L’expérimentation « Energie-Carbone » ou le label E+C-

Par Nathalie TCHANG - Directrice du BET TRIBU ENERGIE

Afin de préparer la future réglementation environnementale de la construction neuve sur une base partagée et pragmatique, une expérimentation nationale est lancée pour tester en grandeur réelle des nouveaux niveaux d'ambition et les questions de faisabilité.

Bâtiment à énergie positive
1

Introduction

La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte trace la trajectoire d’une ambition sans précédent en faveur d’un mode de développement respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie, en émissions de gaz à effet de serre et en consommations de ressources.

Elle place le bâtiment au cœur de la stratégie du Gouvernement pour la transition énergétique: le gisement d’économies d’énergie dans le secteur du bâtiment est considérable et il importe de l’exploiter pour réduire la facture énergétique des ménages et les émissions en gaz à effet de serre du secteur.

La loi inscrit résolument le bâtiment sur la trajectoire d’une société bas-carbone dans une démarche qui conciliera les besoins de la construction et notamment de logements, le développement de l’emploi local qualifié et d’une économie verte. Le bâtiment doit prendre toute sa part dans un modèle de développement local et d’économie circulaire appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles, la promotion du recyclage et à la prévention des déchets de construction.

Le bâtiment de demain s’engagera ainsi dans une démarche visant à atteindre l'équilibre entre la consommation et la production d'énergie à l'échelle locale en réduisant autant que possible les besoins énergétiques. Les nouvelles constructions doivent ainsi favoriser l'efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et permettre le déploiement d'énergies renouvelables.

L’ambition pour le bâtiment de demain est de concilier des exigences portant sur ses caractéristiques énergétiques et ses émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie : il sera à la fois à énergie positive et bas-carbone. Concrètement, les nouvelles constructions verront leurs exigences renforcées par rapport à la réglementation thermique actuellement en vigueur (RT 2012) en recourant de façon significative aux énergies renouvelables (utilisation et production), contribuant ainsi à l’émergence de territoires à énergie positive (article 1 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte) et le développement d’une politique locale de l’énergie. Elles devront également et concomitamment répondre à des exigences portant sur les émissions en gaz à effet de serre et viser le bas–carbone sur l’ensemble de leur cycle de vie.

 

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Modalités de mise en œuvre du socle Energie-carbone

La future réglementation environnementale renforcera la réglementation actuellement en vigueur par deux indicateurs : ENERGIE et CARBONE.

Modalités de mise en œuvre du socle Energie-carbone

Plusieurs dispositions de la loi sur la transition énergétique prévoient d’ores et déjà des avantages ou des obligations à partir de ce socle :

  • Bonus de constructibilité
  • Exemplarité des bâtiments publics

C’est pourquoi un socle énergie-carbone sera créé en s’inspirant  des labels déjà existants et mis en œuvre à travers une expérimentation volontaire qui permettra d’évaluer collectivement les questions de faisabilité technique et économique des exigences et apprécier la courbe d’apprentissage par les acteurs.

 

3

Les grands principes

Les niveaux des performances d'un bâtiment neuf sont caractérisés par

  • Un niveau « Énergie » basé sur l'indicateur BilanBEPOS,
  • Un niveau « Carbone » basé sur :
    • Eges : Indicateur des émissions de Gaz à Effet de Serre sur l'ensemble du cycle de vie
    • EgesPCE : Indicateur des émissions de Gaz à Effet de Serre de produits de construction et des équipements utilisés

Sont définis :

  • quatre niveaux de performance énergétique pour le bâtiment à énergie positive
quatre niveaux de performance  énergétique
  • deux niveaux de performance environnementale relative aux émissions de gaz à effet de serre.
deux niveaux de performance  environnementale
4

La partie Energie

Pour la partie ENERGIE, les principes sont les suivants :

  1. Respect de la RT2012 :
    1.  Cep < Cepmax
    2.  Bbio < Bbiomax
    3.  Tic < Ticref
    4.  Garde-fous

  2. Exigence complémentaire : BilanBEPOS
    1.  Bilan global énergétique
    2.  Énergie primaire
    3.  Tous les usages sont pris en compte

  3.  Indicateurs complémentaires
    1.  Consommations en énergie primaire non renouvelables
    2.  Production d’électricité exportée
    3.  Taux de recours aux énergies renouvelables et de récupération
    4.  Indicateur de confort d’été (DIES)

 

