Par Philippe Nunes – Ingénieur ENSAIS – ICG – DG d’Xpair
Cette chronique traite de la prise en compte croissante du confort et du bien-être au travail et des solutions mises en place pour répondre aux attentes des utilisateurs. Espace de travail et d’échange et espace de productivité, la qualité de vie au travail est prise très au sérieux car c’est un confort global et holistique qui donne les meilleurs résultats et qui rend les usagers, si ce n’est heureux, « bien dans leur lieu de travail ».
Le présent propos s’appuie sur une étude récente de 36 pages, réalisée en partenariat avec l’Arseg suite à une enquête réalisée auprès de 275 utilisateurs entre mars et novembre 2016, fort bien faite, par l’OID « L’observatoire de l’immobilier durable » de février de 2017 que nous vous recommandons de lire attentivement. Elle intéressera particulièrement les maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et concepteurs des bureaux d’aujourd’hui et de demain !
Téléchargez l’étude confort et bien-être dans les immeubles de bureaux – par l’OID
Rapport OID 2017
L’immobilier peut-il rendre heureux ?
Dans cette étude Alexandre Jost (Fondateur et Délégué Général de la Fabrique Spinoza), met en relief tout l’intérêt d’un immobilier de bureaux pensé pour les usagers : « Le sujet du bonheur et plus spécifiquement du bonheur au travail prend de plus en plus d’ampleur. L’intérêt des organisations pour le bien-être de leurs salariés a pris forme sous le nom de Qualité de Vie au Travail, dont les solutions ne semblent pas mettre l’accent sur le travail lui-même. L’immobilier peut apparaître à première vue comme un aspect non fondamental dans le travail, mais il détient un pouvoir structurant dans l’association du travail et du bonheur. Car un lieu, c’est d’abord une empreinte physique qui affecte notre vie dans sa globalité. La lumière, la température, l’environnement, le végétal, le mobilier, forment un microcosme participant au bien-être de chacun. Une relation au corps que l’on a tendance à oublier dans le cadre du travail et à qui nous devons redonner la place … Et si les transformations du lieu de travail influençaient directement la manière de travailler ? … Réfléchissons à des immeubles qui libèrent les individus, qui permettent à chacun d’exercer sa liberté, sa créativité, son efficience et d’être épanouis dans son travail ! »
L’étude de l’OID menée a permis d’identifier les attentes des collaborateurs sur le confort et le bien-être dans les immeubles de bureaux. Puis de proposer des pistes de réflexion sur les immeubles de bureaux qui correspondent à ces attentes.
Pour s’intéresser au confort et au bien-être des usagers de bureaux ?
C’est désormais une certitude : s’intéresser au confort et au bien-être permet de préserver dans l’entreprise le capital humain et d’accroître la productivité.
Les attentes s’inscrivent dans le principe du cercle vertueux qui veut que ce qui est apporté en matière
d’amélioration des conditions de travail fera d’abord l’objet d’un retour positif de la part des collaborateurs et bénéficiera in fine à l’employeur par l’amélioration des résultats (hausse de la productivité, baisse des coûts).
À la question posée dans le cadre de la réalisation de cette étude – qu’attendent les utilisateurs d’un bâtiment durable ? – répond un constat unanime : le bâtiment durable est une réponse satisfaisante aux attentes des occupants.
Face à l’ampleur prise par ces sujets dans le débat, cette étude est suffisamment ouverte pour interroger directement les utilisateurs et de solliciter des acteurs de l’immobiliers tels que promoteurs, investisseurs, exploitants ou entreprises générales de bâtiment pour apporter leur contribution à la réflexion.
© Eric Laignel - Saguez & Partners
Quels aspects sont concernés par le bien-être et le confort dans un immeuble de bureaux ?
Le bien-être et le confort vont concerner de manière non exhaustive ces aspects :
L’espace de travail
• Rapport au territoire
Accès aux réseaux de transports
Interconnexion à la voirie (parking, etc.)
