Par René CYSSAU Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC
La recherche du bon fonctionnement des équipements recèle des économies d'énergie simples à obtenir, souvent importantes. Comment être assuré du bon fonctionnement ? Réponse : appliquer un processus de commissionnement pour les missions de réalisation puis pour celles de post-réception. Ou mieux : un commissionnement par le maître d'ouvrage du début à la fin d'une opération.
Le commissionnent prend tout son sens pour assurer les qualités de la gestion technique. Ces deux processus devraient être indissociables, un mariage pour tous et pour la vie !
Chaufferie équipée d'une GTB
1.1 Pourquoi le commissionnement?
Le commissionnement porte sur les missions de conception et de réalisation en appliquant un processus qui vise la conformité du résultat à l'expression des besoins.
Dans le bâtiment, les installations de
génie climatique ont été les premières à faire l'objet de ces procédures, pour plusieurs raisons : la sensibilité des usagers aux inconforts, la nécessaire maîtrise des consommations, la complexité des systèmes.
Une complexité qui s'accroît fortement avec la recherche de la performance énergétique et l'usage des énergies renouvelables.
Les procédures relèvent de démarches qualité, c'est principalement la performance énergétique de ces systèmes qui est visée.
1.2 - Comment ?
En France, le concept est connu mais il n'existe pas de référentiel pour le mettre en œuvre.
Dans plusieurs pays le « commissioning » est codifié, mais les documents de références ne suivent pas la même définition, cela ne participe pas à la clarté du concept.
- Chez, certains, plus spécialement en Europe, il s'agit de procédures qui portent sur les étapes finales d'une réalisation, en particulier sur les installations de génie climatique. Ce commissionnement de la réalisation consiste à vérifier, mettre au point, mesurer pour attester de la conformité, fournir une documentation complète, mettre en service et mettre en main pour l'exploitation courante. Ce « commissionnement » avait fait initialement l'objet de guides techniques en Grande Bretagne, il a été repris ensuite dans plusieurs pays. Il est en titre ou il est traité dans certaines normes Européennes.
- Pour d'autres, plus spécialement aux Etats-Unis, il s'agit d'un processus qui porte sur l'ensemble des étapes, du programme jusqu'à la réception et même après. Ce commissionnement par le maître d'ouvrage est défini par des référentiels de l'ASHRAE. Il est en particulier appliqué aux constructions respectueuses de l'environnement « green buildings ».
Depuis le commissionnement des étapes finales de la réalisation, jusqu'au commissionnement de l'ensemble du processus par le maître d'ouvrage
La différence entre ces deux applications du « commissioning » s'explique par un bref historique. Dans les années 90 il a été reconnu que la qualité des réalisations devait s'améliorer, et en particulier celles du génie climatique. Des défaillances, même mineures, des réglages de température, de renouvellement d'air, des sensations de courant d'air, du bruit, ont des effets sensibles sur les occupants. Les premiers référentiels ont porté sur la mise au point et la vérification de la réception des installations, dans le contexte des marchés anglo-saxons. Sur le constat bien naturel que la qualité ne s'instaure pas qu'aux étapes finales, le commissionnement de l'ensemble du processus, sous le pilotage direct ou indirect du maître d'ouvrage, est apparu nécessaire. Il a été reconnu comme un processus nécessaire pour l'efficacité énergétique des bâtiments.
A lire, la chronique parue sur ce sujet : « Bâtiment basse consommation et commissionnement »
1.3 Le commissionnement, combien ça coûte ?
Le commissionnement par le maître d'ouvrage est reconnu comme des sources d'économies et non de dépenses supplémentaires :
- Les dépenses les plus réduites, poste par poste, ne font pas le moindre coût d'un système.
- Les améliorations de la performance énergétique (la quantité d'énergie minimale pour satisfaire l'usage) viennent le plus souvent de corrections mineures.
Les corrections sont en effet le plus souvent simples, banales, mais elles n'auraient pas été identifiées sans un processus complet.
Alors, quels temps de retour ?
S'il s'agit d'efficacité d'un système technique, il est possible de calculer un temps de retour en prévoyant la réduction annuelle de la dépense d'exploitation par un équipement plus performant, plus coûteux. Ce critère n'est pas le seul qui guide une décision, mais il a un sens concret.
Sous le titre commissioning, une enquête américaine de grande envergure a montré l'intérêt des interventions de recherche des défauts des installations de génie climatique et de leur remise en bon état. Elle présente des temps de retour des interventions.
Commissioning Costs Benefits
Il s'agit de fait de « re-commissioning » d'installations existantes mises ou remises en bon état. Ces opérations ont un coût, elles apportent des gains mesurables.
