Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019
Comme beaucoup d’entre vous, je suis parti en « vacances » cet été avec cette aspiration au calme, au soleil… mais sans canicule, à la détente et au repos. Je ne me plains pas. D’abord, parce que j’ai les moyens de partir. Ensuite, parce que la Normandie en été, contrairement aux adages, c’est du soleil sans surchauffe. Enfin, parce que j’ai profité de mes proches et de mes loisirs, en particulier, celui de prendre plus de temps pour lire mon quotidien.
Comme cette « humeur » vous cueille à la rentrée, nous n’allons pas évoquer immédiatement des sujets trop pointus. Je vous laisse reprendre votre rythme… et vous invite pour l’instant à partager un petit compte-rendu de lecture sur des sujets généraux et brûlants déjà évoqués, mais jamais assez.
2012 : dans le TOP 10 des années les plus chaudes depuis 1880
Le climat de l’année dernière pourrait devenir, selon un article du Monde (9/08), la « norme » des années à venir. Les 10 années les plus chaudes depuis 1880 (mesures sérieuses et générales des températures) sont postérieures à 1998 !
La publication d’une étude réalisée par 384 spécialistes originaires de 52 pays vient d’être publiée par la NOAA (National Ocean and Atmosphéric Administration). On y apprend qu’en 2012 par exemple, la banquise de l’Arctique n’a jamais été aussi réduite depuis que des mesures satellite sont réalisées. Que des records ont été battus : +3,2mm pour l’élévation moyenne des océans, 9,7 milliard de tonnes d’équivalent CO2 émises malgré un ralentissement des activités économiques. A ce train, certains prédisent que les troubles du climat pourraient engendrer des conflits.
Une étude, publiée dans « Science » du 1/08 portant sur 10000 ans d’histoire, constate certaines corrélations entre les tensions sociales et les changements climatiques. Des fortes chaleurs engendrent des conflits ménagers ou de voisinage, jusqu’à des guerres civiles en cas de problèmes alimentaires ou de pénuries d’eau. Mais ces conclusions sont controversées car considérées comme trop simplificatrices. Les causalités de conflits sont multiples et complexes. Cela dit, il sera intéressant de se pencher sur le prochain rapport du GIEC à paraître en septembre qui consacrera un nouveau chapitre aux problèmes de sécurité.
L’énergie bon marché ? Un passé révolu
Parlons un peu de la première puissance du Monde. Le parc énergétique américain serait de plus en plus vulnérable au changement climatique (Le Monde 3/07). Les sécheresses, tempêtes et inondations commencent vraiment à inquiéter les spécialistes. 350 centrales thermiques (principalement au charbon), soit 60% de leur parc, sont construites dans des zones où l’eau devient rare. Ainsi avec de tels aléas climatiques, les baisses de puissances en été passeraient de -4.4% à -16% d’ici 2060 !
En parlant d’eau, notons au passage que l’extraction des gaz de schiste est très consommatrice….
L’ouragan Sandy d’Octobre 2012 a endommagé des centrales, des raffineries, des oléoducs. Résultat : 8 millions d’américains ont été privés d’électricité.
Cette vulnérabilité ne va pas faire baisser les prix.
Par ailleurs, les coûts d’extraction du pétrole augmentent. Mais les majors sont encore sereins. Exxon + Shell + Chevron + Total ont réalisé à eux quatre 62 milliards de dollars de bénéfice au 1er semestre 2013. Néanmoins, il s’agit d’une baisse importante par rapport à 2012 : de -16% pour l’américain Chevron et jusqu’à – 53% pour l’italien ENI.
La demande mondiale continue à croître de 1% par an (!) mais les coûts de production auront augmenté de 20% en 10 ans. Il faut dépenser plus pour extraire moins. La rentabilité du numéro 1, Exxon, devrait passer de 21% en 2012 à 15% en 2015. Un peu de compassion SVP pour les pauvres actionnaires…
Quant au nucléaire, laissons volontairement Fukushima, sujet trop « brûlant » qui est malheureusement condamné à faire régulièrement la « une » pendant longtemps. Revenons sur le parc américain : les eaux de refroidissement des réacteurs se réchauffent inéluctablement sur certains sites, en Alabama en 2007, dans l’Illinois en 2012 et également dans le Connecticut (centrale Millstone à Waterford) où deux réacteurs ont dû être stoppés pendant deux semaines pour la première fois depuis 1970.
