Par Olivier PAPIN - E6 Consulting
Les ilots de chaleur urbains ont été un sujet d’actualité lors de la canicule de début d’été 2017, mais ont disparu des radars en même que le thermomètre baissait lors de cet été que nous qualifierons de « mitigé ».
Toutefois, avec le changement climatique, et les nombreux projets d’urbanisme en cours sur les territoires, il est stratégique de prendre en compte la problématique d’ilot de chaleur urbains.
Les grandes agglomérations et communes sont concernées par ce type de phénomène et dans un contexte d’adaptation au changement climatique, il est indispensable d’améliorer la connaissance précise des îlots de chaleur afin de proposer des mesures de remédiation.
Identifier les ICU (Ilots de Chaleur Urbains) de son territoire
Les images satellites infrarouge nous permettent d’avoir un instantané des températures de surface du territoire.
Si ces données ne reflètent pas l’intégralité de la problématique ilots de chaleur, qui intègre les notions de température ambiante, vents urbains, température de surface, etc, elles permettent toutefois de localiser en première approche le phénomène sur la zone à étudier.
Nous avons pu confirmer par des mesures in situ, que les zones identifiées à partir des images satellites, sont également les zones les plus chaudes à partir des mesures terrains.
Nous utiliserons donc les cartes satellites pour illustrer notre propos.
Illustration à l’échelle d’un territoire : la Métropole de Bordeaux
A l’échelle d’une Métropole comme celle de Bordeaux, on distingue ainsi plusieurs ilots de chaleur urbains :
- Les zones d’activités et zones commerciales, qui constituent clairement les points les plus chauds
- Le tissu urbain dense en général
- Quelques champs qui peuvent ponctuellement être chaud si la terre a été retournée. Ils ne stockent toutefois pas la chaleur et ont un facteur de ciel important, donc ils contribuent peu au phénomène
Voici sur Bordeaux Métropole, quelques ICU identifiés à partir des cartes satellites :
Les zones les plus chaudes de la métropole ne sont pas finalement uniquement lié à l’aspect central d’un point de vue urbanistique, certes assez significatif, mais on constate que les zones les plus chaudes sont les zones d’aménagements (ZAC) qui offrent des surfaces minérales importantes, peu d’ombre, peu de végétation, et des toitures bien souvent très plates, ce qui favorise l’accumulation de chaleur sur la zone.
Par opposition au centre historique, ces aménagements récents liés à l’urbanisation, renforcent plus l’effet d’ilot de chaleur urbain que l’urbanisation « à l’ancienne » via la ville de pierre et le tissu d’échoppes.
D’un point de vue îlots de fraîcheur urbains, que constate t-on ?
- La forêt périurbaine est bien sur un magnifique ilot de fraicheur à l’échelle du territoire
- La Garonne joue également clairement un rôle
- Les parcs, jardins, cimetières (!), plans d’eau possèdent également un pouvoir rafraîchissant, tout comme les coteaux de Garonne
Les îlots de fraîcheur n’ont quasiment pas évolué au cours des dernières années à l’échelle de la métropole. Cependant à une échelle plus locale, la plantation d’arbres, l’aménagement des quais ainsi que la création du miroir d’eau ont favorisé l’extension de l’îlot de fraîcheur lié à la Garonne.
La fraicheur apportée par le pourtour forestier et agricole, les parcs et jardins, la Garonne et ses coteaux est incontestable à l’échelle de la métropole.
La difficulté, une fois qu’on a identifié les ICU et les IFU à l’échelle d’un territoire, est de passer à la mise en œuvre des solutions.
Comment aborder ce sujet dans les projets d’aménagement ?
Afin de rendre pédagogique ces enjeux, et accessibles, même à l’échelle de petits projets, nous avons imaginé un outil : score ICU.
Le principe de score ICU est simple : s’il est difficile de prévoir quelle température il fera à quel endroit de la place, de la rue, ou du projet sans modélisation, il est beaucoup plus simple de définir, de manière empirique, les zones qui seront les plus chaudes et les plus fraîches.
Il s’agit donc de classer les aménagements en 9 tranches de chaleur, de la plus fraiche à la plus chaude.
On ne cherche donc pas à prédire une température, mais bien à sensibiliser sur le sujet, et permettre un dialogue constructif sur les solutions à mettre en œuvre.
Évaluer simplement un projet, un aménagement
L’outil « score ICU » permet donc de définir un score, sans unité, permettant d’indiquer si l’aménagement a, ou va améliorer ou dégrader le confort thermique estival lié aux ilots de chaleur urbains.
L’outil a été testé sur plusieurs sites de Bordeaux Métropole ainsi que du Grand Lyon.
L’exemple ci-joint montre comment l’aménagement des quais de la Garonne, ilots de fraicheur du territoire de la métropole Bordelaise, a été encore amélioré par la suppression des parkings et la mise en œuvre du miroir d’eau.
Le score ICU des berges de Garonne rive gauche passe ainsi de 0,48 (plutôt frais) à 0,40 (frais).
L’outil n’a pas la prétention de se substituer à des modélisations du phénomène mais il permet de manière simple et rapide, de prendre en compte le phénomène en comparant le profil ilot de chaleur d’une place, d’une rue, d’un ilot, ou d’un territoire.
Exemple ci-dessus avec une place à Lyon, où l’aménagement (changement de l’albédo, développement de la végétation) permet ainsi de passer de 0,76 (chaud) à 0,69, soit une baisse de 9% du score ICU.
On peut également analyser plus dans le détail le profil du score ICU
Une base de données de matériaux
L’outil intègre également une base de données de matériaux, évalués selon 6 critères :
• Chaleur massique
• Albédo
• Émissivité
• Perméabilité
• Énergie Grise
• Impact carbone
Suivant la saison, la démarche peut être complétée par des campagnes de mesures (températures ambiantes, mesures d’albédo, température au thermomètre-globe mouillé) et des photographies infrarouges.
Cet outil est actuellement utilisé par Bordeaux Métropole et le Grand Lyon.
Il est diffusé aux collectivités via des formations.
Olivier PAPIN , E6 Consulting
L’agence Sud-Ouest d’ECIC est devenue en 2016 le pôle de compétence environnement du groupe Nepsen, et voit son nom évoluer pour devenir E6.
SOURCE ET LIEN
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