Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Dans mon avant-dernière lettre je vous ai parlé du développement durable, et promis de revenir sur deux manières de traiter le problème ; la "manière française" et la "manière américaine". Cette lettre est consacrée à la deuxième.
Pourquoi choisir les Etats-Unis ?
Parce que l'expérience m'y paraît assez convaincante, et intéressante. D'abord l'implication d'un nombre croissant d'Etats, ce qui - je dois l'avouer - m'a surpris. Ensuite une implication directe par l'organisme en cause, le "Green Building Council" dans la sponsorisation des expositions nous concernant, au côté des syndicats de constructeurs (ARI, etc...), de l'association des ingénieurs (ASHRAE), et différentes organisations professionnelles américaines.
De quelle action s'agit-il ?
L'organisme de base est le "U.S. Green Building Council". Au début
je craignais qu'il soit plus un auteur de discours qu'une source d'action sur
les réalités. Appeler "Bâtiments Verts" les bâtiments
construits selon des principes très généraux me paraissait
l'indice d'une réponse potentiellement démagogique. Je dois constater
qu'il n'en est rien, et ce à travers quatre indices.
1. En 2001 c'est environ 1% des nouvelles constructions tertiaires US (les seules
concernées pour le moment) qui revendiquaient l'appartenance aux "Bâtiments
Verts". En 2004 c'est déjà 4%.
2. Parallèlement toutes les organisations concernées ont su comprendre
que les "Bâtiments Verts" ne se développeraient pas sans
prévoir un système - léger mais efficace - de formation.
Avec (USA l'exige) un système d'accréditation des participants
à ces formations.
3. En 2004, l'association américaine de notre secteur, l'ASHRAE (l'AICVF
américain) a publié un ouvrage fort bien réalisé,
avec beaucoup de conseils pratiques à côté des discours
généraux, "l'ASHRAE Green Guide", qui est en passe de
devenir un best-seller dans nos métiers.
4. Outre les Etats, un certain nombre de municipalités préparent
des dispositions financières et légales visant à faciliter
le développement des bâtiments verts dans les zones en cause.
Vu de France se serait l'acte politique d'un parti bien déterminé.
Aux USA l'action semble politiquement neutre et efficace. Ce n'est probablement
pas l'image à laquelle vous vous attendiez.
Peut-on indiquer le contenu de l'action que vous signalez ?
Le contenu est un peu difficile à percer au premier abord, car il est
préfacé de discours écologiques très généraux.
Puis, progressivement, les aspects pratiques se précisent, et deviennent
très importants, très au-delà de ce que nous pouvons indiquer
ici.. Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez d'ailleurs consulter le site
Internet du US Green Building Council : www.leedbuilding.org.
Si vous approfondissez le contenu des propositions vous serez peut-être
surpris d'y constater un assez faible intérêt apparent pour les
économies d'énergie, mais c'est une illusion car les énergies
font pleinement partie de l'opération "Green Building".
S'agit-il finalement d'un système d'évaluation particulier et différent du nôtre ?
Oui, en particulier sur le plan de la simplicité. Dans ce système
il y n'y a que cinq "cibles" :
1. le site (un peu oublié en France)
2. l'eau
3. l'énergie
4. les matériaux
5. l'environnement intérieur.
Dans chaque catégorie figure des exigences minimales à respecter
(les "prerequisites") en même temps que les procédures
d'évaluation environnementale globales un peu différentes des
nôtres.
Ces procédures sont-elles vraiment très particulières ?
Souvent oui, mais en restant simples. Sur le plan pratique nous ne sommes pas loin du concept de certificats développés par ailleurs. Dans un grand nombre de documents américains figure l'acronyme "Leed" (LEED rating system®) : c'est le mode d'évaluation du niveau d'adéquation aux préoccupations du développement durable. C'est la base de la certification "Bâtiment Vert".
Ces procédures font-elles l'objet de soutiens sérieux ?
Incontestablement oui. Par exemple, à travers l'ouvrage de l'ASHRAE, le "Green Guide", dont vous trouverez ci-après quelques extraits.
Un bâtiment vert est un bâtiment dont les performances sont élevées pendant
toute sa durée de vie, et ce dans les domaines suivants :
. Consommation
minimale des ressources naturelles non renouvelables, des ressources épuisables
d'énergie, du sol, de l'eau et des matériaux (ce qui entraîne en particulier
une utilisation maximale des ressources renouvelables sans les bâtiments).
. Emissions minimales vers l'atmosphère des produits ayant un impact négatif,
en particulier ceux relatifs à l'effet de serre, au réchauffement de la
planète, y compris les particules, ou les pluies acides.
. Rejets minimaux
d'effluent liquides nocifs et de déchets solides, y compris ceux résultant
de la démolition des bâtiments lors de leur fin de vie.
. Impacts négatifs
minimaux sur l'écosystème du site.
. Qualité maximale de l'environnement
intérieur, y compris qualité de l'air, environnement thermique, éclairage,
aspects acoustiques et visuels. (traduction libre de l'auteur, à partir
du Green Guide ASHRAE).
Les quatre premiers objectifs de l'encadré correspondent bien au développement
durable au sens strict. Il n'en est pas des même du dernier. C'est une
des raisons (mais ce n'est pas la seule) qui font que je préfère
parler d'un objectif un peu plus restreint mais nettement plus efficace, celui
du développement souhaitable. Nous y reviendrons dans la prochaine lettre
….
Dans ma prochaine lettre, comme je viens de l'indiquer, nous parlerons
du "développement souhaitable", un terme qui va peut-être
vous surprendre.
Roger CADIERGUES