Par Bernard SESOLIS, expert Energie Environnement le 04 Juillet 2019
Etant en contact avec de nombreux organismes de formation, notamment pour les architectes, j’ai pu constater qu’en 2014 et 2015, ce secteur aussi est soumis au phénomène du « Buzz ». Le dernier en date est le BIM (Building Information Modeling). Loin d’être un nouveau sujet, il prend cependant une place grandissante dans notre quotidien professionnel. Au point que, même le sujet du développement durable, est passé un peu aux oubliettes. Les maîtres d’œuvre veulent désormais se former rapidement pour maintenir un niveau de compétence suffisant.
Cet engouement est-il justifié ? Qu’est-ce qui fait courir les acteurs du bâtiment vers le BIM ?
Effet de mode ou changement profond des professions ?
1/ Tout ce que vous voulez savoir sur le Building Information Modeling
Ce n’est ni mon humeur et encore moins mes compétences en la matière qui vous informera sérieusement au cas où vous n’auriez pas encore été emporté par le « tsunaBIM ». La littérature commence à se muscler. Pour ceux qui découvrent le sujet, Wikipédia présente une excellente introduction. Je vous recommande également la lecture du très synthétique article de Jonathan Renou actuellement sur le site Xpair.
Quant aux articles de presse, aux modules de formation, vous n’avez que l’embarras du choix.
Les Pouvoirs Publics ont institutionnalisé ce qu’il est commun d’appeler maintenant la « révolution numérique ». Je croyais naïvement que cette révolution avait eu lieu dans les années 80-90 et que nous étions maintenant dans la queue de la comète pour quelques siècles.
Erreur ! Il paraît que le numérique va nous envahir … Mais alors, quid de l’invasion des ordinateurs, de l’internet, des connections tout azimut, notamment avec l’apparition du smartphone qui nous libère une main et nous ouvre à l’information mondialisée ? Et la GTC, la GTB, les logiciels de gestion, de production, de dessin, de calculs, les automatismes de tout poil, la domotique, même si elle a subit un sacré flop, bientôt les smart-grids ?
Nous baignons depuis longtemps dans le numérique. Mais avec l’approche anglo-saxonne du bâtiment (Etats-Unis, Corée du Sud, Hong Kong et Singapour, également la Finlande et le Royaume – Uni en 2016, …) consistant à rendre obligatoire l’utilisation de la maquette numérique pour certains bâtiments, publics, avec comme objectif premier, la réduction des coûts de construction d’au moins 20%, le mot « numérique » connaît une nouvelle jeunesse. Les européens n’ont pas voulu rester à la traîne. La Directive 2014/24/UE adoptée cette année encourage les états membres à inciter ou à obliger l’usage du BIM dans les projets de construction.
En France, le BIM serait imposé dans les projets de bâtiments publics dès 2017. Pourtant, face à cette volonté de banalisation, les outils sont encore « en développement », ou bien alors, vraiment opérationnels mais que pour du très haut de gamme. La majorité des acteurs n’est pas préparée et la structure qui les anime n’est pas adaptée.
2/ L’angoisse comme moteur d’évolution
On comprend la fébrilité régnante et l’engouement pour les offres de formation sur le BIM. Les architectes comme les ingénieurs, les maîtres d’ouvrage comme les entreprises, tous veulent éviter l’obsolescence à court terme de leur savoir-faire.
Pris à la gorge, ils se forment, dans le meilleur des cas, avec des vrais praticiens, les Bim managers, nouveaux partenaires dans le monde du bâtiment, et dans le pire des cas, avec des chercheurs ou des théoriciens du concept. Comme l’attente est plutôt celle d’une prise en main opérationnelle de l’outil BIM, vous comprendrez aisément les qualitatifs « meilleur » et « pire ».
Une autre raison nourrit cette angoisse. Avec l’échéance de 2017, si le BIM se banalise pour les bâtiments publics, le secteur privé s’alignera rapidement, tout comme les projets d’une certaine importance, publics ou privés ayant déjà été « bimés ».
