Par Anne-Sophie SEGUIS - Responsable efficacité énergétique à Cegibat
La nécessité d’aller vers une règlementation environnementale
Depuis 1974 et l’entrée en vigueur de la première réglementation thermique dans le bâtiment, les consommations énergétiques liées notamment au chauffage et à l’ECS ont été sensiblement réduites. Les concepteurs disposaient pour se faire de plusieurs leviers : meilleure conception des bâtiments pour valoriser les apports gratuits externes, isolation renforcée pour réduire les déperditions, recours à des systèmes performants et aux ENR pour limiter les consommations. Le label BBC et ensuite la RT 2012 ont été les points d’orgues de cette nouvelle façon de concevoir les bâtiments neufs très performants, qui en moyenne consomment 50kWhep/m²SRT.an (consommation conventionnelle).
Evolution des consommations unitaires des résidences principales par usage (kWh/logement/an), base 100 = 1990, 2011)
A l’inverse d’autres postes de consommation n’ont eux fait qu’augmenter, ainsi les consommations d’électricité spécifique ont bondi de 40% depuis 1990 (électricité immobilière (éclairage des communes, parking…), et mobilière (HIFI, électroménager).
En parallèle, la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), fixe des objectifs ambitieux à la fois sur les consommations énergétiques mais également sur les émissions de carbone, et introduit la notion de bâtiments « à faible empreinte carbone, construits en minimisant leur contribution aux émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie, de leur construction jusqu’à leur déconstruction ».
C’est pourquoi la prochaine règlementation, annoncée pour 2018, verra son périmètre élargi. Elle aura vocation en plus de maitriser les consommations d’énergie primaire en phase utilisation, de réduire les impacts environnementaux sur la durée de vie d’un bâtiment. La performance énergétique sera mesurée à l’aide de nouveaux indicateurs venant s’ajouter à ceux actuellement en place (Cep, Bbio, Tic).
Le référentiel Energie Carbone
La mise en place de cette nouvelle réglementation se fera de façon progressive, pour notamment permettre à la filière de s’adapter et monter en compétence sur de nouveaux enjeux.
La première étape, est la mise en place d’un référentiel (Référentiel Energie-Carbone pour les bâtiments neufs ), sur lequel est notamment adossé un label (Label Energie Carbone).
La mise en place du référentiel a différents objectifs : permettre à un maximum d’acteurs de se préparer à la future réglementation, c'est-à-dire monter en compétences à la fois sur le BEPOS et sur l’ACV, et développer des retours d’expérience pour préparer la future règlementation (faisabilité, soutenabilité…).
Pour ce dernier point, les pouvoirs publics ont mis en œuvre une gouvernance des acteurs de la construction autour d’un observatoire.
Pilotage de l'expérimentation ( Source: Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer / Ministère du Logement et de l’Habitat Durable.
Un site internet est mis à disposition des acteurs pour alimenter cet observatoire.
La méthodologie du référentiel
Le référentiel Energie-Carbone, permet d’évaluer la performance d’un bâtiment sous deux angles complémentaires : la performance énergétique (avec l’indicateur BEPOS) et la performance environnementale (avec pour le moment l’unique indicateur Eges = émission de gaz à effet de serre).
Il fixe des niveaux d’exigence sur ces deux critères, combinables entre eux.
3.1 - Le Bilan Energétique
Les objectifs recherchés au travers de l’exigence Bilan BEPOS (qui vient en complément des exigences de la RT 2012 (Cep, BBio)) sont : la réduction des consommations énergétiques non renouvelables en limitant les besoins énergétiques et/ou en augmentant le recours aux ENR. Le périmètre du bilan énergétique concerne les 5 usages RT et la consommation des autres usages énergétiques (usages mobiliers, ascenseurs, parkings, éclairage des parties communes).
Source: Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer / Ministère du Logement et de l’Habitat Durable.
Avec : Bilan BEPOS ≤ Bilan BEPOS max
Concernant la valorisation de la production locale d’électricité dans le cadre du bilan BEPOS du bâtiment, celle-ci se fait de deux façons selon que l’électricité est autoconsommée ou exportée sur le réseau. Lorsque l’électricité est autoconsommée, elle bénéficie d’un coefficient de conversion Ep de 2,58, à l’inverse seule l’électricité d’origine renouvelable peut être valorisée lorsqu’elle est exportée et ne bénéficie alors que d’un coefficient de 1. A l’exception des niveaux 3 et 4, pour lesquels l’électricité d’origine renouvelable exportée sur le réseau est affectée d’un facteur 2,58 pour les 10 premiers kWh/m².an d’énergie finale exportés, le reste étant valorisé à 1.
Temporairement, la production locale d’électricité sera calculée selon une méthode annuelle puis cette méthode sera remplacée, à terme, par une méthode au pas de temps horaire.
Concernant la consommation des autres usages spécifiques, elle sera calculée selon une méthode annuelle forfaitaire dans un premier temps puis calculée, à terme, au pas de temps horaire (en cours de développement).