Et en France ? Rien à signaler, tout baigne ! Nous avons une électricité toujours à bon marché comparé à nos voisins. Peu émettrice de CO2. Notre parc est, paraît-il, très sûr… mais par rapport à quels types de risques… ? Les coûts de renforcement de la sécurité, les coûts pharaoniques de l’EPR, les coûts des démantèlements (il faudra vraiment aborder sérieusement la question de Fessenheim et des autres centrales vieillissantes) sont les sujets qui font comprendre que les tarifs de l’électricité ne pourront pas être maintenus encore longtemps à ce niveau.
Et le photovoltaïque ? Peut-être un avenir pour les usages domestiques qui sont, par définition, décentralisés… Mais pour l’instant, outre les questions techniques (stockage, gestion, « intelligence » des réseaux), il faut réguler le marché. Les tensions entre la Chine (80% de la production mondiale) et l’Europe perdurent malgré l’accord signé en juillet pour régler la question du dumping chinois. Le groupement des industriels européens (PROSUN) dénonce cet accord en faisant remarquer que le maximum de la quantité produite en Chine et exportée vers l’Europe correspond à une puissance installée de 7GW/an, soit … la quantité actuellement importée qui a fait l’objet du litige.
En se rappelant entre autres sa position sur le gaz de schiste, on peut se demander à quoi joue Bruxelles ?
Et qu’il est difficile de prévoir à quelle allure les coûts des énergies vont augmenter !
Les autruches sont au pouvoir
Rio, Kyoto, Copenhague, Berlin, Cancun, Doha, Montréal, une bien belle liste de belles villes où les conférences internationales (conférences des Parties, changement climatique) ont à chaque fois accouché du minimum « syndical ». Les décisions politiques à l’échelle internationale sont mues principalement et traditionnellement par des dogmes économiques et financiers. Les contraintes écologiques aux effets moyen et long termes n’intéressent vraiment pas les décideurs et les lobbies « environnementaux » sont encore des nains par rapport aux lobbies que je m’efforce de ne pas nommer.
Le temps passant, nous savons de plus en plus clairement et sûrement vers où nous nous dirigeons. Et pourtant, d’un côté, le cynisme le plus évident. De l’autre, l’espoir que les climatologues se trompent. Espoir de moins en moins crédible. Et espérer, n’est-ce pas un aveu d’impuissance ?
Allez ! Plutôt que de se lamenter sur notre sort, et surtout sur celui des déplacés climatiques dont les rangs vont grossissent inéluctablement, je vous propose un parallèle facile avec l’autruche. Pline l’Ancien disait injustement que cet animal était le plus stupide du monde en croyant se rendre invisible dès qu’il plongeait la tête dans le sable. D’où l’histoire du mâle poursuivant une femelle qui, à bout de souffle et se sentant rattrapée utilisa ce stratagème. Le mâle, arrivé à proximité d’elle, scruta l’horizon en se demandant où elle avait disparue !
Et bien, quelques caractéristiques de cet animal sont intéressantes : selon le sexe, entre 1,90 et 2,5 m de hauteur, pesant entre 90 et 150 kg, d’une durée de vie moyenne de 70 ans. C’est l’espèce d’oiseau terrestre le plus rapide. A l’âge adulte, sa tête se dénude et ses yeux deviennent généralement plus grands que son cerveau.
Troublant, non ?
Il faudra se dépêcher d’aller les voir (pour les Franciliens, le zoo de Vincennes rouvrira ses portes en Avril 2014) car, comme beaucoup d’espèces, elles vont se raréfier.
Contrairement à un oiseau proche mais beaucoup moins drôle qui continue de proliférer en détériorant quotidiennement le seul endroit où il peut vivre…
Bonne rentrée donc avec de prochaines humeurs plus techniques …
Le gouvernement français s'échine pourtant à réduire notre consommation en ponctionnant toujours plus d’impôts. Rien n'y fait, nous voulons toujours consommer plus. La vision à court termes des dirigeants est l'exacte reproduction de celle du peuple votant. Nos descendants se débrouilleront avec le monde dévasté que nous leur léguerons. Nous avons encore un peu de temps avant le déluge...