Par Véronique BERTRAND - consultante en énergétique
Récupérer de l'eau de pluie c'est comme récupérer de l'énergie ! Pour les usages domestiques, cela peut générer d'importantes économies financières et éviter un gaspillage inutile. Cependant, quelques règles s'imposent et la simple récupération dans une citerne ne peut pas s'effectuer sans précaution notamment sanitaires. La présente chronique fait le point en éclairant le concepteur et l'installateur sur les règles de bonnes pratiques.
1°/ Quid de la réglementation récupération eau de pluie ?
Il faut partir de l'arrêté du 21 aout 2008 qui donne les bases et règles applicables à la récupération des eaux de pluie et à son utilisation dans les bâtiments.
Les seules utilisations autorisées dans le bâtiment :
- les usages extérieurs tel que l'arrosage, le lavage des voitures, etc.
- l'alimentation des chasses d'eau de WC et lavage des sols
- le lavage du linge, sous réserve d'un traitement adapté de l'eau de pluie et de la compatibilité de l'équipement ménager.
- les usages professionnels et industriels, à l'exception de ceux requérant l'usage de l'eau potable.
L'eau de pluie doit être obligatoirement collectée en aval de toitures dites inaccessibles, à l'exclusion des eaux collectées sur d'autres surfaces.
Le propriétaire d'une installation dont l'eau de pluie récupérée et utilisée est rejetée au réseau d'assainissement collectif doit effectuer une déclaration en mairie.
Le service public de distribution d'eau potable peut procéder au contrôle de l'installation. L'abonné est tenu de laisser l'accès de sa propriété aux agents chargés du contrôle dans les conditions prévues par le règlement de service (arrêté du 17 décembre 2008 relatif au contrôle des installations).
Les utilisations interdites dans le bâtiment sont :
- la consommation humaine (boire de l'eau de pluie)
- l'hygiène corporelle
- la préparation des aliments
- le lavage de la vaisselle
Les bâtiments suivants ne peuvent récupérer l'eau de pluie :
- établissements de santé et établissements sociaux et médicaux-sociaux d'hébergement de personnes âgées
- les cabinets médicaux, dentaires, et laboratoires d'analyses médicales ainsi que les établissements de transfusion sanguine
- les écoles maternelles et élémentaires ainsi que les crèches
2°/ Schéma d'installation
3°/ Mettre en œuvre une installation de récupération d'eau de pluie
Collecter l'eau de pluie
Comme dit précédemment l'eau de pluie doit provenir de terrasses inaccessibles et cheminer via des réseaux d'écoulements conformes aux DTU 40.5 (chéneaux et gouttières) et DTU 60.11 (DTU de plomberie, pente collecteurs horizontaux recommandée supérieure à 2%, ….)
Filtrer l'eau de pluie
Pour cela une crapaudine équipera chaque partie haute de tuyaux de descente allant vers le stockage d'eau de pluie. Si l'eau de pluie est récupérée pour un usage à l'intérieur du bâtiment, un filtre avec maille inférieure ou égale à 1mm doit être mis en œuvre avant le stockage d'eau de pluie. Si l'eau de pluie n'est utilisée qu'à l'extérieur, alors un simple filtre est tout de même recommandé afin de réduire la formation de dépôt. Tout dispositif de filtration peut être intégré à la cuve de stockage et doit être dans tous les cas accessible de façon à permettre son entretien.
Stocker l'eau de pluie
Stocker l'eau de pluie ne s'improvise pas dans n'importe quelle cuve. Il faut bien naturellement que la cuve soit prévue à cet effet. C'est à dire qu'elle soit fabriquée en matériau neutre, étanche et non translucide, tel que béton, PVC, polyester, acier protégé, …Il faudra que l'arrivée d'eau de pluie s'effectue par le bas de la cuve. Que la cuve soit facilement nettoyable, qu'elle soit munie de grillage anti-insectes,... Si la cuve est raccordée via un trop plein au réseau d'assainissement public, alors un clapet anti-retour sera prévu pour éviter tout reflux.
