Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 28 Novembre 2022
Réglementation et Responsabilité Elargie des Producteurs (ou REP) des produits et matériaux de construction du bâtiment … La loi Agec propulse industriels et entreprises de bâtiment dans une nouvelle ère où des notions environnementales complexes vont certainement chambouler les pratiques traditionnelles de la filière.
Chaque année, les chantiers de bâtiment produisent quelque 42 millions de tonnes de déchets. La loi Agec les fait entrer dans une économie circulaire
C’est l’aboutissement d’une démarche engagée au début des années 90 (1990) : le traitement des déchets de chantier. Depuis cette décennie, au fil des ans, la filière bâtiment a pratiquement tout testé, de la déconstruction sélective des ouvrages anciens aux formules de valorisation de certains produits – généralement des déchets inertes – ainsi que l’organisation de centre de tri ou la mise en décharge.
Si le principe pollueur-payeur s’applique en France depuis 1975, c’est depuis 1993 que les pouvoirs publics ont commencé, avec les emballages, à l’appliquer largement auprès du grand public par l’organisation du tri, de la récupération et de la valorisation. Depuis, de nombreuses autres filières se sont créées, qu’elles soient dédiées aux professionnels ou ouvertes aux particuliers.
Au cours des 30 dernières années, les pouvoirs publics ont intensifié les mesures pour réduire les pollutions. Le bâtiment est maintenant engagé dans cette démarche
Cependant, celle concernant les déchets de matériaux et produits du bâtiment présente un profil tout différent. Sa première particularité est sa dimension : elle porte sur la plus importante masse de déchet au regard de son secteur d’activité : 40 à 42 millions de tonnes annuels, selon le rapport de préfiguration de l’Ademe paru en 2021 et les précisions sur le site du ministère de la Transition écologique.
Cette masse de déchets comprend des matières inertes et minérales – du béton – des matériaux synthétiques – toutes sortes de plastiques – des produits complexes – du bois traité – et des produits dangereux – de l’amiante, … À noter que ce volume s’entend hors terres excavées, outils et équipements techniques industriels, monuments funéraires et … matériaux issus des installations nucléaires de base. Il faut aussi rapporter ce chiffre à celui des produits et équipements mis en œuvre dans le même temps, soit environ 115 millions de tonnes.
Le bâtiment est confronté à un très large spectre de déchets. La filière mène des recherches sur leur traitement depuis plusieurs décennies
Réglementation REP, applicable dès Janvier prochain
Rappel historique et réglementaire. La Responsabilité Elargie des Producteurs des produits et matériaux de construction du bâtiment – REP PMCB pour les diners en ville – a été instituée par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 Février 2020 (parue au JO le 11), connue sous l’acronyme Agec. Le bâtiment n’est qu’un des multiples domaines concernés par ce texte ; on y trouve notamment la transposition des textes européens sur la lutte contre la pollution des plastiques …
Initialement, ce texte fixait au 1ᵉʳ Janvier 2022 la mise en place de cette gestion globale des déchets de chantier du bâtiment. De crise sanitaire en crise de la construction, l’échéance a été reportée au 1ᵉʳ Janvier 2023.
La philosophie de la loi Agec consiste concrètement à introduire de nouvelles méthodes de travail pour l’ensemble de la filière bâtiment. Ses buts sont tout à la fois d’éviter les dépôts sauvages – et même d’organiser leur résorption – et de créer une nouvelle économie autour des déchets de bâtiment. Car très clairement, elle demande aux producteurs de matériaux et de systèmes d’adopter une démarche d’écoconception des produits, de favoriser l’allongement de leur durée de vie, leur réparabilité et de permettre leur réemploi. Elle pose une borne sur le chemin très escarpé de l’économie circulaire dans ce secteur depuis longtemps marqué par des cycles de construction, démolition et reconstruction à neuf.
L’Environnement au milieu du chantier, cela va changer !
Plus directement, à partir de Janvier 2023, cette loi va profondément modifier les chantiers. Aux fournisseurs de matériaux et produits de construction, il est demandé d’incorporer une part de matière première recyclée dans leur produit ; en fin de vie, les produits doivent pouvoir intégrer une filière de recyclage ; ils peuvent assurer eux-mêmes la reprise sans frais des produits en fin de vie et la gestion de leur traitement, mais la loi leur demande plutôt de mettre en place collectivement des éco-organismes financés par une contribution afin de gérer les déchets en fin de vie.
Pour les entreprises de bâtiment, tous lots confondus, la gestion des déchets en fin de vie sera le point crucial de l’application de la loi Agec. Cette dernière précise (article 106) que les devis de travaux de construction, rénovation ou démolition mentionneront « les modalités d’enlèvement et de gestion des déchets générés par les travaux ainsi que les coûts associés. » Le texte indique que le devis précisera l’organisation de la collecte des déchets. Obligatoirement triés en sept catégories – bois, métaux, plastique, papier et carton, verre, plâtre et fractions minérales, ils seront dirigés vers des points de reprise.
Quatre éco-organismes pour gérer une nouvelle économie circulaire
Pour le moment, les industriels sont parvenus à constituer quatre éco-organismes d’ores et déjà agréés : Valobat, Ecominero, EcoMaison (aussi nommé Eco-Mobilier) et Valdelia.
Chacun affiche des secteurs spécifiques de traitement – des déchets inertes aux déchets d’aménagement –, certains affirmant une volonté d’aider plus particulièrement les petites entreprises.Toutes ces nouvelles structures affichent actuellement leurs arguments sur internet ; elles sont en pleine campagne d’adhésion auprès des fournisseurs de produits de construction et entreprises du bâtiment confrontés à cette nouvelle mission sur les chantiers.
Les éco-organismes se voient attribués les lourdes missions d’organisation de la gestion des déchets et de la résorption des dépôts sauvages
Dans quelques semaines, elles deviendront les chefs d’orchestre de la gestion des déchets. À elles, reviendra d’assurer la couverture de la totalité des coûts de collecte et de tri des opérateurs de gestion de déchets. De plus, la loi leur demande de mailler le territoire de points de reprise en se coordonnant avec les collectivités territoriales et les opérateurs de ces installations : la maille préconisée dans le décret du 31 Décembre 2021 est de 10 à 20 km. Les choses se construiront au fil du temps. Enfin, ces éco-organismes sont chargés d’assurer des taux de collecte fixés par arrêté, ainsi que de la traçabilité des déchets.
En construction depuis des mois, cette énorme filière souffre actuellement d’un blocage important : l’absence d’avis officiel sur la liste des produits soumis à écocontribution, outil indispensable aux fournisseurs pour facturer les entreprises qui les achèteront. Pour autant, pour tous les acteurs de la construction, 2023 constituera le banc-test du fonctionnement de ce nouveau rouage que les dérives pourraient rapidement transformer en bouc émissaire dans cette période d’activité chahutée.
Liens recommandés
* La loi Agec - Cliquez ici
* Décret N°2021-1941 du 31 Décembre 2021 relatif à la responsabilité élargie des producteurs pour les produits et les matériaux de construction du secteur du bâtiment - Cliquez ici
* L’arrêté « cahier des charges » des éco-organismes de la filière REP des produits et métériaux de construction du secteur du bâtiment - Cliquez ici
Les éco-organismes déjà agréés
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.
Madame,
Je vous remercie de votre intérêt pour cet article.