Par Philippe NUNES - Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d'XPAIR
Au-delà des principes de cette forme de géothermie eau de mer/eau tempérée, traités en partie 1, voici en complément quelques indications utiles au choix des matériaux et équipements, ainsi qu'une analyse énergétique démontrant tout l'intérêt d'une telle solution thermodynamique.
Rappel : cette présentation s'effectue en 2 parties :
- Partie 1 : pompe à chaleur sur eau de mer ou géothermie eau de mer
- Partie 2 : concevoir une installation de pompe à chaleur sur eau de mer
Le circuit primaire eau de mer : principe de conception
DEBITS ET VITESSES DE PRELEVEMENT
Outre les données de températures évoquées chapitre précédent, les débits et vitesses de passage sont importants pour assurer un fonctionnement fiable dans le temps.
Dans le cas d’une chambre de décantation (rappel, cas d’un environnement pollué ou hétérogène en M.E.S), le tube de communication avec le milieu marin doit avoir un diamètre surdimensionné de préférence non inférieur à un diamètre de 350 mm. Pour les tronçons courts, on optera dans la mesure du possible pour des diamètres permettant l’accès à la visite humaine, soit des buses de diamètre 800 mm, voire 1 200 mm.
Installation d'un tube de captage eau de mer - Diamètre PE 1200 mm
La vitesse dans ces tubes de communication doit être relativement faible eu égard au phénomène de décantation naturelle à octroyer au tube avec une pente importante non inférieure à 5%.
On préférera quant à la forme, des tubes de captage “plongeant“ vers le bas plutôt qu’à l’horizontal.
Après les ouvrages de décantation et de tranquillisation, les vitesses de prélèvement sont alors plus proches des vitesses habituelles de calculs pour des installations hydrauliques en tenant compte du critère de pertes de charges 10 mm CE/ml et de vitesses comprises entre 1 et 1,5 m/s.
A noter que les pompages sont rarement réduits à 1 seule pompe simplement pour des problèmes de sécurité de pompage. Dans ce cas, il est nécessaire d’opérer très souvent à la permutation des pompes manuellement ou automatiquement pour éviter le plus possible la stagnation de l’eau dans les tubes du réseau de pompage.
LES MATERIAUX
Le circuit eau de mer doit être réalisé le plus possible avec des matériaux inaltérables, incorrodables. Les matières plastiques comme le PEHD (polyéthylène haute densité) ou le PVC (polychlorure de vinyle) sont idéales pour la réalisation des réseaux eau de mer, tubes et robinetteries compris.
A noter que pour les tubes de communication vers les chambres de décantation, des tubes acier de forte épaisseur peuvent également être utilisés (ne possédant pas l’inconvénient de flotter comme le PEHD et résistant mieux aux chocs). La corrosion s’installera certes, mais très progressivement dans le temps donnant une durée de vie supérieure à plusieurs dizaines d’années.
Les tubes en matériau ciment comme les réseaux BONNA sont également préconisés dans des environnements où la mer est agitée et où le tube est partiellement recouvert par la houle (l’acier provoquerait une oxydation superficielle plus importante et plus active).
Pour le circuit de pompage, certains équipements comme les pompes, les échangeurs proviennent, sauf cas exceptionnel, de l’industrie chimique et sont notamment composés de matériaux métalliques et non plastiques.
Les matériaux de sélection et recommandés sont :
- Pour les pré-filtres de pompes : Inox AISI 316 TI
- Pour les filtres fins bicouches : Résine polyester
- Pour les pompes eau de mer : Inox
- Pour les échangeurs eau de mer : Titane
LES EQUIPEMENTS
Les équipements principaux d’un circuit d’échange sur eau de mer sont :
- Les pompes eau de mer :
Les pompes eau de mer sont à positionner pour un fonctionnement fiable sous le niveau de la mer. Dans le cas contraire, il est recommandé de ne pas dépasser 1 ou 2 mètres au-dessus du niveau de la mer pour positionner des pompes qui devront être sélectionnées précisément avec le constructeur (vérification NPSH, pompes auto-armorçantes).
