Par Philippe NUNES – Ingénieur ENSAIS - ICG
La réglementation thermique après la RT 2012 sera bien la RT 2020 qui traitera du BEPOS (Bâtiment à Energie Positive) pour toute construction neuve. Entretemps, la période de transition dans laquelle nous sommes, va faire apparaitre des labels de performances pour valoriser les constructions dépassant la simple réglementation RT 2012. Vers quels labels de construction allons-nous et pour quand ? Voici pour fixer les idées sur ces prochains labels les échanges récents avec Alain MAUGARD, président de QUALIBAT et ex-président du CSTB.
Les différentes chroniques peuvent être également consultées à partir du lien : conseils.xpair.com.htm
Un abonnement gratuit est également possible à la lettre mensuelle « le regard d’Alain MAUGARD » www.xpair.com/moncompte.htm
A force de penser sobriété énergétique n’a-t-on pas mis de côté la sobriété environnementale ?
L’appétit pour plus de sobriété énergétique est toujours aussi présent certes, mais il ne serait pas si ultime que cela. On aurait peut-être surestimé l’aspect énergétique en comparaison de l’aspect environnemental quelque peu délaissé par rapport aux objectifs Grenelle de bas carbone.
Certes, les objectifs du Grenelle qui guident nos réglementations énergétiques étaient bien de minimiser avant tout nos émissions de carbone. Il était dans un premier temps plus simple de s’attaquer aux baisses de consommations d’énergie et donc d’introduire la réglementation RT 2012, véritable saut vers le bas pour réduire par 2 ou 3 les seuils de consommations.
Cependant, autant les règles se sont ainsi durcies pour la réglementation thermique que celles liées à l’environnement n’ont été quasiment pas touchées. Bilan carbone, énergie grise, et plus généralement gestion de l’eau et des déchets, … présentent ainsi un potentiel d’actions sur lequel agir prochainement, ceci en toute cohérence avec les objectifs de bas carbone du Grenelle.
Le BEPOS à venir en 2020 doit-il être seulement énergétique ? Une construction BEPOS présentant un très bon bilan d’énergie positive, mais situé loin des centres d’activité, est-il « plus ou moins performant » qu’un même bâtiment avec un bilan d’énergie moins bon mais situé près des centres d’activité, et au centre des transports en commun ?
La démonstration est ainsi faite car l’objectif BEPOS ne sera pas seulement de construire un bâtiment à énergie positive mais aussi un bâtiment présentant des qualités environnementales. Soit un « BEPOS environnemental » à qualités énergie positive et environnementale.
Les futurs labels RT 2012 seront donc à qualités environnementales ?
Oui ! Et de ce fait les labels uniquement basés sur l’énergie de type HPE et THPE reposant sur un renforcement de la RT 2012 ne verrons donc pas le jour.
Le plus constructif est donc de se projeter directement et le plus vite possible en 2020 afin d’apprécier la juste valorisation carbone des énergies notamment gaz et électricité. Et ce le plus vite possible car plus vite l’annonce du label est faite, plus vite toute la filière de la performance énergétique s’anime : l’innovation, le secteur du bâtiment, l’industrie …, soit un premier label qui verra le jour début 2015 très probablement ! En se laissant la porte ouverte éventuellement pour un autre label à la veille de la réglementation RT 2020.
Rappelons-nous que ce label a été officialisé et annoncé par la Ministre en poste à l’époque Cécile Duflot. Rappelons qu’il sera mis en œuvre avec des actions concomitantes (simplification des normes et réglementations, travail collaboratif autour de la maquette virtuelle, sur la baisse des coûts de construction…).
- Lecture conseillée : Futur label à venir, ... à dimensions environnementales et énergétiques
Quel est le premier critère environnemental qui sera retenu dans le futur label RT 2012 ?
C’est l’énergie grise qui sera au centre du prochain label RT 2012. La première dimension environnementale qui a été retenue est celle liée à la construction en général avec le minimum d’énergie tout au long du cycle de vie, jusqu’à la démolition et aux recyclages. Oui, c’est bien celle de l’énergie grise. Après avoir agit avec les réglementations thermiques successives sur la réduction de l’énergie d’exploitation, nous nous sommes attachés à agir sur l’énergie consommée par le bâtiment: c’est l’énergie grise.