Accès aux services de proximité
Vue et espaces verts
• Qualités intrinsèques
Qualité de l’air intérieur
Qualité de la luminosité
Qualité de l’eau
Confort acoustique
Confort thermique
Circulation dans les espaces
Décoration
L’aménagement
• Poste de travail
Fonctionnalité, espace
Ergonomie
Adaptation aux besoins
• Espaces partagés
Disposition des espaces
Fonctionnalités
des espaces
Les services au travail
• Alimentation
• Activité physique
• Hygiène
Propreté des locaux
Sanitaires à disposition
(toilettes, douches, etc.)
• Détente et convivialité
• Services personnels
(crèche, conciergerie, etc.)
Immeuble de bureaux : confort, bien-être et certifications HQE, BREEAM et WELL
55 Amsterdam - Architecte : Naud & Poux
Les certifications environnementales
ont dès le début intégré des enjeux
liés au Confort et à la Santé des
occupants, regroupées aujourd’hui
dans le terme de Qualité de Vie au
Travail. Cependant, si la certification
environnementale constitue un
prérequis pour certains utilisateurs
dans le cadre de leur politique RSE,
elle n’est pas garante de l’efficacité
énergétique ou du confort réel pour
les utilisateurs 3.
L’analyse porte ici sur les critères du sondage qui
apparaissent prioritaires pour les répondants :
Lumière et confort visuel, Desserte et services à
proximité, aménagement des postes de travail, et
espaces associés.
Les certifications comparées sont les 3 démarches
majeures en France : les certifications environnementales
HQE, BREEAM, leurs versions en
exploitation, ainsi que la plus récente certification
WELL, centrée sur le bien-être et la santé des
occupants.
CONFORT VISUEL, LUMIÈRE ET VUES
SUR L’EXTÉRIEUR
Prioritaire pour les répondants, ce critère est bien
intégré par les certifications HQE et BREEAM,
avec une approche architecturale et technique.
La certification WELL, plus récente, adopte une
approche différente, moins exigeante sur le niveau
d’éclairement naturel mais qui introduit le concept
de rythme circadien, déterminant nos périodes
actives et nos périodes de sommeil en fonction de
la lumière environnante.
DESSERTE ET SERVICES À PROXIMITÉ
La question des transports en commun et des
moyens de déplacements doux est bien intégrée
du fait de l’impact environnemental des transports.
Proximité des transports en commun, bornes de
recharges des véhicules électriques, dispositifs
pour les cyclistes deviennent des standards voire
des obligations règlementaires en milieu urbain.
Concernant les services, le constat diffère selon les
certifications. Les démarches BREEAM valorisent
les services « traditionnels » aux alentours du site
comme la proximité de banques ou de centres postaux.
Le WELL et la nouvelle version du HQE, sortie
en 2016, prennent désormais en compte des services
situés au sein du bâtiment plus orientés vers le
confort et le bien-être : salles de sport, restauration
saine, crèches, parcs et espaces verts notamment.
AMÉNAGEMENTS DES ESPACES
DE TRAVAIL
Non pris en compte par les certifications « historiques
» HQE et BREEAM, les critères liés aux
aménagements des espaces de travail ne sont
abordés que depuis l’apparition de la certification
WELL. Les certifications sont en effet encore très
majoritairement portées par les promoteurs et les
propriétaires, qui n’ont pas la main sur les aménagements
preneurs.
La démarche WELL prend en considération les
aménagements preneurs, dans sa version « complète
» New and Existing Buildings, mais la version
Core & Shell reste très majoritaire en France. Sont
valorisés notamment l’adaptabilité du mobilier et
des équipements de travail, la flexibilité des postes
de travail, la création d’ambiance thermiques
adaptées à la subjectivité des usagers, la création
d’espaces calmes et d’espaces collaboratifs, ou
encore la promotion du Beau et de l’Art.
ESPACES ASSOCIÉS : RIE, AUDITORIUM,
HALLS D’ACCUEIL, TERRASSES...
Si des exigences techniques existent pour les
espaces associés, ils ne sont pas valorisés en
soit par les certifications HQE et BREEAM. La
démarche WELL se démarque puisqu’elle incite
directement à la création d’espaces alternatifs,
salles de sport, bibliothèques et terrasses accessibles
aux usagers.