En Synthèse,
Deux autres indicateurs font également leur apparition dans ce référentiel : le RER (Ration d’énergie renouvelable), introduit pour évaluer la part d’énergie renouvelables et de récupération, et l’indicateur de confort d’été le Dies (Durée d’inconfort d’été statistique). Aucune exigence ne leur est associée. A noter que ces indicateurs ne seront immédiatement calculables à court terme.
Il est à noter que toutes les exigences de la RT demeurent, les exigences du référentiel s’y ajoutant.
3.2 - Performance environnementale
Les objectifs recherchés au travers de l’évaluation de la performance environnementale des bâtiments sont : de réduire les impacts environnementaux du bâtiment, dont les émissions de gaz à effet de serre tout au long de son cycle de vie, et de capitaliser sur l’ensemble des impacts (CO2, eau, déchets…).
L’analyse de cycle de vie permet de prendre en compte la totalité des impacts environnementaux d’un bâtiment, et en s’appuyant sur une vision globale multicritères d’éviter les transferts d’impacts entre contributeurs.
Les indicateurs de la performance environnementale potentiellement calculables sont multiples (émissions de GES, destruction de la couche d’ozone, acidification, …).
La méthode détaillée du référentiel, permet leur calcul dans le détail, à l’inverse la méthode simplifiée se limite à certains d’entre eux. Cette méthode simplifiée permet notamment de calculer l’impact de certains lots du contributeur « Produit de construction et équipements » de façon forfaitaire. C' est notamment le cas du lot CVC (lot 8) pour lequel on manque encore de données environnementales.
Cette méthode simplifiée a vocation à disparaître au profit de la méthode détaillée.
Evaluation de la performance environnementale sur le cycle de vie du bâtiment
(Source: Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer / Ministère du Logement et de l’Habitat Durable)
Les différents indicateurs ACV sont calculés comme la somme des indicateurs environnementaux relatifs à quatre contributeurs : Produit de construction et équipements, Consommation d’énergie, Chantier et Consommation d’eau et ce sur le cycle de vie du bâtiment.
Le calcul de l’impact d’un composant, d’un service ou d’une consommation est réalisé en associant une donnée environnementale à une quantité précise.
Source : Référentiel Energie-Carbone - Méthode d'évaluation
Les données environnementales sont issues des déclarations environnementales sur les produits de construction, les équipements techniques et les services (mise à disposition de l’énergie, de l’eau, …)
Il existe différents niveaux de raffinement des données, notamment pour les produits de construction et les équipements : les données spécifiques (FDES et PEP), les données dites génériques élaborées par les pouvoirs publics, à utiliser en cas d’absence de PEP et enfin les forfaits (données conventionnelles, utilisables temporairement pour la méthode simplifiée sur certains lots). Avec la volonté à moyen terme d’aller vers les données les plus précises.
La seule exigence quantifiable fixée par le référentiel sur la performance environnementale du bâtiment concerne l’indicateur de potentiel de réchauffement climatique (Emission GES).
Deux niveaux d’exigence sont donnés : « Carbone 1 » et « Carbone 2 ».
Pour chacun de ces niveaux, deux seuils sont fixés :
- Egesmax : les émissions de GES maximales sur l’ensemble du cycle de vie
- EgesPCE,max : les émissions de GES maximales de l’ensemble des produits de construction et équipements du bâtiment.
Avec :
- Eges max,i = Ai + mi + Mpark
- EgesPCE,max,i = APCE,i + Mpark
Le label Energie-Carbone
La participation à l’expérimentation ne nécessite pas de certification. Par contre si un MOA souhaite obtenir le label Energie-carbone pour pouvoir communiquer dessus, il doit alors s’engager dans une démarche de certification (avec Cerqual, Cequami, Promotelec, Prestaterre, Certivea). L’attribution définitive du label par l’organisme ne peut ainsi intervenir qu’à l’issue du contrôle de conformité « phase chantier » et une fois toutes les non-conformités levées.
Par Anne-Sophie Seguis, Responsable efficacité énergétique à Cegibat
SOURCE ET LIEN
AUTRES CHRONIQUES des experts de GRDF CEGIBAT
- Chaudière gaz condensation et kit photovoltaïque : solution RT2012 et plus !
- Référence Bepos de 30 logements avec solution chaudières individuelles et PV
- 27 logements label BEPOS-Effinergie à Anglet (64)
- 17 maisons BEPOS : chaudière condensation au gaz naturel + solaire PV
- Vers le BEPOS et les bâtiments à haute performance environnementale
- Prix des énergies : principe et structure
- Le rooftop adiabatique, des performances mesurées
- Directive Eco-conception : rénovation des appareils gaz
- Retours d’expériences sur les installations de chaudière hybride
- Chaudière condensation et photovoltaïque, un couplage RT 2012
- Le CESI optimisé, des performances au rendez-vous !
- Pointe électrique française : instruments de maîtrise
- La pompe à chaleur gaz donne de solides résultats
- Deux PAC gaz et solaire : une référence instrumentée