Par Jean-Pascal ROCHE - ingénieur énergéticien spécialisé dans les concepts HQE®.
La simulation thermique dynamique est de plus en plus souvent demandée dans les programmes de projets de construction et est considérée parfois comme une fin en soi. Pourtant, il s’agit bien d’un outil au service de la conception qui peut apporter de multiples indications aux concepteurs et aux maîtres d’ouvrages.
Comme tout outil, la simulation thermique dynamique présente des limites et des domaines d'application qu’il est important de connaître pour l’exploiter dans des conditions optimales. Après avoir examiné les différentes étapes d'un calcul de simulation thermique dynamique, nous décrirons certaines de ces limites et les applications possibles des outils de simulation thermique dynamique.
Les grandes étapes d'un calcul de simulation thermique dynamique
Le principe d'un calcul de simulation thermique dynamique d’un bâtiment consiste à étudier sur une année entière ou sur une période définie d’au moins quelques jours, au pas de temps horaire ou à un pas de temps inférieur, le comportement thermique d’un bâtiment, soit uniquement de son enveloppe, soit avec des systèmes techniques. Ce calcul tient compte de tous les paramètres influant sur le bilan thermique : apports internes et externes, inertie du bâtiment, transmission à travers les parois, …
Pour cela, la plupart des outils disponibles proposent une saisie en 3D de l’enveloppe du bâtiment intégrant toutes les parois opaques et vitrées, ainsi que différents éléments de modénature et de protections solaires.
Exemple de modélisation 3D d’un bâtiment
Les différentes parois constituant l’enveloppe du bâtiment, mais aussi les parois internes de séparation entre locaux sont décrites dans toutes leurs caractéristiques thermiques, voire hygrothermiques, qui sont au moins les trois suivantes :
- λ : conductivité thermique
- ρ : masse volumique
- Cp : capacité calorifique
Ces trois caractéristiques sont décrites pour chaque couche de chaque paroi et chaque paroi est ainsi définie. C’est l’ensemble de ces paramètres qui influe sur le bilan qui est fait de façon dynamique.
Le bâtiment est plongé dans un climat qui est décrit d’une part sous la forme d’une position longitude-latitude qui permet à un algorithme solaire de calculer les incidences du soleil à chaque moment de la période de calcul, et d’autre part par des données météorologiques décrivant heure par heure et sur la période de calcul les sollicitations thermiques extérieures, qui sont au moins température extérieure, rayonnement solaire direct et rayonnement solaire diffus, et qui peuvent être sur certains outils, l’humidité relative, la vitesse et la direction du vent.
La sélection et la pertinence de ces données météorologiques est un point crucial de l’analyse en simulation thermique dynamique, qui est malheureusement souvent négligé.
Le bâtiment est ensuite décrit de façon plus fine dans ses usages.
Pour cela, l’hypothèse de base de simulation thermique dynamique consiste à utiliser des zones dites thermiquement homogènes. Les différents locaux (voire parties de locaux) constituant le bâtiment sont regroupés au sein de zones thermiquement homogènes : on entend par zones thermiquement homogènes, des zones qui sont soumises aux mêmes sollicitations thermiques ou à des sollicitations thermiques équivalentes que ce soit par des apports internes, par des transmissions au travers des parois ou par des apports solaires.
La définition de ces zones influe d’une part sur la complexité du calcul et donc indirectement sur sa fiabilité, et d’autre part sur la finesse du résultat qu’on peut en attendre. C’est un élément important dans la précision du calcul et que le concepteur doit habilement mener.
Au sein de chaque zone thermique définie, le concepteur va décrire, en général au pas temps horaire, les apports internes qui ont lieu dans chaque zone.
Les apports sont les suivants :
- Apport d’énergie par l’éclairage artificiel
- Apport d’énergie sous forme sensible et dans certains cas également sous forme latente (quand les logiciels le prennent en compte) des occupants
- Apports sensibles et éventuellement latents des équipements.
L’ensemble de ces apports est saisi heure par heure sur des plannings types. Par exemple, pour une occupation de bureau d'une personne, on pourra saisir des dégagements de chaleur correspondant à une personne de 8h à 12h puis de 14h à 18h, le dégagement de chaleur correspondant à un ordinateur individuel, et des dégagements de chaleurs correspondant à l’éclairage, ces dégagements pouvant varier en fonction de la luminosité extérieure.