L'évaluation de la performance d'un bâtiment relative au bilan énergétique est faite par comparaison avec un niveau de bilan énergétique maximal, BilanBEPOS,max.
BilanBEPOS  ≤  BilanBEPOS,max

indicateur Bilan BEPOS

Définition
L’indicateur Bilan BEPOS est défini par la différence, exprimée en énergie primaire, entre la quantité d’énergie ni renouvelable ni de récupération consommée par le bâtiment et la quantité d’énergie renouvelable ou de récupération produite et exportée par le bâtiment et ses espaces attenants (échelle du permis de construire).
Le bilan énergétique repose sur l’ensemble des usages énergétiques dans le bâtiment.
Les énergies renouvelables ou de récupération sont celles définies par l’article R.712-1 du code de l’énergie.

Objectifs

    1.  Valoriser le recours aux ENR (chaleur et électricité) et récupération d’énergie
    2.  Valoriser une meilleure gestion de l’énergie
    3.  Valoriser la production d’ENR exportée / mix énergétique
    4.  Valoriser l’amélioration de l’EE (Efficacité Energétique) en plus de la RT2012

 

Les niveaux de performance sont les suivants :

BilanBEPOS max

Maison individuelle

Immeuble collectif

Bureaux

Autres bâtiments

ENERGIE 1

50*0.95 + AU

55 + AU
(~57.5*0.95)

50*0,85 + AU

50*0,9 + AU

ENERGIE 2

50*0,9 + AU

50 + AU
(~57.5*0.85)

50*0,7 + A9

50*0,8 + AU

ENERGIE 3

50*0,8 + AU - 20

50*0,8 + AU - 20

50*0,6 + AU - 40

50*0,8 + AU - 20

ENERGIE 4

0

0

0

0

 

  • Les premiers niveaux, « Énergie 1 », « Énergie 2 » constituent une avancée par rapport aux exigences actuelles de la réglementation thermique (RT2012). Leur mise en œuvre doit conduire à une amélioration des performances du bâtiment à coût maitrisé, soit par des mesures d'efficacité énergétique, soit par le recours, pour les besoins du bâtiment, à des énergies renouvelables (notamment la chaleur renouvelable).
  • Le niveau « Énergie 3 » constitue un effort supplémentaire par rapport aux précédents niveaux. Son atteinte nécessitera un effort en termes d'efficacité énergétique du bâti et des systèmes et un recours significatif aux énergies renouvelables, qu'il s'agisse de chaleur ou d'électricité renouvelable.
  • Enfin, le dernier niveau « Énergie 4 » correspond à un bâtiment avec bilan énergétique nul (ou négatif) sur tous les usages et qui contribue à la production d'énergie renouvelable à l'échelle du quartier.

 

5

La partie Carbone

L'amélioration de la performance environnementale d'un bâtiment s'appuie sur la réduction de ses impacts environnementaux tout au long de son cycle de vie (de la production des éléments le composant à sa démolition).
Cette évaluation se base sur le principe de l'Analyse de Cycle de Vie (ACV) et en grande partie sur la norme NF EN 15978.
Ces indicateurs environnementaux sont déterminés pour chacune des phases du cycle de vie d'un bâtiment relatif et leur calcul est décomposé en quatre contributeurs :

Etapes du cycle de vie d'un bâtiment
  • Les impacts environnementaux du bâtiment sont obtenus en sommant les impacts environnementaux des contributeurs. Les bénéfices environnementaux liés à l'export d'énergie et à la valorisation des produits au-delà du bâtiment peuvent également être valorisés dans le calcul.
  • Le calcul est réalisé pour une durée de vie de 50 ans.
  • Les exigences portent uniquement sur l’indicateur Gaz à Effet de Serre mais tous les indicateurs sont calculés et capitalisés.
Comparaison en 9 points

L'évaluation de la performance du bâtiment relative aux émissions de gaz à effet de serre est faite par comparaison avec un niveau d'émission de gaz à effet de serre maximal sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, Egesmax, et avec un niveau d'émissions de gaz à effet de serre relatif aux produits de construction et équipements, Egesmax,PCE.

Eges  ≤  Egesmax 
et
 EgesPCE  ≤  EgesPCEmax

L'échelle des niveaux de performance relatifs aux émissions de gaz à effet de serre comporte deux niveaux :

  • le niveau « Carbone 1 » se veut accessible à tous les modes constructifs et vecteurs énergétiques ainsi qu'aux opérations qui font l'objet de multiples contraintes (zone sismique, nature du sol...) ; il vise à embarquer l'ensemble des acteurs du bâtiment dans la démarche d'évaluation des impacts du bâtiment sur l'ensemble de son cycle de vie et de leur réduction ;
  • le niveau « Carbone 2 » vise à valoriser les opérations les plus performantes ; il nécessite un travail renforcé de réduction de l'empreinte carbone des matériaux et équipements mis en œuvre, ainsi que celui des consommations énergétiques du bâtiment.