Mais peut-on prévoir un temps de retour ?
Peut-on faire un même calcul pour des procédures de commissionnement qui visent la qualité des installations neuves ?
Pour répondre à la question « combien ça coûte? », on pourrait envisager de faire le rapport entre une « dépense moins réduite » et des gains annuels de performance énergétique qui résultent de l'application de pratiques qui visent à éliminer des défauts.
Mais quels défauts faudra-t-il corriger ?
C'est une question paradoxale, car connaître des défauts, c'est avoir les remèdes à portée de main. Les défauts les plus courants viennent de simples oublis, de réglages insuffisants, d'inattentions. Ils portent le plus souvent sur des réglages de régulateurs et autres automatismes.
Combien fait gagner le commissionnement ?
et a fortiori
Quel est le temps de retour ?
sont donc des questions paradoxales
De fait, appliquer un processus qui vise la qualité d'un système ne doit pas venir d'un calcul, fut-il ou non hasardeux, mais de la nécessité. Il faudrait donc appliquer des procédures de commissionnement reconnues, adaptées aux réalités des installations, mais il n'en existe pas – pas encore ? – en France.
Les démarches qui visent la qualité sont justifiées par ce constat : « la recherche des économies poste par poste ne fait pas le moindre coût d'une réalisation ».
Si les interventions pour concevoir et réaliser ne sont pas appelées avec la préoccupation de la qualité, les reprises et les pertes de temps nécessitées par des défaillances sont finalement plus coûteuses.
C'est assurément le cas si les préoccupations des coûts de consommations et de maintenance par la qualité ne sont pas présentes, dès les premières étapes du projet.
Figure 1 Le commissionnement par le maître d'ouvrage porte sur toutes les phases
qui précèdent la gestion technique courante
C'est pour ces raisons que ceux qui se préoccupent de la gestion technique des bâtiments sont aussi attentifs au commissionnement de toutes les phases des opérations par le maître d'ouvrage ou, au moins, au commissionnement de la réalisation.
Les économies d'exploitations sont en partie dues à de simples procédures de contrôles et réglages
Le maître d'ouvrage et ceux qui assureront la gestion technique ont des attentes :
- des équipements aux performances énergétiques mesurées initialement, pour pouvoir suivre l'évolution de ces performances au cours de l'exploitation
- des dossiers techniques suffisamment complets qui décrivent les équipements et les réseaux avec les indications pour leurs usages et leur maintenance
Ils attendent aussi des moyens d'action, de mesure et de vérification :
- des systèmes d'automatisation suffisamment performants, pour pouvoir ajuster au plus près les conditions de fonctionnement aux besoins
- des systèmes GTB adaptés aux besoins concrets pour faciliter les tâches d'exploitation et les mener efficacement
De fait, les choses ne se passent pas aussi bien, des défaillances conduisent à mettre en question les qualités de plusieurs prestations, tous les acteurs de la chaîne peuvent être en cause :
- L'ingénierie ne rédigerait pas des cahiers des charges suffisamment complets.
- Le fournisseur du système de GTB orienterait vers une surenchère de fonctionnalités.
- L'entreprise ne mettrait pas suffisamment au point, ne transmettrait pas des dossiers complets, au moment de la réception.
- L'entreprise de service n'exploiterait pas les capacités des systèmes de GTB avec suffisamment de compétences, n'assurerait pas une maintenance suffisante du système lui-même.
Les gestions techniques de bâtiments vont s'améliorer. Constatant que les gestions techniques des bâtiments sont trop souvent défaillantes, il est permis d'avancer qu'elles ne peuvent que s'améliorer.
C'est l'affirmation de la chronique : « Les gestions techniques de bâtiments vont s'améliorer ». Il s'y trouve une liste des constats de difficultés ou de défaillances de différentes natures, réellement rencontrées au cours d'audits ou de diagnostics menés au Costic ou avec lui.
Quelles solutions d'amélioration ?
Pour avancer des solutions d'amélioration de prestations de gestion technique et de l'outil GTB indissociable, il n'est pas envisageable d'avancer que les causes des défaillances proviennent systématiquement de tel ou tel intervenant.
Cependant, en règle générale, les causes des défaillances des systèmes complexes se trouvent en remontant toute la chaîne des intervenants. En fin de compte, on en vient à se demander quelles étaient les intentions du maître d'ouvrage.