La pertinence de ces données conditionne évidement le résultat obtenu, et un bon nombre de ces données échappe à la maîtrise du concepteur. Il est ainsi primordial qu’elles puissent être présentées de façon claire et facilement compréhensible au maître d’ouvrage, voire s’ils sont connus aux utilisateurs, de façon à ce qu’ils puissent se prononcer et valider les hypothèses d’occupation pour assurer la pertinence de l’analyse.
Pour la plupart des analyses, ces saisies permettent de mener l’analyse sur le comportement thermique en hiver et/ou en été du bâti. Pour certains types d’analyse et avec certains outils, une description des systèmes vient s’ajouter à cette description du bâti, cette description des systèmes pouvant être plus ou moins fine selon les outils.
Une fois ces paramétrages effectués, un calcul est prêt à être lancé et interprété.
Les applications de simulation thermique dynamique
L'application la plus courante consiste en l'analyse du confort thermique d'été en l'absence de climatisation. Pour cela il est fréquent que les programmes indiquent un certain nombre d'heures de dépassement d'une température seuil assez, souvent de 28°. D'autres méthodes peuvent être utilisées. La plupart des outils sur le marché permettent de réaliser ce type d'analyses en tenant compte de la température opérative qui dépend de la température de l'air dans la zone et de la température moyenne des parois.
Identification des périodes de dépassement d’un seuil
Une autre application de la simulation thermique dynamique est la quantification de besoins de chaud pour le chauffage voire de froid en présence d'un système de rafraîchissement actif, de façon à étudier les conséquences de différentes solutions techniques sur l'enveloppe.
Enfin, parmi les applications courantes, on trouve moins fréquemment l'estimation de consommation prévisionnelle réaliste qui nécessite de mettre en œuvre des moteurs de calcul tenant compte de façon affinée des systèmes techniques, des systèmes de ventilation, ou des systèmes d'émission de chaud et de froid, voire de distribution et de production …
Modélisation d’un système technique
Quelques limites de simulation thermique dynamique
Une première limite des outils de simulation thermique dynamique consiste dans la validation des données d'entrée. La plupart des outils distribués sur le marché sont en effet validés au travers de travaux de recherche soit en comparaison avec des cellules tests, soit en comparaison entre logiciels. La robustesse des données de sortie dépend plus de la pertinence des données d'entrée que du logiciel utilisé. Parmi les hypothèses particulièrement délicates à valider et à obtenir, les données météorologiques sont importantes. Leur sélection demande de se projeter sur l'analyse qui va être faite : il n'existe pas de fichier météorologique idéal. En fonction de l'analyse qui doit être menée, une sélection des données météorologiques pertinentes à utiliser doit être effectuée.
Par exemple, si l'ambition du calcul par simulation thermique dynamique est d'établir un bilan prévisionnel de consommation réaliste, on s'attachera à sélectionner un fichier météorologique qui corresponde à une moyenne des années précédentes.
En revanche, si l'objet est d'étudier les conditions de confort d'été en absence de climatisation, la sélection d'un été légèrement plus chaud qu’un été moyen des 10/15 dernières années, voire dans certains cas d'un été extrême comme l'a été l'été de 2003, peut parfois s'avérer utile. Il existe plusieurs sources de données météorologiques plus ou moins fiables et d'origine mesurée ou extrapolée à partir de moyennes.
Une autre limite des calculs simulation thermique dynamique réside dans les hypothèses de base de ce type de calcul qui est du modèle zone.
En effet, on considère qu’une zone représente la plupart du temps un local ou un groupement de locaux définis par une température d'air unique quelle que soit la position à l'intérieur de cette zone. Par conséquent on ne tient pas compte des phénomènes de stratification à l'intérieur d'une zone ni des phénomènes convectifs localisés qui pourraient avoir lieu suite à un échauffement sur une paroi par exemple. Cette limite pose de véritables difficultés lorsqu’on est amené à modéliser des volumes importants type atrium.
La modélisation des transferts d'air entre des zones et l'extérieur et / ou entre zones est un élément délicat. Dans la plupart des logiciels, les transferts d'air sont définis comme des saisies par l'utilisateur et doivent être définies au préalable. Cette façon de procéder ferme la porte à la modélisation des phénomènes aléatoires et non prévisibles tel que la ventilation naturelle par l'ouverture des fenêtres ou des transferts d'air par convection naturelle, comme par exemple dans un atrium. Certains logiciels disposent d'algorithmes simplifiés de calcul de transfert d’air entre zones et / ou entre zones et l'extérieur.