L’énergie grise impacte sur plusieurs plans. Déjà sur la qualité des matériaux au niveau de leur cycle de vie. Combien d’énergie a-t-on dépensé pour les transformer, les transporter, les recycler ? Quelle est en parallèle leur durée de vie également ? Par exemple, nous pouvons imaginer de recycler sur place du béton. Dans ce cas, je n’utiliserai pas autant d’énergie grise car j’aurai moins de matières premières à aller chercher dans les carrières.
Moins d’énergie pour la fabrication, une durée de vie plus longue et un recyclage étudié et peu consommateur ! Voici les 3 idées qui vont guider les innovations à venir qui impacteront le bilan d’énergie grise.
Une comparaison plus fine des énergies est sans doute à prévoir, notamment pour l’électricité ?
Cette question est intéressante car elle soulève le problème environnemental lié aux énergies en termes d’émissions de gaz à effet de serre et CO2. Alors que cette donnée a été plutôt simplifiée dans la RT 2012, exclusivement à dimension « énergétique », le bâtiment de demain qui respectera le label 2015 - ou le suivant à la veille de la RT 2020 - devra indiquer l’empreinte carbone de ses consommations.
Pour le moment et au regard de la RT 2012, nous avions juste établi une moyenne annuelle de la trace carbone de l’électricité ; un seul et unique chiffre pour toute l’année. Alors qu’en toute évidence, l’électricité consommée a une trace carbone dépendante du temps, différente d’une minute à l’autre, d’un jour à l’autre. Si l’électricité est uniquement d’origine nucléaire ou hydroélectrique, sa trace carbone est plutôt faible. Si l’électricité est produite par des centrales thermiques gaz, fioul ou charbon, le résultat est notoirement différent. Ainsi pour la solution électrique, il faudra disposer de plusieurs traces carbones selon le paramètre temps.
Ainsi, si un bâtiment est conçu pour ne pas consommer d’électricité dans les périodes précises où l’électricité est la plus carbonée, il sera à dimension environnementale supérieure. Ce bâtiment qui s’efface pendant les périodes de pointe où EDF met toutes ses centrales thermiques en service, devra avoir un avantage de consommation électrique considérable. Le bilan de consommation de carbone peut être très différent d’un bâtiment à l’autre, les deux utilisant l’électricité, mais différemment. Il faut donc que l’on caractérise différemment un bâtiment qui consommerait en s’engageant sur des périodes d’utilisation bien précises.
Pour l’électricité, il faudra donc passer de la trace carbone temporalisée selon différentes périodes.
Quid des usages domestiques dans le futur label environnemental ?
Le futur label est une avancée vers le bâtiment à énergie positive. La production vient combler la consommation annuelle, mais quels usages intègre-t-on dans la consommation ? Nous y mettons bien entendu les 5 usages de la RT 2012 (chauffage, climatisation, eau chaude sanitaire, éclairage, auxiliaires), et il faudra donc aller plus loin en rajoutant les usages domestiques, c'est-à-dire la consommation des appareils ménagers, des ordinateurs, TV et box diverses, avec leur lot de consommation de veille.
Ainsi, ce nouveau label intégrerait l’usage domestique en indiquant une consommation conventionnelle cette fois-ci globale. Et un avantage serait donné à ceux qui possèdent un système de délestage et une puissance installée modérée. Les compteurs intelligents peuvent détecter tous ces types de consommations domestiques et devraient se développer au plus vite sur tout le territoire national.
Future réglementation BEPOS ou futur label RT 2012 : pour un seul bâtiment et pour aussi un groupe de bâtiment ?
La tendance est que le futur label environnemental se base sur un mixte des labels actuels Effinergie-Bepos 2013 et HQE performance. Dans le label Effinergie-Bepos 2013, il y a déjà une évaluation de la mobilité durable liée à la desserte des transports en commun liée à ladite construction.