Au global, chaque certification prend en compte
des critères de confort et de bien-être. Les certifications
« historiques » intègrent majoritairement
des dispositions techniques, pas forcément
« palpables » par les occupants. Les thèmes
Confort et Santé y sont moins souvent traités à des
niveaux 3 ou 4 étoiles que les thèmes Energie ou
Environnement.
Le WELL introduit de nouveaux critères : biophilie,
qualité de l’eau potable, aménagements intérieurs,
esthétique ou encore politique RH. Néanmoins, en
France, la démarche Core & Shell prédomine largement,
les enjeux d’aménagements ne sont donc
pas obligatoirement intégrés.
Quelle que soit la certification, intégrer l’ensemble
des critères nécessite de porter une partie de la
démarche avec l’utilisateur final.
D’autres démarches de labellisation ou de certification
existent par ailleurs sur des sujets spécifiques
qui traitent de la valeur d’usage des bâtiments et
rejoignent les enjeux de confort et bien-être, comme
l’amélioration de l’offre digitale et de connectivité
des bâtiments (label WiredScore), l’accessibilité
des immeubles (Label Accessibilité) ou encore la
biodiversité (Label BiodiverCity®).
3 Source : Enquête DTZ et Novethic 2013, Immobilier tertiaire
et performance environnementale.
Importance et prise en compte des critères de confort et bien-être selon les collaborateurs
Niveau de prise en compte les plus importants
Commentaires sur les attentes et prises en compte du confort et bien-être dans les bureaux
L’analyse a permis de retenir les points suivants :
LES TENDANCES GÉNÉRALES
→ Confort
Lumière naturelle, température, bruit :
les principales attentes en termes
d’aménagement des espaces de travail
sont bien prises en compte
La proximité de fenêtres, la hauteur sous plafond,
le calme, ces éléments font partie des attentes les
plus fréquemment citées mais également perçues
comme bien prises en compte.
→ Espaces de travail
Des espaces suffisamment grands
et collaboratifs : une priorité partagée
entre DET et utilisateurs
En plus de ces aspects sensoriels importants, les
DET se déclarent attentifs à la surface de travail
par personne (87%) ainsi que la mise à disposition
d’espaces partagés (salles de réunion, plateaux
ouverts, etc. (92%).
Si les collaborateurs partagent ce point de vue, ils
jugent en revanche que leurs attentes liées à l’espace
de travail personnalisé ou partagé ne sont pas
suffisamment prises en compte.
Architecte : Christian de Portzamparc - © Augusto Da Silva/Graphix-Images
→ Espaces de travail
Bureaux individuels ou partagés :
les collaborateurs attendent de la flexibilité
Plus que la mise à disposition d’un espace de travail
personnalisé suffisamment dimensionné, la possibilité
de pouvoir disposer en alternance d’espaces
de travail collaboratifs est désormais une demande
soutenue et récurrente.
Notons que la mise à disposition d’un espace de
travail privatisé et calme est particulièrement plébiscitée
par les collaborateurs des entreprises de
grande taille.
→ Services
Les services, plutôt à proximité
que dans le bâtiment
Disposer de services « personnalisés » dans le bâtiment
n’est pas pour les salariés une priorité. Leur
position est plutôt de considérer le bâtiment dans
son territoire et de s’assurer qu’ils peuvent avoir
accès à des services de proximité. Cela traduit
peut-être le refus de mêler vie privée et vie professionnelle.
Mais d’une manière générale il faut
aller chercher l’explication dans l’aspect pratique
(comme par exemple les crèches dont l’éloignement
par rapport au domicile est un vrai handicap
notamment dans les grandes villes) et dans la perception
du lien social développé avec le commerce
de proximité.
La taille de l’entreprise est un facteur de différenciation
dans l’appréciation. Pour les entreprises de
grande taille, disposer d’une infrastructure sportive
et culturelle, d’une conciergerie ou avoir la possibilité
de se restaurer sur place avec des produits
sains et respectueux de l’environnement sont des
attentes plus marquées.
Conclusion par Gérard Degli-Esposi – Président de l’OID
55 Amsterdam - Architectes : Naud & Poux
« Jamais la question du bonheur au travail n’aura été posée avec autant d’insistance.