Evolution de débit de ventilation naturelle modélisé par un algorithme simplifié
Exemple concret de projet STD et résultats
Bâtiment de bureaux à Avignon - Hamadryade
Bâtiment de bureaux à faible consommation énergétique, climatisé, doté d’une ventilation naturelle nocturne
Surface de plancher : 2750 m² par bâtiment (3 bâtiments identiques)
Nom de l’opération : Hamadryade
Maître d’ouvrage : Citadis
Architecte : Fradin Weck Architecture
Une analyse paramétrique sur quelques bureaux type a permis d’identifier dès la phase esquisse les caractéristiques d’enveloppe permettant de minimiser les besoins de chaud, froid et d’éclairage.
Les différentes études paramétriques ont permis de tirer des conclusions sur des éléments structurants du parti architectural et de la performance thermique :
- La hauteur d’allège et la dimension des vitrages sud
- La dimension de la casquette de la façade sud
- La dimension des vitrages nord
- La dimension des ouvrants de ventilation naturelle nocturne
Exemple de synthèse de résultat d’étude paramétrique : en réduisant la largeur des vitrages au sud, les besoins de chauffage augmentent (pertes d’apports gratuits), mais ce poste demeure minoritaire. Les besoins d’éclairage augmentent également, tandis que les besoins de climatisation diminuent de façon importante. Au global, l’optimum se situe à 1.5 m de largeur vitrée. En-deçà, l’augmentation des besoins d’éclairage compense la diminution des besoins de froid.
En phase APD, une modélisation complète du bâtiment a été menée, permettant d’analyser le comportement thermique du projet, et de réaliser bilan global de consommations prévisionnelles.
Plusieurs types d’analyse peuvent être menés :
Détail sur des journées type :
Pour cette journée froide et ensoleillée d’hier (février), même si la température extérieure est basse (2-3°C), les apports solaires importants et les apports internes suffisent à maintenir le bureau en confort sans chauffage la journée. Les appels de puissance calorifique se font le soir après le coucher du soleil, la nuit pour le maintien du réduit (ici à 18°C) puis le matin lors de la relance de chauffage et de ventilation, jusqu’au lever du soleil.
Analyse globale des postes de consommations :
Le travail de maîtrise des besoins de chaud et de froid permet de réduire les postes afférents à 18% du bilan global, y compris les auxiliaires de ventilation. Avec les hypothèses prises, le poste bureautique est le premier consommateur du bâtiment.
L’éclairage est un poste significatif, avec 22% des consommations.
Cette analyse a permis de mettre en évidence l’enjeu énergétique important sur le poste éclairage, qui a conduit, en PRO, à une optimisation des puissances installées, pour un gain de 7kW.h/m².an en énergie primaire.
Conclusion
Quelle que soit l'application, la simulation thermique dynamique peut être un outil au service du projet et permettant au concepteur d'optimiser des choix techniques dans le but d'atteindre un objectif qui doit être précisément explicité à l'avance. Pour cela, il est important que le calcul puisse être fait dès les phases amont, parfois dès l’esquisse, plus fréquemment en APS (Avant-Projet Sommaire) , sachant que plus le calcul sera fait tardivement dans l'étude de conception et moins il va pouvoir avoir d'impact sur la performance du bâtiment (dans la mesure où beaucoup de choix auront été figés en l'absence de cet éclairage particulier).
Pour réussir une simulation thermique dynamique, il faut que la personne en charge du calcul soit au fait du projet, qu'elle soit formée sur l'outil de façon à pouvoir l'utiliser de façon correcte en fonction de la question posée. Il faut aussi que le maître d'ouvrage explique très clairement les conditions d'occupation du bâtiment et valide des hypothèses de fonctionnement. Pour cela, il est important que les hypothèses soient explicitées par un technicien de façon claire et intelligible. De même, les objectifs de la simulation thermique dynamique doivent être précisément définis : il faut bien garder à l'esprit que la simulation thermique dynamique est un outil permettant de répondre à une question posée, en lien avec la qualité technique et énergétique du projet. C’est à cette condition que la simulation thermique dynamique peut-être un outil au service du projet.
Par Jean-Pascal ROCHE du Bet ADRET
J.P. ROCHE est ingénieur énergéticien spécialisé dans les concepts HQE®. Il intervient sur le territoire national dans les programmes tertiaire et résidentiel en assistance à Maîtrise d'Ouvrage et maîtrise d'œuvre - www.adret.net
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Très bon article! C'est très concis et très clair