« Pour un maître d'ouvrage, mettre en place la gestion technique, c'est décider de la manière avec laquelle seront traitées les questions énergétiques de son bâtiment » (dixit Roger Cadiergues)
C'est ainsi que le commissionnement « étendu », comme un processus qui assure la conformité du résultat à l'expression des besoins, vise en premier lieu la qualité d'exploitation.
L'objectif est bien que la gestion technique ne se heurte pas à des difficultés de terrain pour pouvoir se consacrer à la performance attendue.
Pour cela, le maître d'ouvrage engage le processus par un cahier des charges fonctionnel.
Un cahier des charges fonctionnel formule le besoin en décrivant les fonctions qui concourent aux services et les contraintes auxquelles ils sont soumis (dixit la définition qui se trouve dans les normes NF).
Cet article paru dans les éditions d'Xpair.com propose des éléments pour préparer le cahier des charges : « Un cahier des charges fonctionnel pour la Gestion Technique »
3.1 PREPARER LA GESTION TECHNIQUE DANS LES PHASES D'UNE OPERATION
Le cahier des charges fonctionnel, préparé en phase Montage et Programme, conditionne les rendus des missions qui suivent comme décrit au tableau 1.
Ce cahier des charges permet d'engager un processus pour satisfaire les besoins fondamentaux du maître d'ouvrage, dans une démarche qui vise la qualité.
C'est ainsi que pourrait se définir l'objectif du commissionnement par le maître d'ouvrage.
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1- MONTAGE |
- Initialisation de la conduite d'opération |
Les impacts des choix énergétiques fondamentaux sur les coûts et sur l'environnement sont évalués. |
2- PROGRAMME |
- Etudes de faisabilité |
Les besoins du maître d'ouvrage sont traduits dans le cahier des charges fonctionnel pour les services et le système de GTB. |
3- CONCEPTION |
- Engagement des missions du maître d'œuvre |
Les études qui conduisent au CCTP mettent en jeu des compétences particulières en matière de génie climatique, d'application des règlements thermiques et de gestion technique. |
4- REALISATION |
- Etudes de réalisation |
Les études de réalisation sont menées par l'entreprise de génie climatique qui possède les capacités d'études ou par un BET associé. Outre leurs compétences dans les domaines des équipements et de l'énergie dans le bâtiment, ils maîtrisent les conditions qui permettent de mener la MAP et la maintenance. |
5- RECEPTION et |
- Réception |
La MISE EN SERVICE inclut les missions de mise en main des installations par les utilisateurs et par les techniciens d'exploitation et de maintenance. Elles peuvent être menées avant ou après la réception, selon les dispositions du marché. |
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Toutes les phases d'une opération ont pour objectif de prévoir les moyens qui permettront de conduire la gestion technique du bâtiment dans les meilleures conditions économiques, environnementales, fonctionnelles, sécuritaires. |
Tableau 1 - Les missions qui visent la gestion technique, dans les cinq phases d'une opération
Dans ces phases, les mises en service qui suivent la réception sont particulièrement importantes, avant de mettre en place la gestion technique ou l'exploitation courante.
La réception et le parfait achèvement, pour les marchés du bâtiment
On sait que tous les éléments d'une construction pour « le clos et le couvert » et les équipements techniques (générateurs, réseaux de distribution, terminaux) sont réceptionnés le jour J de la réception. A dater de ce jour J, ils font l'objet soit d'une garantie décennale, soit d'une garantie de bon fonctionnement de deux ans.
L'acte de réception valide la conformité de la réalisation au cahier des charges, CCTP et règles professionnelles (associées aux garanties de 2 ou 10 ans). Si la conformité ne peut pas être attestée le jour J ou si des défaillances sont révélées, la réception peut être soumise à des réserves. Les réserves doivent être levées moins d'un an après. C'est l'année de parfait achèvement.
La réception et la post-réception, pour les marchés des automatismes et de la GTB
Les automatismes et le système de GTB sont naturellement intégrés aux marchés du bâtiment, ils sont inséparables des systèmes techniques qu'ils automatisent ou dont ils facilitent la gestion technique.
Cependant, il est impossible que ces systèmes assurent toutes leurs fonctions le jour J. L'application formelle des procédures de réception (conformité de la réalisation) et du parfait achèvement (l'achèvement éventuel pour la conformité complète après réception) ne peuvent pas s'appliquer pour ces raisons :
- Les marchés ne peuvent pas décrire dans le détail toutes les fonctionnalités attendues par les systèmes d'automatisation et de GTB
- Même s'il est envisageable de le faire, il serait impossible de mettre en œuvre la plupart de ces fonctionnalités à la réception.
