Par Julia Feste et Olivier Papin - Bureau d’étude ECIC
Des bâtiments innovants commencent à voir le jour en Chine, preuve en est le siège de l’Institute Building Research à Shenzhen. Ce bâtiment exemplaire, consomme 40% de moins qu’un bâtiment neuf « classique » et coûte 20% moins cher !
Compétences de l’Institute of Building Research
L’IBR est un centre de ressources chinois en matière d’efficacité énergétique, d’analyse de Cycle de Vie, de recherche sur des indicateurs de développement urbain, notamment dans le cadre du projet de ville bas carbone de Shenzhen. L’IBR apporte également sa contribution au marché d’échanges de quotas carbone de Shenzhen lancé le 18 Juin 2013 sur le modèle du marché carbone européen. En effet, depuis la fin de l’année dernière, 7 régions pilotes (ville ou province) de Chine ont lancé leur marché carbone : Pékin, Shanghai, Tianjin, Chongqing, Shenzhen, Hubei et Guangdong. Ces sites pilotes permettent de tester des plate-formes d’échange de droits d’émission de carbone destinées aux entreprises les plus polluantes.
Exemple de projet ambitieux sur lequel travaille l’IBR
La Chine a annoncé qu’en 2030 son intensité carbone devrait arrêter d’augmenter, elle cherche donc différents moyens d’y parvenir, et le secteur de la construction, spécialité de l’IBR, en est un.
La ville de Shenzhen est leader en Chine dans les industries bas carbone et un important projet de cité bas carbone est en cours, couvrant 53,4 km² et visant à accueillir plusieurs centaines de milliers d’habitants.
Un laboratoire grandeur nature
Construit en 2009 comme un laboratoire vivant, le siège de l’IBR est un bâtiment exemplaire en termes de conception durable, pas seulement en Chine mais dans le monde entier. Il s’appuie sur une architecture simple et modeste et touche autant à des aspects d’efficacité énergétique que de confort des employés et de nature en ville.
Synthèse des innovations du bâtiment IBR | Bâtiment IBR |
Une architecture simple, modeste et bioclimatique
Au contraire de grand nombre de bâtiments institutionnels chinois, l’IBR a fait le choix de ne pas utiliser de marbre, matériau très coûteux, et 10% des matériaux de construction sont des matériaux locaux et recyclés.
Par ailleurs, la plupart des bâtiments à Shenzhen ont des fondations sur piliers, alors que l’IBR repose sur une dalle flottante, ce qui a aussi contribué à réduire les coûts de construction en éliminant la phase de forage pour les piliers. La construction du bâtiment de 12 étages pour 18 000 m² de surface a coûté 656,6 €/m², pour un coût total de 11.8 millions d’euros, soit 20% de moins qu’une construction typique en cours à Shenzhen. ("High Performance Buildings", Summer 2014)
De nombreux matériaux de parement sont creux afin de réduire la consommation de matière première du site et donc l’énergie grise du site.
L’orientation du bâtiment, son architecture, sont pensés pour offrir ombre et fraîcheur aux occupants, tout en profitant des bénéfices des vents dominants pour éviter le recours à la climatisation.
L’architecture « aérée » se prêtant bien au climat de Shenzhen, majoritairement chaud et très humide, grand nombre d’espaces sont ouverts, ce qui réduit encore la quantité de matériaux pour la construction et donc son coût, comme les cages d’escaliers, l’espace d’accueil au rez-de-chaussée, ou bien encore le toit qui est constitué d’un jardin potager surplombé d’une canopée de panneaux solaires. L’avantage de ce toit ouvert est de permettre une ventilation naturelle pour les panneaux solaires et ainsi éviter leur surchauffe et optimiser leur rendement.
Par ailleurs, les fenêtres sont conçues et positionnées dans le sens des vents dominants afin de diriger le flux d’air vers les surfaces de travail. Le mur vers l’extérieur de l’amphithéâtre peut s’ouvrir vers l’extérieur pour ventiler rapidement et à coût zéro le lieu en cas de forte affluence, tout en évitant le recours à la climatisation. La ventilation naturelle permet ainsi d’utiliser l’air conditionné 30% de moins qu’une construction classique.
Conception originale du mur de l’amphithéâtre, permettant une ventilation naturelle
Enfin, des casquettes de protection solaire surplombent les vitrages de la façade Sud afin de créer de l’ombre, procédé très simple de protection solaire, peu utilisé en Chine, et parfois encore oublié en France.
Efficacité énergétique à la chinoise!
Outre les panneaux solaires posés sur le toit, d’une puissance de 80 kWcrète, le bâtiment est pourvu d’un système CVC de haute efficacité, d’isolation (ce qui n’est pas courant pour le climat de Shenzhen, ni pour la Chine) de puits de lumière pour le sous-sol et le garage, ainsi que d’un système de collecte des eaux de pluie pour l’usage des toilettes et l’arrosage des plantes qui permet d’économiser 43% en consommation d’eau par rapport à un bâtiment standard.