 

Les niveaux :

GES
kgCO2/m²SDP

Maison individuelle

Immeuble collectif

Tertiaire

Carbone2
Global - Egesmax

750 - 950

950 - 1150

900 - 1100

Carbone 2
Construction- EgesPCE,max

600 - 700

750 - 850

900 - 1000

Carbone 1
Global - Egesmax

1200 - 1400

1450 - 1650

1400 - 1600

Carbone 1
Construction- EgesPCE,max

650 - 750

800 - 900

1000 - 1100

 

Des modulations de ces seuils sont prévues en fonction du nb de places de parking et de la zone climatique pour le niveau global

 

6

La preuve par l’exemple sur un immeuble collectif de 40 logements

Partie Energie 

L’indicateur BilanBEPOS visant à promouvoir les énergies renouvelables, la facilité d’atteinte des niveaux ENERGIE est fortement corrélé à l’approvisionnement :

la facilité d’atteinte des niveaux ENERGIE est fortement corrélé à l’approvisionnement 

- : performances bâti faibles (équivalentes garde-fous  par paroi  RT 2005 , dégradation des pratiques  actuelles  jusqu’au Bbiomax)
+ : performances bâti élevées (équivalentes Bbiomax -40%)

Partie Carbone

atteinte des niveaux Carbone

L’atteinte des niveaux Carbone 1 et 2  est assez aisée pour la partie Produit de Construction et équipement, mais le niveau Carbone 2 s’avère quasiment inateignable pour des énergies comme le gaz en raison de l’impact CO2 du contributeur lié aux consommations d’énergie sur les 50 ans d’exploitation.

  • Influence du système constructif :

Le choix du type de structure influe jusqu’à un maximum de 120kg eqCO2/m²SDP 50ans. Le choix d’un béton bas carbone permet d’obtenir un résultat similaire à système bois (sans prise en compte du module D).

Influence du système constructif 

Attention, pour le béton cellulaire, les calculs ont été faits avec un mur de 30cm, l’impact serait similaire aux autres systèmes avec un mur de 20cm+isolant.

calculs beton
  • Influence du niveau d’isolation :

Niveaux d’isolation
étudiés

1er niveau
 (1990)

2ème niveau
( 2005)

3ème niveau
(2012)

4ème niveau
(BBC)

Meilleur niveau
(effinergie+)

Murs

R=2

R=3

R=4

R=5

R=6

Plancher bas

R=2

R=3

R=4

R=5

R=6

Toiture terrasse

R=5

R=6

R=7

R=8

R=9

Fenêtres

Double vitrage Uw=1,4

Double vitrage Uw=1,4

Double vitrage Uw=1,4

Double vitrage Uw=1,4

Triple vitrage au nord Uw=1,1

 

Emissions GES totales et sous-seuil composants E GES,PCE exprimées en kgeqCO2/m²SDP sur 50 ans en fonction du niveau d’isolation :

Emissions GES totales et sous-seuil  composants E GES,PCE

Si l’augmentation du contributeur composant augment légèrement (13kgCO2/m²sdp), cela est largement compensé par les gains sur le contributeur GES lié à la diminution des consommations d’énergie en exploitation sur les 50ans de durée de vie du bâtiment, et cela quelle que soit la zone climatique et l’énergie.

En somme …

  • Niveau Energie 3 et 4 + Carbone 2 : uniquement possible en logements pour bois énergie ; RCU vertueux et PAC + PV
  • Niveau Energie 3 + Carbone 1 : pour les autres combustibles
  •  Niveau Energie 1 et 2 + Carbone 2 : pour le chauffage effet joule

 

Attention à la possibilité de dégrader l’enveloppe des bâtiments en chauffage bois et RCU « vertueux », qu’il faut absolument éviter

 

7

Conclusions

  • La démarche d’expérimentation du nouveau label « énergie-carbone » est nécessaire, utile et positive
  • Une période de rodage sera nécessaire comme pour chaque évolution réglementaire
  • Attention le choix des produits ne doit pas se faire uniquement sur le critère ACV, d’abord acoustique ; incendie ; énergie ; …
  •  Les premiers retours d’expérience sont :
    • Il manque beaucoup fiches équipements CVC
    • Il manque une définition claire des limites du calcul ACV
    • Une qualification OPQIBI est en cours d’élaboration pour la démarche ACV
    • Communication : même si l’obligation est lors de la livraison, l’étude doit être faite en amont…

