Par Florence MOULINS, IFFI - INM
Parmi les nombreux points particuliers évoqués à la sortie du décret du 26 octobre 2010 relatif à la Réglementation Thermique 2012, celui de l'étanchéité des bâtiments et du confort d'été a été largement abordé.
En effet, l'étanchéité conduisant à des pertes thermiques minimales assurant une moindre consommation énergétique en période de chauffage peut générer un inconfort d'été par confinement et manque de mouvement d'air. Dans les zones climatiques soumises à des chaleurs notables en été, ceci peut engendrer une température trop élevée dans des espaces confinés, et conduire les occupants à envisager un traitement thermique de rafraîchissement, dont l'effet en consommation énergétique sera inverse à celui recherché a priori.
Que ce soit en construction neuve ou en réhabilitation, le traitement de l'air neuf est un élément prépondérant au confort et à la maîtrise de la consommation énergétique, mais aussi et surtout à la salubrité des locaux.
1°/ Affichage des Composés Organiques Volatils
Le critère énergétique relatif au traitement d'air neuf ne va peut-être plus rester aussi essentiel, ou du moins, est en passe de devoir être envisagé avec un nouveau regard. Bien sûr, la salubrité de l'air intérieur a été prise en compte bien avant tout critère énergétique et les avantages d'une bonne ventilation de bâtiment sont loin d'être limités au confort thermique des occupants. Pourtant, les études en cours ainsi que les affichages en composés organiques volatils dangereux pour la santé pourraient bien amener à une nouvelle donne.
Ainsi, si lors de la construction ou de la réhabilitation d'une construction, nombre de critères sont à prendre en compte concernant la qualité de l'air intérieur à laquelle on veut aboutir, certains peuvent même s'avérer contradictoires entre eux.
Sur cette étiquette figurent plusieurs notes, sous forme de lettres, qui correspondent à des polluants différents.
Les évolutions technologiques depuis la parution des réglementations thermiques ont touché de nombreux domaines, pour ne pas dire tous, quant aux matières et matériaux utilisés dans la vie de tous les jours. Quelle que soit l'activité dédiée d'un espace, il comporte désormais nombre de sources polluantes, nocives à la santé humaine et se trouve également situé dans un environnement plus ou moins participatif à ces effets.
Définition des Composés organiques Volatiles
Les COV ou Composés Organiques Volatiles proviennent du mobilier, des matériaux de construction, des produits de grande consommation. Bien que l'on pense souvent aux COV dans leur phase gazeuse, ils peuvent aussi être condensés sous forme de particules ou être absorbés par des particules inorganiques qui alors subissent une transformation chimique. Nous détectons généralement la présence de COV par notre odorat. Les nouvelles constructions contiennent souvent des concentrations de COV plus élevées que les constructions anciennes et existantes. Ceci parce que les émissions de COV provenant des peintures, du mobilier, des vernis, des moquettes, des sols en vinyle et du plastique sont en général plus élevées à l'état neuf. Nous avons déjà tous senti cette odeur de maison neuve ou de voiture neuve !
2°/ Thermicien et énergéticien et … thérapeute ?
Les thermiciens et énergéticiens ont déjà pointé du doigt la difficulté à déterminer l'équilibre entre la consommation optimale pour le confort d'hiver et le confort d'été ; l'optimum de l'un n'étant pas celui de l'autre. C'est donc la recherche du compromis le plus juste, et la gestion de l'air neuf prend une part autrement importante dans cet ajustement.
La ventilation des espaces en air neuf dépend tant au niveau technique que réglementaire de la destination des locaux ; pourtant, dans tous les cas, ce sont avant tout des locaux occupés par des personnes, personnes qui respirent cet air et qui sont en droit d'attendre qu'il soit le plus sain possible.
Les critères premiers sont relatifs à la teneur en CO2 et en humidité dans les locaux, déterminés à partir de la destination des locaux.
Mais cet air neuf, de quoi se compose t-il lui-même ?
C'est justement là que toute la focalisation de la réflexion doit se faire. Un air sain n'a pas la même définition en fonction de la localisation du bâtiment, non plus qu'en fonction des matériaux qui le composent et le meublent.
Les évolutions des maladies respiratoires ont conduit le corps médical et les pouvoirs publics à se pencher de plus en plus précisément sur la question. Les environnements industriels, routiers, etc. sont porteurs de polluants particuliers ; les environnements végétaux de pollens, les matériaux de composés organiques volatils, les milieux humides favorisent le développement de moisissures, …
Ce sont autant de données complexes relatives à l'air extérieur comme à l'air intérieur hors occupation à prendre en considération.
Ce qui est certain, c'est que l'air de l'environnement extérieur ne peut être modifié par le concepteur du bâtiment. Ce sera donc avec qu'il devra composer, comme il compose déjà en matière d'urbanisme, d'architecture, de données climatiques, de position des prises d'air … Pourtant, il reste à le prendre en compte pour déterminer la qualité de la filtration qui sera utilisée afin d'en minimiser les conséquences.
