,  Jürgen Pfitzmann, Wotan Wilden).


L’objet de l’étude consiste à présenter des lignes directrices pour améliorer la conception de l'interaction de l'utilisateur avec les équipements ou les services. Les résultats proposés doivent permettre de concevoir des moyens de réglage intuitifs afin d'éviter les erreurs d'utilisation ou d'exploitation qui conduisent à des gaspillages d'énergie.

Plusieurs constats sont faits, parmi eux :

 

  • Lorsqu’il s’agissait de générateurs individuels au bois, au charbon ou des poêles à pétrole l'utilisateur devait transporter l'énergie manuellement à l'endroit du besoin. Ainsi, la relation entre la consommation et l'utilisation était directement assurée. Même si ces installations étaient très peu efficaces sur le plan énergétique, les gaspillages thermiques étaient limités par l'effort de manutention, l'énergie n'était consommée qu'en cas de besoin réel.
  • Les possibilités techniques évoluant, les équipements étant automatisés, le transport de l’énergie est devenu invisible. Le gain plus ou moins apparent de confort peut par ailleurs ouvrir à de grandes possibilités de gaspillage de l'énergie. 
  • Les moyens d'exploitation devenant de plus en plus puissants et flexibles, les possibilités d'ajustements deviennent plus complexes et donc difficiles à comprendre. Pour la plus grande partie des utilisateurs, l'acceptabilité diminue.

 

Parmi les pistes indiquées :

 

  • Les possibilités d’économies qui découlent de l'automatisation et du pilotage central devraient être séparées de celles qui découlent de la modification du comportement de l'utilisateur.
  • Les applications dans les appareils de tous les jours, comme pour les téléphones portables, assistants numériques et autres tablettes, permettent un grand nombre de fonctionnalités différentes sur un même matériel.

L’étude se conclut par un grand nombre de recommandations. Certaines d’entre elles mériteraient une analyse supplémentaire de leur pertinence et de leur faisabilité.

Nous avons retenu celles-ci :

  • Tous les moyens de réglage ont la même présentation, ils comportent les états "présent", "absent" et "arrêt".
  • Les valeurs de consigne entrées et les mesures attachées doivent être affichées en relation.
  • Une consommation d'énergie excessive doit être affichée
  • Les icônes sont à préférer aux textes.
  • Le moyen de réglage est toujours placé auprès de la porte d'entrée à la place de l'interrupteur de l'éclairage. Il intégrer plusieurs autres fonctions que la commande de l’éclairage.

 

interrupteur

Une des propositions en conclusion de cette étude : placer à l’entrée des pièces une commande qui indique la présence et permet de commander les services énergétiques, au-delà de l’éclairage seul


reglages

Une autre proposition : permettre les réglages individuels des services éclairage, température, ventilation, stores, avec un retour visuel de l'effet : le niveau d'énergie à mobiliser pour satisfaire cette demande, ici en rouge

 

Les symboles « simples » ne suffisent pas!

 

Les symboles ne suffisent certainement pas à changer les comportements. Certes s'ils sont « compris », ils peuvent impacter sur les gestes d'économies d'énergie, encore faut-il qu'ils sortent d'un modèle statique et qu'ils deviennent de véritables symboles dynamiques Comme nous l'avions exposé dans le chronique du mois dernier «Des symboles pour utiliser l'énergie dans le bâtiment », les symboles sont efficace dans un terrain de communication simple et efficace à partir du moment où il est compris par tout le monde.

 

Certes une fois compris, il faut qu'ils – les messages- deviennent interactifs ou plutôt actifs vers l'acteur n°1 qu'est l'usager. Dépassement de consommations, dépassement de consignes de température, conseils pour réagir, pour réduire la consommation, … ; tels sont les apports informatifs actifs au-delà du simple apport des symboles et qui provoque le comportement de l'usager.

 

La norme qui propose des symboles graphiques pour les usages énergétiques a été présentée dans la précédente chronique

 

Voici les réponses au quizz qui y est proposé.

 

resultats qcm symboles

 

Ce petit jeu permet de réfléchir à l'usage de la symbolique pour le bon usage des équipements. La compréhension dépend beaucoup du contexte, mais, principalement, de la répétition, nécessaire pour un apprentissage inaperçu, mais efficace.

Ce constat conduit à inviter les créateurs d'interfaces utilisateur à éviter de créer des graphismes innovants. La norme NF TS 15810 a été préparée dans le cadre de la commission française de normalisation dans le secteur du bâtiment, P52W du BNTEC (FFB) avec la participation active des industriels de la régulation.

Une enquête menée au COSTIC avec l'appui de l'ADEME avait permis de faire un état des choses et d'identifier ce besoin avant de préparer ce document. Cette norme un premier pas pour une reprise par les instances internationales de normalisation des symboles, pour un langage universel (ISO 7000, en particulier). C'est ainsi que nous avons des facilités pour conduire une voiture, utiliser les appareils de photo, les TV et autres produits dans les maisons, quelle que soit l'origine … ou presque.

Dans son ouvrage, L'ENFER DE L'INFORMATION ORDINAIRE - ces boutons, panneaux, modes d'emploi … auxquels on ne comprend rien (Gallimard, 2007), Christian MOREL explique pourquoi le consommateur peut être perplexe, désorienté, déçu, irrité. Les choses doivent s'améliorer dans notre domaine, particulièrement pour la nécessité des usages économes de l'énergie.

Norme ARNOR NF CEN/TS 15810

 

Symboles interactifs

 

Symboles interactifs qui parlent et impactent sur la réduction des énergies

 

La performance énergétique, si elle se cantonne au Grenelle de l'Environnement, à la RT 2012, à l'énergie primaire économisée, aux 5 usages principaux, …, risque d'être peu percutante et comprise des usagers, les premiers concernés !! Il faut des traducteurs ! Soit des symboles et des images simples ! Plus efficaces qu'un long discours !