Les pompes doivent être de constitution robuste et seront sélectionnées dans des gammes chez les constructeurs répondant à des relevages de produits chimiques agressifs, organiques et inorganiques, et bien entendu à l’eau de mer.
La partie hydraulique est dans le cas général réalisée en inox. La qualité de l’inox doit être contrôlée et fait partie de l’engagement du constructeur. Une garantie de 2 ans doit être proposée avec un contrôle du constructeur par ses services techniques à la fin de la première année de fonctionnement.
- Les échangeurs eau de mer :
Les rendements optimums s’obtiennent avec des échangeurs à plaques qui offrent le maximum de surface d’échange.
Les plaques et collecteurs doivent être de conception robuste, résistant à l’agressivité de l’eau de mer et réalisés en matériau titane.
La sélection thermique déterminant le nombre de plaques doit s’effectuer avec les deux bilans de puissances été et hiver et les régimes de températures correspondants.
Par exemple, un bilan de puissance de 1 600 kW été et 900 kW hiver avec des régimes de températures :
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160 m³/h |
22/28°C été |
15/9°C hiver |
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160 m³/h |
24/30°C été |
14/8°C hiver |
implique une sélection sur la base du régime hiver
- Les filtres :
La filtration après décantation ou pompage direct dans une zone tranquillisée est indispensable pour la protection du réseau eau de mer et de ses équipements.
Dans le cas d’un pompage d’une eau relativement propre et stable, exemple : pompage à -20 mètres, une filtration avec pré-filtre ou crépine en amont des pompes, équipée d’une maille de 1 mm est recommandée eu égard à la distance entre les plaques échangeur qui est de l’ordre de 4 mm.
En revanche, dans le cas d’un pompage dans une eau plus polluée et moins stable en température et turbidité, exemple : pompage dans un port, une double filtration est recommandée :
- 1 pré-filtration en amont des pompes avec maille de 3 mm.
- 1 filtration fine avec filtres automatiques bicouches, sable + anthracite
Installation 4 tubes avec groupes frigorifiques/PAC "puisant" sur la boucle eau réfrigérée.
RAPPEL DU CONCEPT TECHNIQUE ET ENERGETIQUE
Le concept technique consiste à partir d’une station de pompage et d’échange sur eau de mer, à véhiculer une eau tempérée dans des canalisations vers une utilisation de chauffage et de climatisation.
Cette boucle représentant, les températures d’eau de mer aux pincements près des échangeurs, permet de “capter“ les frigories dégagées en hiver et les calories en été.
Tout au long de l’année, et notamment en intersaisons, la simultanéité des productions de chauffage et de froid provoque un mélange et un “auto-équilibre“ en terme d’échange thermique. L’apport d’énergie de l’eau de mer n’est ainsi que sollicité que lorsque la boucle dépasse une limite de température haute ou basse.
Chaque entité, chaque utilisateur, peut être raccordé sur cette boucle qui permet une flexibilité totale en termes de raccordement : nombre de raccordements totalement libre, progressivité des raccordements au rythme des travaux.
Le concept minimum en termes d’investissement consiste à limiter la prestation au pied des immeubles dans un local technique “production de chaud et de froid“, avec un ou deux échangeurs, selon que l’on désire une production de chaud et de froid simultanée ou non.
Ainsi, nous mettons à disposition un mode de raccordement des productions thermodynamiques sur un fluide tempéré en substitution de l’air communément présent dans l’environnement. La différence se démontrant déjà en termes de performances énergétiques et d’intégration dans le contexte de l’architecture et de l’environnement.
Cette première approche technique met en valeur la nécessité de s’orienter de préférence vers un système “4 tubes“ pour des entités tertiaires (bureaux ou commerces), où les besoins de chaud et de froid peuvent être simultanés et, vers un système “2 tubes“ pour des entités type logements, où la notion de confort n’est pas aussi sensible que dans une surface à usage professionnel.