3°/ Du bâtiment malade … aux malades du bâtiment
D'un point de vue thermique, les effets relatifs aux ponts thermiques ont également déjà été mis en exergue avec le traitement du bâti. Mais c'est aussi en termes de qualité d'air intérieur que cela prend de l'importance, avec le développement potentiel de moisissures à cause de la condensation qui s'y forme. Les moisissures susceptibles de se développer dans un espace, sont non seulement nocives pour l'occupant, mais également pour les matériaux sur lesquels elles se développent et qu'elles détruisent, participant ainsi au possible accroissement des ponts thermiques. Or, la plupart des matériaux sont des supports potentiels de développement fongiques.
Une étude récente montre que 40% des logements français présentent un taux de moisissures trop élevé, contre 25% en moyenne en Europe (cf. le livre blanc de la qualité de l'air intérieur). Ceci laisse à dire que les systèmes de ventilation sont inadaptés ou inopérants.
Inadaptés … Paradoxalement, les réglementations thermiques successives conduisant à une meilleure isolation des bâtiments, conjointe à l'utilisation grandissante de systèmes générateurs de vapeur d'eau ont accentué le problème.
Inopérantes … Ce dernier qualificatif est à lui seul un point crucial. De même que le système se doit d'être correctement dimensionné, encore faut-il qu'il soit entretenu et maintenu en bon état de fonctionnement. La maintenance du système de ventilation reste un élément essentiel de la salubrité des espaces, sous peine de devenir lui-même source de contamination.
L'affichage obligatoire des composés organiques volatils émis (COV) dès le 1er janvier 2012, par les matériaux de construction et de décoration neufs (septembre 2013 pour les matériaux existants) lors de leur utilisation constitue d'ores et déjà un premier pas pour orienter les choix des concepteurs et utilisateurs. Cela conduit à faire un choix qualitatif et énergétique. Moins l'on aura besoin de ventiler pour éliminer les COV, moins l'on consommera d'énergie – aussi simpliste que paraisse le raisonnement. Toutefois, les COV ne sont pas des données stables ; la volatilité d'une substance va dépendre de l'environnement dans lequel elle se trouve, en termes de température, d'ensoleillement, d'hygrométrie, …
On voit encore une fois la corrélation qu'il peut y avoir entre la conception d'un bâtiment, les critères énergétiques et technologiques sur lesquels s'appuient les concepteurs, et les modes d'utilisation des occupants. Les réglementations sont très généralement contraignantes pour les professionnels ; elles répondent certes à des besoins clairs et que personne ne remettrait en question. Pourtant, c'est bien l'évolution du mode vie de tout un chacun qui y conduit. Certes, les sensibilisations des utilisateurs se font aussi ; mais sont-elles suffisantes ?
On s'aperçoit que l'intégration de nouveaux systèmes émetteurs de vapeur d'eau ou de mobilier émetteur de COV dans les logements a des effets néfastes sur les occupants. Ne serait-il pas intéressant aussi d'avertir les consommateurs et de leur donner les moyens de vérifier que dès que l'on modifie un paramètre d'utilisation d'un espace, c'est l'équilibre de cet ensemble qui se modifie ?
4°/ Et le bruit dans tout ça ?
Traiter l'ambiance est déjà un enjeu, la traiter en prenant en considération les critères de salubrité ne fait que compliquer la problématique. Pourtant, le concepteur n'est pas pour autant au bout de ses peines une fois cet ensemble calé. Quid en effet du système prévu ? Il est clair que les composants du système doivent avant tout répondre aux mêmes paramètres que ceux qu'ils traitent. Ils ne doivent être ni producteur de COV ni de possibles sources de développement de moisissures. Ils doivent être efficaces quant au confort apporté, économes en énergie, et … ne générer aucune autre pollution sonore.
Or, la pollution acoustique des systèmes a été grandement gérée par l'utilisation de nouveaux matériaux, synthétiques pour la plupart. Même si un composant « naturel » peut s'avérer tout aussi, voire plus émetteur de COV, ne faudra-t-il pas remettre en question certaines des solutions existantes en bas niveau sonore ?
5°/ Vers le bâtiment médicament ?
On l'a déjà vu ces dernières années, les métiers qui agissent autour de la conception du bâtiment demandent de plus en plus de compétences aux acteurs. D'une vision précise, d'une compétence particulière, on s'est « aussi » dirigé de plus en plus vers une vision globale, une approche multi disciplinaire. Le bâtiment est passé d'un élément statique à un ensemble vivant ; il se met en résonance avec son environnement, non seulement pour le protéger, mais également pour en assurer un mode de vie sain pour des occupants de plus en plus sensibles aux pollutions de toute nature.
Par Florence MOULINS, IFFI - INM, qui intervient au travers de son expérience de plus de 20 ans dans les métiers du froid, du génie climatique et énergétique.
flomoulins(at)yahoo.fr
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