L’obsolescence du savoir-faire se traduira alors violemment par la disparition des petites structures d’architecture et d’ingénierie qui n’auront pas pris le virage à temps. Cette majorité d’acteurs doit non seulement se former dans l’urgence, mais aussi investir en logiciels. Seuls, ceux disposant d’une trésorerie suffisante se maintiendront en compagnie des acteurs maîtrisant le BIM et déjà expérimentés, c'est-à-dire, les majors et les spécialistes. Ces derniers pourraient devenir momentanément la roue de secours des petites structures, mais une roue coûteuse. Les honoraires n’étant pas élastiques et ayant même tendance à se réduire encore, on imagine aisément l’évolution du contexte professionnel de la maîtrise d’œuvre !
Cette accélération de l’histoire, cette précipitation vers l’obligation d’un processus maîtrisé par une minorité peut engendrer une belle casse sociale !
3/ Le BIM, pour quels progrès ?
Dans les outils existants à des coûts abordables, les niveaux supérieurs du BIM, 2 (maquette numérique collaborative avec des échanges d’acteur à acteur), et surtout 3 (maquette intégrée en réseau permettant tous les échanges interactifs possibles des différents corps de métier) ne sont pas encore accessibles.
L’offre des outils abordables financièrement et du point de vue des acquis de compétence se résume pour l’instant, d’abord à une aide au projeteur qui peut facilement alimenter un plan filaire pour le renseigner sur des réseaux aérauliques ou hydrauliques avec tous les accessoires, chaque élément étant renseigné selon des caractéristiques permettant d’effectuer in fine automatiquement des calculs de coûts, de pertes de charges, de rendements, … L’architecte pouvant faire de même sur les éléments du bâti.
C’est déjà beaucoup et l’obtention de plans en 3D aussi bien renseignés représente un réel progrès.
Tous les autres avantages apparaîtront progressivement, à toutes les phases du projet, de la programmation jusqu’à la gestion et la déconstruction du bâtiment. Ceci est indéniable. Il est tout aussi indéniable que cette démarche réduira les coûts de construction, voire d’exploitation.
Le BIM peut donc s’inscrire dans le développement durable.
Il faut donc éviter la posture consistant à croire qu’on pourra à terme se passer du BIM. Mais il faut être réaliste : en France plus qu’ailleurs, les échanges entre professionnels sont plus difficiles. Les architectes, les ingénieurs, les techniciens, les commerciaux, les économistes, tous ces professionnels ont été formés dans des écoles beaucoup plus cloisonnées qu’à l’étranger, notamment chez les anglo-saxons où la notion des échanges et du partage des compétences est plus naturelle.
Loin d’être une mode, la maquette numérique va donc profondément changer les métiers.
Cependant, la banalisation du BIM en France suppose que l’obstacle sociologique de la structure des acteurs de la construction soit franchi. Pour y parvenir, il faudra un peu plus de temps …
« On fait assez vite quand on fait bien » disait Suétone.
Oui. Sans BIM, … BOUM !
Mais, BIM + précipitation = BOUM BOUM …
Bernard Sesolis
bernard.sesolis@gmail.com
Je ne suis absolument pas d'accord. Si des solutions telles que Catia ou Revit sont très coûteuses, il existe des solutions qui le sont beaucoup moins, par exemple Rhino associés de différents plugins. J'ai cherché des solutions totalement Opensource mais pour l'instant n'en ai pas trouvé de satisfaisante pour le BIM (Blender n'est pas adapté au dessin architectural ou BIM). Rhino reviendra beaucoup moins cher qu'une licence Autocad 2D/3D et peut lire les formats DWG, et son plugin VisualARQ permet l'extraction en plans (qui devient inutile si tout le monde travaille sur la maquette numérique au cours du projet). Je n'ai aucune action ou intérêt pour ce logiciel, mais suggère simplement de se renseigner complètement sur TOUS les outils disponibles et les processus ou workflow à mettre en place avec les outils et planning correspondants AVANT de commencer la conception et construction. Au final, vous vous apercevrez que l'utilisation du BIM va en fait permettre des économies considérables pour tous les acteurs, et particulièrement pour le maître d'ouvrage. Il s'agit de partager et mutualiser les outils, la formation et l'information pour les petits acteurs. En fait, c'est tout le contraire. Le BIM va permettre au petits acteurs de concurrencer sérieusement les grands, qui sont encombrés de lourdes équipes et d'énormes frais fixes et sont peu réactifs, alors que le numérique est de moins en moins cher.