 

Il n'est pas question de faire venir des usagers en stage de formation. Les médias grand public peuvent jouer un rôle utile mais d'un autre côté, les affichages, commandes et réglages doivent aussi évoluer et être communicatifs. Et il faut également que les usagers sachent vivre avec. Des affichages par symboles peuvent se multiplier, mais la multiplication ne fait pas la lisibilité. Des outils d'interface se diversifient, la multiplicité de ces outils. Des indicateurs de consommation se mettent – se mettront - en place, mais il y a encore loin de l'affichage à l'action à laquelle cet affichage incite.

 

Par exemple, la visualisation des consommations sous forme d'avertissements actifs, à l'identique des dépassements de vitesses, peuvent être efficaces sur le comportement réactif et responsable des usagers.

 

Si le résultat est une prise de conscience individuelle et collective qui permet de réduire le chauffage, l'eau chaude sanitaire, éteindre l'éclairage, …, et permettre sans grand investissement une économie naturelle de 7, 10, voire 15% ? Alors il y a réellement un créneau pour un Apple de l'affichage interactif !!

 

Symboles interactifs

 

Symboles interactifs qui parlent et impactent sur la réduction des énergies

 

Des symboles graphiques reconnus sont nécessaires mais ne suffisent pas à changer des comportements. Certes, par leur lisibilité, ils peuvent impacter sur les gestes d'économies d'énergie encore faut-il qu'ils deviennent de véritables symboles dynamiques qui incitent en informant, directement, au niveau de la commande : consommation actuelle, dépassement inapproprié de la consigne, indications pour agir, réduire la consommation, …
L'indicateur de consommation dans l'automobile est placé sous les yeux du conducteur, une pression sur l'accélérateur a un effet immédiat sur l'indication. Ce n'est pas le cas pour piloter les équipements énergétiques du bâtiment. En règle générale, l'emplacement des réglages, normalement à portée de main, ne permet pas de voir des compteurs.

 

Un exemple du rapprochement qui incite à un comportement économe : le répartiteur de chauffage est à la vue directe de l'usager, près du robinet. Il est ainsi invité à actionner son réglage en considérant aussi sa dépense. On sait que les économies réalisables par l'individualisation sont très sensibles.

radiateur

 

A l'instar du pilotage d'un avion, pourrait-on imaginer des réglages à retour de force, une réaction de la commande en relation avec l'énergie qui est consommée ? Des réglages d'éclairages très consommateurs pourraient en bénéficier.
Une indication sonore en retour - un grognement ? - serait-elle utile acceptable ?
La recommandation parentale « éteints ta lumière » aura-t-elle un nouvel avenir ?

 

Une interface universelle: le phénomène smart-phone ?

 

Les smart-phones et tablettes, ces couteaux suisses, constituent maintenant le support privilégié pour les différents usages, dans la vie de tous les jours. Des évolutions sont encore attendues, mais la voie est tracée.

 

iphone

Aujourd'hui les outils pour réaliser des interfaces actives sont évidemment à la portée des industriels : l'iPhone constitue un standard de fait, un succès par la création de son interface conviviale.

 

Des applications existent et des développements se font chez plusieurs fabricants, mais des applications aussi différentes les unes que les autres par des graphismes, des procédures et des présentations spécifiques aux fabricants et aux différents produits nous ramèneront à la tour de Babel.
Le risque serait de passer à côté de cette chance d'obtenir des réductions de consommations aussi importantes, aussi simples et accessibles que celles qui viennent du comportement incité au moyen de tels outils. Cette chance consisterait à établir un accord entre tous les fournisseurs d'équipements énergétiques du bâtiment pour établir un protocole d'interface utilisateur unique applicable aux organes de réglage et de commande, aux indicateurs, aux smart-phones et autres écrans tactiles.
La normalisation est un passage obligé mais nous ne connaissons pas, à ce jour, d'initiative dans ce domaine, hormis des travaux sur les symboles (encore statiques) et la terminologie dans le CEN/TC247. Nous assistons incontestablement à la montée des « Applications » pour les commandes mais pas elles ne demeurent pas utilisables partout.

 

Revenons au phénomène remarquable qu'est la progression des ventes Smart-Phones tels les iPhones … La symbolique présente progresse rapidement avec ces mini-ordinateurs portables ! et semble copiée par tous les acteurs. Il est vrai qu'Apple, globalement avancé dans l'exercice de « l'ergonomie facile », tire vers le haute la concurrence.
La régression sera-t-elle aussi rapide que cette montée? Non si tout le monde « suit » Apple, certainement pas. Dans le cas du Génie Climatique et de nos industries, nous faut-il un leader, un constructeur leader, un Apple du Génie Climatique ?

 

En conclusion

 

Si la performance énergétique se cantonne au Grenelle de l'Environnement, à la RT 2012, à l'énergie primaire consommée pour les 5 usages principaux, elle risque d'être peu percutante, mal comprise des usagers, les premiers concernés.
Il faut des traducteurs. Les professionnels doivent en être, évidemment, à tous leurs niveaux de leurs interventions, mais les équipements doivent aussi prendre un tel rôle en traduisant les demandes en conséquence énergétique par des symboles et des images simples, plus efficaces qu'un long discours.

 

par René CYSSAU
Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC, René CYSSAU est l'auteur d'ouvrages techniques et a été ex-rédacteur en chef de la revue PROMOCLIM

René CYSSAU a également présidé à l'élaboration de la norme européenne NF CEN/TS 15810.
 

 

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