 

Par Nathalie TCHANG
Nathalie TCHANG est Ingénieur et Directrice du bureau d'études « Energie et Développement Durable » TRIBU ENERGIE

 

Pour en savoir plus

www.rt-batiment.fr
www.batiment-energiecarbone.fr

 

SOURCES ET LIENS

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AUTRES CHRONIQUES de Nathalie TCHANG

Commentaires

  • Lucie
    0
    09/02/2017

    Bonjour,
    Comment expliquez-vous le relatif "mauvais" résultat carbone de l'ossature bois par rapport au béton qui, même bas carbone, reste une ressource non renouvelable ? Quel élément du calcul de l'énergie grise permet ce résultat ?
    Merci pour votre réponse.


  • Didier
    0
    04/12/2016

    1°) La loi sur la transition énergétique est une coquille vide aux mieux pavée de bonne intention.

    2°) l'absence de gaz a effet de serre n'implique pas l'absence de contribution au réchauffement de l’atmosphère ex production thermonucléaire électrique 1kwh produit et consommé=3kwh de chaleur

    3°) le bâtiment ce n'est pas uniquement les ménages, le tertiaire la maîtrise d'ouvrage privé (hors ménage) et la maîtrise d'ouvrage publique ont une responsabilité bien plus grande a mon avis.
    Et force est de constater que les maigres économie d'énergie au plan financier sont asséchée au bénéfice des fabricant de matériaux et matériel (je n'ose parler des bureaux d'études et pseudo bureaux d'études)

    4°) je veux tordre le coup a une expression grotesque "bâtiment a énergie positive" c'est une fiction linguistique!
    un bâtiment qui produit de l'énergie c'est une centrale de production énergétique , si elle produit plus que ses besoins c'est en raison d'un surinvestissement et la surproduction sera au mieux revendu au pire stockée avec un rendement médiocre voir gaspillée dans des réseaux

    Un bâtiment a énergie nulle aurait plus de sens mais c'est moins vendeur et dans tous les cas les surcouts ne peuvent être amortis dans des délai raisonnables sauf a recourir aux CEE ce qui est fait actuellement.

    Les "précaires énergétiques" finances les gadgets des "riches high tech"

    5°) toutes les énergies dite renouvelables proviennent directement ou indirectement du soleil.
    Dont personnellement je ne saurais affirmer si il est renouvelable ou pas!

    6°) exemplarité des bâtiments public ?

    pour avoir été responsable du pole chauffage ventilation d'un ministère je peu vous assurer que l'administration en générale et l'administration centrale en particulier est loin d'être exemplaire.
    Je connais un ministère dont les ministres sont chauffé au fuel oil domestique depuis les années 1970 a aujourd'hui 8000 l/an soit pres de 400.000 litres en un peu moins de cinquante ans excuser du peu!et il n'est meme pas sure qu'ils y résident!

    le même ministère refroidit les compresseur des chambres froides a eau de ville 8000 m3 par an d'eau potable!

    je pourrais aussi prendre l'exemple de bâtiment hospitalier ou sportif dont j'ai eu a connaitre.

    7°) la durée d'amortissement d'un bâtiment est rarement supérieur a 30 ans et sans être devin quand je vois la qualité des construction actuelles et leur fragilité technologique induit par le "renouvelable" il est illusoire voir mensonger de faire des calculs a 50 ans

    8°) quelle pondération pour les déchets radioactif ?

    9°) 2 m2 de PV panneaux photovoltaïque c'est au mieux 1400 kwh/an disponible 1/4 du temps diurne , est ce vraiment a la hauteur des enjeux ?

    10°) énergie 4 impossible ? mais alors a quoi sert ce truc ?

    conclusion

    si depuis la nuit des temps l'homme expérimente et améliore sont environnement (pas toujours),
    l'enfermement dans des règles strictes et parfois au delà du raisonnable,
    conduit a des logement de plus en plus cher et inaccessible pour une partie de plus en plus importante de la population.

    Vous aurez beau faire les règles de la physique de la thermodynamique et de l'économie s'impose a tous.
    Les délires de technocrate ou de "polytocrates" (politiciens autocrates) qui veulent contraindre et astreindre n'y pourront rien et tant mieux


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