Pour ces systèmes, il faut donc prévoir ces deux phases de post réception, inévitables :
La mise en service en relation avec les usages réels du bâtiment. Ces usages se mettent en place dans les mois voire des années après le jour J. Il ne s'agit pas d'achèvement mais d'adaptation à des usages, certains étant imprévisibles.
La mise en service pour la gestion technique. Il est pratiquement impossible de mettre en place une exploitation et sa gestion technique courante avant un an après le jour J. Cette durée peut s'étendre au-delà de deux années.
Ainsi, pour éviter malentendus et difficultés qui en découlent, aux moments de la réception et de la mise en service, ces recommandations devraient être prises en considération :
A la réception
A la réception, le système de GTB ne sera réceptionné que pour ses seules fonctionnalités de base : acquérir des mesures ou des états, régler ou commander des actionneurs, signaler des défauts, transmettre des alarmes. Il faut noter que ces fonctions sont très utiles à la mise au point des systèmes techniques, avant la réception.
Après la réception, la post-réception
- Une période de post-réception pour régler les automatismes au plus près des usages réels du bâtiment. Les usages se mettent en place nécessairement en place durant une année, ces opérations d'ajustement ne font pas partie du « parfait achèvement » comme indiqué ci-dessus. Par contre, ils seront effectivement menés s'ils sont désignés clairement dans le marché du bâtiment ou un marché séparé.
- Une autre période de post-réception pour mettre en service les fonctionnalités du système de GTB qui facilitent les tâches des techniciens qui assureront la gestion technique. Ces fonctions de, supervision (synoptiques, journaux, historiques) qui sont à la base du suivi énergétique ne se mettent en place qu'après plus d'une année. Ces mises en service ne doivent donc pas être confondues avec le parfait achèvement ni le bon fonctionnement. Ces garanties sont associées aux garanties qui suivent la réception. Ces garanties associées aux régimes des assurances sont sans rapport avec les exigences des mises en service.
Après la post réception, la garantie de performance éventuelle
Enfin, si une garantie de performance énergétique (GPE) est décidée, elle doit être instaurée après que les conditions courantes de la gestion technique aient été établies, c'est-à-dire après la période de post-réception.
Il ne peut pas être décidé a priori que la GPE doit démarrer après l'année de parfait achèvement ou les deux années de bon fonctionnement. Ces modalités introduites par le code civil ne sont pas associables aux contraintes propres à la réalité des mises en service pour une gestion technique courante efficace.
3.2 DES NORMES, GUIDES ET DOCUMENTS DE REFERENCE POUR PREPARER LA GESTION TECHNIQUE
Plusieurs documents peuvent être référencés dans les marchés ou appliqués par les intervenants BET et entreprise. Ils peuvent être utilisés comme guides pour mener les missions afin de mettre en place le système de GTB et faciliter la gestion technique.
Tableau 2 - Des documents utilisables pour aider à mettre en place
la gestion technique dans les cinq phases d'une opération
[1] Sur le site Xpair : Un cahier des charges fonctionnel pour la Gestion Technique
[2] NF EN 15232 (août 2012) : « Performance énergétique des bâtiments - Impact de l'automatisation, de la régulation et de la gestion technique ».
Cette norme permet de guider des choix de fonctions en qualifiant l'impact de la régulation et de l'automatisation sur la performance énergétique des bâtiments.
[3] NF EN ISO 16484-1 (août 2012) : « Systèmes d'automatisation et de gestion technique du bâtiment (SGTB) – Partie 1 : Spécifications et mise en œuvre d'un projet ».
Cette norme traite des phases de conception, d'installation et d'achèvement des systèmes de régulation et de GTB.
Ces deux normes [2] et [3] sont disponibles auprès de l'AFNOR, elles se trouvent sur CDRom AFNOR qui rassemble les normes actuellement éditées pour la régulation et la gestion technique.
www.boutique.afnor.org/
[4] Guide n° 9 : Mise Au Point REGULATION et GTB (1998)
Cet ouvrage de la série des guides MAP décrit, étape par étape, les procédures pour la mise au point complète du système. Ces guides peuvent servir de base à l'établissement de référentiels pour organiser les opérations de mise au point, développer le « système qualité » interne aux entreprises ou pour préparer des référentiels de commissionnement propres à des marchés.
Accès aux ressources techniques et règlementaires du COSTIC
par René CYSSAU
Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC, René CYSSAU est l'auteur d'ouvrages techniques et a été rédacteur en chef de la revue PROMOCLIM
René CYSSAU a également présidé à l'élaboration de la norme européenne NF CEN/TS 15810.
Sources & liens
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P Radigois