4°/ Zoom sur le stockage d'eau de pluie
Le volume de la cuve d'eau de pluie sera à minima dimensionné pour répondre à trois ou quatre semaines de besoins. Encore faut-il bien définir ceux-ci. S'agit-il des toilettes, du lavage extérieur, de l'arrosage ? Cela dépend du comportement et choix des usagers. Et seules des statistiques de consommations mensuelles pourront donner l'indication du stockage à prévoir.
A titre d'information un Français consomme en moyenne entre 120 et 225 m³ d'eau par an et par personne (source Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable et Cemagref).
En moyenne, prenons 200 litres/jour, soit dans le mois 200 x 30 jours = 6 000 litres/personne
Si l'on considère que la récupération d'eau de pluie économisera 30% d'eau et que cela s'applique à une maison de 4 personnes : 6 x 30% x 4 = 7.2 m³
Néanmoins, nous pouvons estimer la quantité d'eau récupérable dans l'année avec la formule suivante :
V annuelle (litres) = P x S x Kt x Kf
- P = Précipitation (annuelle en mm)
- S = Surface (projection horizontale, en m²)
- Kt = coefficient qui dépend du type de toiture (0.9 en pente en ardoise ou tuile – 0.8, toit ondulé en pente – 0.6 toit terrasse plat)
- Kf = coefficient de filtration pris généralement à la valeur de 0.9
Les précipitations annuelles de la station météorologique de Paris-Montsouris (période de 1961-1990) donnent 641mm – (par comparaison, nous aurions 770 mm pour Nice et 1110 mm pour Brest).
Exemple avec un toit de 200 m² > V = 641 x 200 x 0.8 x 0.9 = 92304 litres/an ou 92.3 m³/an
Avec une valeur moyenne de 3 euros/m³, l'économie peut être ainsi évaluée à 277 euros/an si cette eau de pluie est récupérée.
5°/ Les deux précautions majeures pour la récupération d'eau de pluie
Une signalisation sans ambigüité
Les réseaux l'intérieur du bâtiment doivent être clairement signalés de façon explicite par un pictogramme « eau non potable », et ce partout tel que à l'entrée et sortie de vannes et des appareils, aux passages des murs, à côté de chaque point de soutirage.
Un entretien régulier
Toute l'installation de récupération de l'eau de pluie doit être entretenue régulièrement.
Il sera ainsi vérifié les prestations du tableau suivant :
Élément du système |
Surveillance | Périodicité de la surveillance |
Entretien | Périodicité de l'entretien |
Chéneaux, gouttières
|
Vérifier l'écoulement |
6 mois | Nettoyage et |
12 mois (et lorsque nécessaire) |
Systèmes de filtration |
Vérifier l'écoulement |
6 mois | Nettoyage |
|
Cuve de stockage |
Vérifier l'étanchéité, le bon état général et la propreté |
6 mois | Vidange, nettoyage |
12 mois |
Disconnexion des |
Vérifier la conformité (le système est non inondable, la capacité d'évacuation de rejet est suffisante) et l'accessibilité |
6 mois | Selon préconisation du fabricant |
Selon
préconisation du fabricant |
Signalisation |
Vérifier la présence des pictogrammes « eau non potable » |
6 mois | Remettre |
Lorsque nécessaire |
Vannes et robinets |
Manoeuvre des vannes et robinets de soutirage |
12 mois | Remettre |
|
Clapet anti-retour |
Vérifier l'écoulement et l'efficacité |
6 mois | Remettre |
Véronique Bertrand Consultante en énergétique
Véronique Bertrand est ingénieur consultante en énergétique et travaille en amont des projets, de la phase programmation aux cahiers des charges. Elle rédige également des chroniques techniques tous les mois sur www.climamaison.com.
→ SOURCES
- Guide bonnes pratiques du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer
→ LIENS UTILES
Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments
Arrêté du 21 août 2008
En téléchargement libre :
Guide de bonne pratique du Ministère
document OCDE sur les consommations mondiales d'eau par habitant
→ AUTRES CHRONIQUES DE VERONIQUE BERTRAND
Le nettoyage de la cuve d'eau de pluie et l'entretien de l'installation sont effectivement importants pour que l'eau reste de bonne qualité. Quelques conseils supplémentaires ici : http://www.cieleo.com/blog/index/billet/5087_nettoyage-cuve-eau-pluie