L’empreinte écologique : approximations et réalités

Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019

Mis au point par le Fond Mondial pour la Nature (WWF), le critère de l’empreinte écologique  est d’abord un outil de communication. Sûrement pas un outil scientifique.


Cependant, la traduction globalisante de nos modes de vie et de leurs impacts sur notre planète est très efficace pour nous inciter à nous questionner. D’abord sur la méthode elle-même. Ensuite, sur ses résultats, même s’ils s’avèrent très approximatifs, voire tendancieux. Un article du Monde du 1er Octobre 2014 rédigé par Audrey Garric et au titre très provocateur « L’homme dévore 1,5 Terre par an » s’appuie sur la 10ème édition du très alarmant rapport biannuel de WWF « Planète vivante ».


Cette lecture aura nourrit mes humeurs. Les voici donc !

L’empreinte écologique : La méthode en trois mots

WWF a créé un mode d'évaluation environnementale basé sur le calcul de la pression exercée par les hommes envers les ressources naturelles et les « services écologiques » fournis par la nature. Cette pression est traduite en surfaces alimentaires productives de terres et d'eau nécessaires, d’une part, pour produire les ressources liées à toutes les consommations, et d’autre part, pour absorber les déchets générés, compte tenu du savoir-faire actuel. L’empreinte écologique est cette surface exprimée en « hectares globaux », hag, c´est-à-dire en hectares ayant une productivité égale à la productivité moyenne. Elle peut être estimée par individu.


Cette méthode est sujette à de vives critiques.


Par exemple, dans un récent article de la Tribune du 18/08/2014, Bjorn Lomborg, directeur du Copenhague Consensus Center, rappelle : « ce sont les émissions de CO2 qui font que notre empreinte écologique dépasse largement les superficies disponibles. Il est clair que convertir les émissions de CO2 en superficie terrestre n'est pas évident ».

Cette conversion consiste à calculer les surfaces de reboisement nécessaires à l’absorption du CO2 émis. Bjorn Lomborg précise : « l'option de la reforestation pour absorber le surplus de CO2 est certainement l'alternative la moins efficiente pour réduire le taux de CO2 » et « … chaque tonne de CO2 émise chaque année, c’est reboiser une surface de 2 000 m² pour l'absorber. Par contre, si nous optons pour les éoliennes et les panneaux solaires, il nous faudra seulement 30 m² de forêts, voire moins, pour éliminer une tonne de CO2 émis. Mieux encore, leurs installations ne nécessitent pas forcément la mobilisation de surfaces biologiquement productives, puisque les panneaux solaires peuvent être installés sur les toits ou dans un désert, et les éoliennes, au large des océans. Du coup, le calcul des 81% des hectares globaux planétaires pour absorber le CO2 actuellement émis, aboutirait à moins de 1% … ».


L’empreinte écologique est donc à utiliser avec beaucoup de prudence. Cependant, en tant qu’outil de comparaison, il peut amener à réfléchir.

La Terre est malade !

En substance, c’est le message que rappelle l’article du Monde. Outre la question de l’empreinte écologique, deux autres sujets d’inquiétude sont présentés :

  • L’indice « planète vivante »
  • L’indice « empreinte eau »

Le premier indice mesure l’évolution de la biodiversité. Le chiffre est brutal : un déclin de 52% des populations d’espèces sauvages de 1970 à 2010 dû à la déforestation, l’urbanisation, l’agriculture, la chasse et la pêche, …et le changement climatique.

Le deuxième indice exprime les volumes d’eau douce nécessaires à nos modes de vie. Les prélèvements dans les lacs, rivières, réservoirs, aquifères et l’eau de pluie sont utilisés à 92% pour l’agriculture. L’industrie et les usages domestiques ne représentent respectivement que 4,4% et 3,6%. Les pays à plus forte empreinte sont l’Inde, la Chine et les Etats-Unis, et ce, principalement parce que ces pays sont de gros exportateurs de biens très « aquavores ».


Résultat : 2,7 milliards d’habitants vivent dans des bassins fluviaux connaissant déjà au moins un mois de pénurie grave d’eau chaque année. Nous sommes 7 milliards d’individus. Nous serons environ 9 milliards en 2050 …


Avant de penser aux remèdes, revenons  à l’empreinte écologique.

L’empreinte écologique mondiale : des comparaisons surprenantes

Selon WWF, l’empreinte mondiale aurait atteint 18 milliards d’hectares globaux en 2010, soit 1,5 fois la biocapacité de la planète. La moitié de cette consommation de surface serait imputable aux émissions de CO2. Mais, ce chiffre est très discutable, comme évoqué précédemment.
En revanche, malgré ce défaut endémique, il n’est pas inintéressant de se pencher sur l’empreinte exprimée en hag par individu pays par pays. L’examen des chiffres 2010 est instructif.


Parmi les pays de plus de un million d’habitants, on trouve en tête et sans grande surprise, le Koweit >10, le Qatar =8,5, les Emirats Arabes Unis =7,7. Mais en 4ème position, … le Danemark =7,4 ! Puis, la Belgique =7,3, Singapour =7,1 et les USA =7  (là, et seulement là).
Mais ensuite : la Suède =6,5, le Canada =6,4, les Pays-Bas =6,3, l’Australie =6,3, l’Irlande =5,7, la Finlande =5,4, l’Autriche =5,3, la Suisse =5,1, puis la France =4,6.
Juste derrière, on trouve la Slovénie, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume Uni, l’Arabie Saoudite ( !), la Pologne, la Russie, l’Espagne, puis … le Japon <4.
En 2010, la Chine =2 était à peine au-dessus de la moyenne mondiale (1,7).
En 2014, elle a dû gagner quelques places dans ce palmarès.


Ainsi, malgré les défauts de cet indicateur, ces chiffres ne manquent pas de rappeler que les pays développés, même ceux qui sont dans une action environnementale très marquée et aux discours écologiques musclés, ont et auront du mal à se présenter comme des modèles à suivre.


Le pire étant que, la plupart des autres pays n’aspirent qu’à vivre comme nous ! Ceci est compréhensible et à la fois effrayant pour la planète.


La question du développement durable est une question durablement d’actualité. Il devient urgent d’être imaginatif, courageux et conscient que la mondialisation ne concerne pas uniquement la finance ou les marchés. Et faire comprendre à ceux qui tirent les ficelles que ces dernières risquent de lâcher et qu’il n’est plus question de se contenter du déni.


Reste à savoir si le Politique pourra influencer l’Economique. Ou si l’Economique sera en mesure, malgré le Politique, de s’adapter au paradigme de la préservation de la planète.

 

Bernard Sesolis
bernard.sesolis(at)gmail.com


Commentaires

  • Frédéric
    0
    28/10/2014

    Bonjour,

    Coup dur pour le Danemark, qui peut paraitre surprenant vu leur politique on ne peut plus en faveur des éoliennes et du renouvelable, et leurs déplacements "propres".

    Quoi qu'il en soit ces indicateurs sont intéressants car ils ont l'air de remettre l'utilisation finale des ressources en avant plutôt que la transformation (ce qui placerait la Chine bien devant).


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