C’est manifestement comme le souligne la Fabrique Spinoza « un des sujets où l’alignement
entre les enjeux économiques et humains est le plus manifeste 7 ».
Et cela à cause d’une certitude : s’intéresser au confort et au bien-être permet de préserver dans
l’entreprise le capital humain et d’accroître la productivité.
À la question posée dans cette enquête – qu’attendent les utilisateurs de leur espace de travail –
la réponse est sans équivoque : le bâtiment durable, responsable et désirable est une réponse
satisfaisante à leurs attentes.
Les profondes mutations que nous vivons, résultats des deux évènements majeurs que sont le
réchauffement climatique et l’innovation technologique, ne peuvent pas épargner les modes de
production et de consommation.
L’aspiration des jeunes générations à se réaliser « ici et maintenant » fait du travail un élément
contributif à l’épanouissement personnel. Le télescopage des temps du travail et des temps du
loisir mis en évidence par des sociologues comme Jean Viard 8 trouve sa traduction dans les
nouveaux modèles d’espaces de travail.
Dans ce contexte, nous avons souhaité nous interroger sur l’espace, l’aménagement et les
services qui constituent ce qu’on qualifie d’environnement du travail.
Lumière naturelle, température, acoustique, espaces verts, flexibilité, qualité de l’air et de l’eau,
détente et convivialité, sport et culture, mise à disposition de vélos, services à proximité, produits
d’entretien respectant l’environnement et alimentation en produits bio, révèlent même avec des
nuances et quels que soient les générations et les sexes, le besoin d’épanouissement à travers
l’exercice du travail qui rappelons-le signifie « quand même » étymologiquement tourment et
souffrance. Prendre soin de sa santé physique et mentale à travers le développement du confort
et du bien-être c’est aussi adapter son cadre et son rythme biologique.
La conséquence la plus visible de cette adaptation est la modification du statut des espaces.
Nous avons souhaité insister sur leur transformation tant elle est devenue perceptible. Au hall
multifonctionnel et ouvert sur la ville, aux circulations décloisonnées, aux bureaux collaboratifs, aux
espaces de réunion flexibles et hyper connectés, aux toitures végétalisées sources de biodiversité
et d’agriculture urbaine, ou au RIE « désintégré » en modules de restauration, ont trouvé leur place
les espaces de détente, les salles de fitness ou celles de musique. Un peu comme si le modèle de
l’immeuble de bureau avait implosé sous l’effet de la transformation des modes de travail.
Dans ce contexte, il est utile de rappeler l’intérêt du travail remarquable commandé par le Plan
bâtiment durable et réalisé par le groupe RBR 2020/2050 sur la définition d’une nouvelle réglementation
thermique. Dépassant le cadre de la seule amélioration de la performance énergétique, les
membres de ce groupe ont souhaité articuler leur travail « autour de 3 regards croisés : l’homme, le
territoire et le temps… en remettant au coeur de la réflexion l’usager et le citoyen avec notamment
la prise en compte du confort et du bien-être en réponse à une demande sociale croissante 9».
Nous avons enfin souhaité montrer de quelle manière les certifications ont intégré la thématique du
confort et du bien-être dans leur référentiel en mettant en parallèle les cibles retenues et les attentes
issues de l’enquête. L’émergence de certifications dédiées tant en construction qu’en exploitation
est révélateur de la prise de conscience que l’enquête que nous avons menée a mis en lumière.
Force est de constater que la recherche du bonheur au travail n’est pas une utopie et que
l’amélioration du confort et du bien-être est devenue un objectif prioritaire que ce soit pour les
entreprises (à travers le développement de leur stratégie RSE) que pour les investisseurs (à travers
le déploiement de leur politique ISR).»
Téléchargez l’étude confort et bien-être dans les immeubles de bureaux – par l’OID
Rapport OID 2017
Chronique et étude mise en avant par Philippe NUNES
Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d'XPAIR, ex-dirigeant de bureaux d’études (Project Ingénierie et Ingetec),
il intervient en apportant son éclairage et son expérience de plus de 25 ans dans les métiers du génie climatique et énergétique.
SOURCE ET LIEN
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