Ce futur label intègrera les lignes de force de la RT 2020, c'est-à-dire du BEPOS, bâtiment à Energie Positive, et sera par conséquent étendu « au collectif », c'est-à-dire l’ilot et plus, et pourra être ainsi un label « BEPOS à plusieurs ».
Pour un immeuble neuf en construction, rien ne nous empêchera d’utiliser le toit d’un garage voisin et d’y installer des panneaux photovoltaïques. Le toit du seul immeuble en construction étant restreint, le promoteur aura tout intérêt à valoriser son bilan à énergie positive sur tout l’ilot et à chercher des solutions collectives. Il faudrait sans doute trouver l’équivalent du marché des quotas carbone. Je pourrais imaginer ainsi des échanges de quantas d’énergie positive carbone au niveau de l’ilot collectif.
Rappelons-nous que le BEPOS est intéressant et rentable quand il est collectif. Echanger de la chaleur avec des bureaux voisins, ou avec un supermarché, remplacer le toit du hangar voisin par un toit neuf photovoltaïque est possible au même titre qu’il est possible aujourd’hui d’installer des antennes téléphoniques sur le toit d’immeubles. Le promoteur qui voudra bénéficier du label et qui voudra améliorer son COS ira négocier avec ses voisins. C’est faisable et présente un intérêt collectif. C’est pourquoi il est imaginable d’intégrer dans le futur label cette dimension de BEPOS collectif avec toujours comme ligne de mire une économie d’échelle et de coûts.
Meilleures qualités énergétique et environnementale, est-ce compatible avec une baisse des coûts.
Oui cela sera nécessaire et inévitable. Le contraire n’est pas imaginable, c'est-à-dire augmentation des performances et augmentation des coûts. Comment baisser les coûts de construction ? Un groupe de travail animé par moi-même s’est penché sur la problématique de « développer des matériaux innovants et inventer des nouvelles façons de construire et de rénover ». Cela a donné un apport complet de 66 pages « Objectifs 500 000 » remis à la ministre en charge de l’époque ; madame Cécile Duflot.
Dans ce rapport, de nombreuses pistes sont proposées pour construire mieux et moins cher. Depuis le changement de méthodes notamment en conception, la simplification des normes et des réglementations, le travail collaboratif autour de la maquette virtuelle, …, peuvent permettre une baisse drastique des coûts de construction. Nous verrons ceci dans les prochaines chroniques en septembre.
- Un abonnement gratuit est également possible à la lettre mensuelle « le regard d’Alain MAUGARD » www.xpair.com/moncompte.htm
Par Philippe NUNES
Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d'XPAIR, ex-dirigeant de bureaux d’études (Project Ingénierie et Ingetec), il intervient en apportant son éclairage et son expérience de plus de 25 ans dans les métiers du génie climatique et énergétique.
AUTRES CHRONIQUES de Philippe NUNES
- L’attestation acoustique en résidentiel neuf : objectifs
- Guide Technique de l’Habitat, version E-book offerte
- Débat sur la Transition Energétique : synthèse des propositions
- Balcons et coursives métalliques rapportés : Règles de l’Art
- VMC Simple Flux en rénovation habitat : Règles de l’Art RAGE
- Le BEPOS, échanges et regards d’Alain Maugard
- Pompe à chaleur sur eau de mer ou géothermie eau de mer
- Conception d'une installation pompe à chaleur eau de mer
- Pompe à chaleur air-air : simplement une solution BBC
- Maîtres d'œuvre : concevez une climatisation optimisée
- Les futurs labels Effinergie® - Au-delà de la RT 2012
- Contrat de performance énergétique – Questions et réponses
- Chaudière hybride, éco-générateur, les nouvelles chaudières !
- RT 2012 : Architectes et Ingénieurs, comment allez-vous faire ?
- La pompe à chaleur gaz intéressante pour le collectif BBC
- Chauffage et confort d'été par zonification (ou zoning)
- La domotique va muter avec Orange, Google, ...
- Pompe à chaleur sur eau de mer pour 54000 m² à la Seyne/Mer
- Coût d'une maison basse consommation
Merci pour cette remarque de bon sens. Les professionnels sont asphyxiés de normes toutes plus contraignantes les unes que les autres. Les normes PMR inapliquables en sont un autre exemple.