D’une manière générale, les équipements énergétiques ont été choisis pour offrir des consommations énergétiques réduites.
Bac de collecte des eaux pluviales, végétation, et tunnels lumineux pour éclairer le parking en sous-sol | Eclairage naturel du parking grâce au tunnel de lumière. Sous la rampe du parking se situe une zone de stockage des eaux pluviales |
Pour compléter la production d’énergies renouvelables, des éoliennes urbaines ont été prévues en toiture mais n’ont toutefois pas été installées à ce jour.
En définitive, l’IBR présente une consommation énergétique de 63 kWh/m², soit 61% de moins que d’autres bâtiments dans la région et 40% de moins qu’un bâtiment neuf du même type.
Les économies d’énergie par rapport à un bâtiment standard de Shenzhen sont de l’ordre de 700 000 yuans/ an (98560 €/an !).
Confort des employés, et nature en ville
Mais la spécificité de l’IBR réside dans l’attention accordée au confort des employés et à l’intégration intelligente de la nature au bâtiment. Les bureaux où travaillent quotidiennement les 419 employés sont lumineux, spacieux, favorisant la communication et une bonne ambiance de travail. Les jours de beau temps, les réunions peuvent avoir lieu au milieu de l’un des jardins disposés sur quatre étages, dont le « jardin du ciel », situé au 6ème étage. Celui-ci présente une zone humide artificielle, entouré d’une végétation luxuriante et variée, recréant un écosystème où vivent en liberté lapins et toutes sortes d’oiseaux.
Les façades végétales permettent de doubler les surfaces naturelles par rapport à la surface du bâtiment au sol, et offrent un rafraîchissement supplémentaire réel tout autant que visuel pour les employés. Le jardin potager en toiture permet de produire quelques légumes et d’offrir un peu plus de nature en ville.
Enfin, le bâtiment démontre la faisabilité d’une architecture et de systèmes énergétiques efficients, et ainsi encourage les employés d’IBR à en faire de même sur les nombreux projets de construction qu’ils pilotent.
Le jardin potager du dernier étage, surplombé par l’installation photovoltaïque,
qui produit de l’énergie et apporte de l’ombre
Façade végétale du bâtiment | Jardin végétal du 6ème étage, qui peut accueillir des réunions de travail lorsque le temps est favorable |
Enfin, les cages d’escaliers ouvertes, naturellement ventilées, sont parées de murs végétaux intérieurs qui invitent les employés à prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur.
Végétation et production solaire dans les coursives | Végétalisation des escaliers |
La végétation, par ses propriétés de protection solaire et d’évapotranspiration, participe à la climatisation naturelle du bâtiment.
Le sol au pied du bâtiment est perméable afin de favoriser l’infiltration de l’eau sur site. Symboliquement, le site possède plus de surface végétale sur tout son ensemble, que la surface qu’il occupe au sol.
Conclusion
Le bâtiment IBR est un bâtiment exemplaire qui vise à démontrer que la conception de bâtiments efficaces en énergie et promouvant la nature en ville peuvent être tout à fait viables économiquement en Chine.
Avec un coût de construction de 20% plus faible, pour des consommations énergétiques plus faibles de 40%, il y a fort à parier que ce type de conception peut vite se déployer à grande échelle en Chine, tant par le taux de renouvellement urbain très élevé, que l’urbanisation massive en cours dans de nombreuses villes.
Pour exemple la ville de Shenzhen, quasi inexistante à la fin des années 70 et qui compte à ce jour … 12 millions d’habitants.
La taille des nouveaux quartiers chinois (plusieurs centaines de milliers de logements par tranche) constitue un enjeu de taille pour les modes constructifs économes en énergies et en ressources et le coût de l’énergie en Chine, proportionnellement beaucoup plus élevé qu’en France, va très certainement inciter les maîtres d’ouvrages à rechercher des solutions innovantes de ce type.
Depuis plusieurs années, nous réalisons dans le cadre de la coopération décentralisée Bordeaux – Wuhan, l’adaptation de la méthode Bilan Carbone en Chine.
Ce projet vise à mieux prendre en compte les émissions indirectes dans les bilans d'émissions de gaz à effet de serre chinois et à définir des plans d'actions de réductions ambitieux prenant en compte l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre.
Pour plus de détails sur ce projet : Restitution de notre projet Bilans Carbone en Chine
Par Julia Feste et Olivier Papin
Bureau d’étude ECIC à Bordeaux
SOURCE ET LIEN
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Travaillant au sein d'une entreprise de rénovation et décoration je m'informe régulièrement des nouveautés, surtout dans le cadre du développement durable .Les bâtiments responsables et innovants, voilà la clé de notre futur, si nous voulons essayer de continuer à vivre en harmonie avec la nature. Bel exemple que celui de la Chine, avec des économies à la construction et à la consommation, que demander de plus?