En fait, de nombreuses solutions de confort sont intégrables avec ce concept.
Citons par exemple :
- Le concept 2 tubes / 2 fils, adapté en particulier à des commerces avec très peu de besoins de chauffage. Exemple : un pressing, ou à des bureaux avec de fortes charges internes, informatique par exemple.
- La distribution d’eau chaude uniquement pour un chauffage statique bitube adapté certainement pour une partie de logements non climatisés.
Les derniers progrès des machines thermodynamiques autorisent à ces dernières d’atteindre des températures d’eau chaude de 60°C sans difficulté.
Sur la base d’un confort 4 saisons, il est intéressant de comparer les performances des deux technologies possibles :
* P.A.C. sur boucle d’eau (P.A.C. Eau / Eau); cas de la boucle à eau tempérée
* P.A.C. sur air extérieur (P.A.C. Air / Eau)
Avec une différence importante concernant les P.A.C. sur air, dans le sens où elles ne peuvent produire simultanément du chauffage et du froid, alors qu’une machine P.A.C. sur eau produisant une quantité de froid fournit obligatoirement une quantité de chaleur dans un rapport de + 40 %.
De cet avantage se décline une série d’autres avantages comme la réduction des contraintes techniques (dimensions des locaux techniques réduits, moins de nuisances acoustiques, ...) mais surtout un avantage intéressant de RECUPERATION DE CHALEUR GRATUITE, qui peut être utilisé dans le bâtiment avant d’être évacué, si surplus il y a, dans la boucle d’eau.
De plus, pour des opérations ayant des besoins en climatisation, au-delà de la récupération de frigories en été (gratuites de part le fonctionnement en mode pompe à chaleur), les rendements EER (Energy Efficiency Rate) est d'autant plus élevé en mode eau/eau avec des températures d'eau tempérée aux niveaux des condenseurs.
COÛT D’EXPLOITATION PREVISIONNEL
A titre de comparaison, notons déjà les différences de COP énergétiques que nous avons entre les deux concepts P.A.C. Air/Eau et P.A.C. Eau/Eau; sous-entendu sur boucle d’eau tempérée.
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3, 40 |
2,10 |
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4,30 |
3,00 |
Dans le cas du concept sur échange eau de mer, nous bénéficions donc de la meilleure performance puisque les générateurs à connecter sur la boucle d’eau seront des P.A.C. Eau/Eau travaillant sur des COP élevés, sans nécessité de chaudières ni d’autres énergies.
L’installation trouve tout son avantage dans le cas d’une utilisation demandant de la climatisation en hiver et intersaisons. Ce qui est le cas dès que des affectations de type tertiaire font partie de l’opération (bureaux, commerces, hôtels, ...).
Dans ce cas, une récupération de chaleur gratuite se produit.
Gains non financiers non négligeables !
Les “gains non financiers“ sont loin d’être négligeables avec une installation basée sur une station d’échange sur eau de mer :
- Récupération de place pour les surfaces techniques dans les locaux utiles.
- Réduction des nuisances sonores, du fait que la production n’est pas située en toiture mais au rez-de-chaussée.
- Problème de légionellose réduit à zéro.
- Pas de panache de fumées ou de buées.
- Pas de contrainte visuelle architecturale comme les grilles que demanderaient des solutions P.A.C. Air/Eau.
- Confort maximum avec une production de froid ET de chaud simultanée.
- Plage de puissances très large dans la gamme Eau/Eau; les P.A.C. Air/Eau étant limitées à environ 300 kW froid !
Fait par Philippe NUNES
Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d'XPAIR, il intervient en apportant son éclairage et son expérience de plus de 20 ans dans les métiers du génie climatique et énergétique.
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SOURCES ET LIENS
Bonjour, je suis étudiant et nous avons un projet de réhabilitation d'une usine élévatoire de 800m2 . Nous aimerions utiliser ce système avec chauffage l'hiver et climatisation l'été. Pourriez vous me donner un ordre de grandeur approximatif pour le prix. Merci d'avance.