Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Avant d'engager de nouveaux thèmes, dont je vous reparlerai bientôt, il m'a semblé nécessaire de recadrer l'avenir de nos métiers du génie climatique, sans en cacher pour autant les crises actuelles. Cette lettre, suivant la précédente sur ce point, tente de vous indiquer concrètement le motif essentiel de mes interrogations.
Vous semblez parler d'évolution "révolutionnaire" de nos métiers : n'est-ce pas exagéré ?
Parler d'évolution ou de retournement, sinon de révolution, peut évidemment paraître exagéré. Mais j'espère vous montrer que nous n'en sommes pas très loin. Pour ce faire, je vais d'abord prendre un exemple simple et central, que j'aurais volontiers titré "Le colosse qui s'effrite". Il s'agit de l'immotique, de la domotique ou de la GTC (la gestion technique centralisée) comme vous voudrez. Ne vous y trompez pas, je ne cède pas à l'habitude qui veut que, depuis plus de 30 ans, on nous promet pour demain un avenir radieux grâce à "la domotique". Je suggère simplement que nous revoyions ensemble ce qu'il en advient, et surtout de ce qu'il va probablement en advenir. Et ce indépendamment de la taille des installations.
Un historique est-il vraiment nécessaire ?
Rassurez-vous, je ne vais pas faire un historique exhaustif de la GTC. Pendant des très nombreuses années les fournisseurs d'automatismes se sont battus à coup de protocoles personnels, rendant les systèmes de marques différentes incapables de coopérer. Puis les tentatives d'unification sont venues. Assorties hélas (en Europe en particulier) de tentatives beaucoup trop nombreuses, débouchant sur de multiples échecs. Même si différents systèmes semblent actuellement conserver leur chance de subsister, je me limiterai ici à celui d'entre eux qui me semble capable d'ouvrir vraiment l'avenir, je veux dire "BACNet" sous ses versions les plus récentes. L'aventure de ce protocole est d'ailleurs très instructive.
Qu'entendez-vous par là ?
L'histoire est assez curieuse. Durant les années 1980 nous avons tous
été plus ou moins irrités par la multiplicité et
l'incommunicabilité des protocoles de gestion technique. Et ce jusqu'à
ce qu'un ingénieur de l'université Cornwell ait suscité,
en 1987, la création d'un comité ad-hoc au sein de l'association
américaine des ingénieurs (ASHRAE), aboutissant plusieurs années
plus tard au standard "BACNet" (1995). L'objectif, sans nuire à
l'individualisation des systèmes de GTC, était de leur permettre
de communiquer entre eux sans difficulté sérieuse.
Je passe sur les versions successives de BACNet, sur l'échec de nombreuses
tentatives européennes parallèles, et sur la transformation finale
de BACNet en norme internationale ISO (16464-5). Ce qui me paraît important
ce ne sont pas ces aventures passées, mais l'évolution récente,
largement en cours, de BACNet, avec en particulier "BACNet/IP". Tous
les travaux en cause sont la résultante d'un accord entre l'ASHRAE, les
constructeurs d'automatismes et le laboratoire de tests BACNet.
En quoi BACNet, et en particulier BACNet/IP vous paraît-il fondamental ?
En ce que les auteurs de ce système (que je décrirai plus loin) ne se sont probablement pas encore tout à fait rendu compte de ce que leur action allait très au-delà de la gestion technique. Et qu'elle portait en puissance une évolution profonde de l'équipement technique du bâtiment et des "facilities". C'est ainsi que BACNet/IP contient les éléments qui font que les équipements (dans leur majorité) et les utilisateurs (quelle que soit l'importance de l'installation) pourront aisément communiquer. Les réseaux pourront transmettre, entre équipements ou entre équipements et utilisateurs ou gestionnaires (ou l'inverse), non seulement des informations, mais aussi des consignes ou des commandes. Et ce à tout moment, avec de grandes facilités, là où joueront certainement toutes les techniques "mobiles", téléphoniques ou non, en plein développement.
Pourquoi parler surtout de BACNet/IP ?
Tout simplement parce que BACNet, dans ce cas, utilise le protocole de communication
Internet IP. De ce fait la majorité des techniques nouvelles de communication
pourront ainsi être mises au service de nos équipements, les commandes
et informations vocales par exemple, ou les services Web sur lesquels je reviendrai.
Ainsi devrait se développer - ce que j'ai annoncé depuis des années
- une fusion "informationnelle" complète et croissante entre
les systèmes matériels aussi bien qu'entre ces systèmes
et les utilisateurs ou gestionnaires. D'une manière générale
entre la conception et l'action, sans limite de taille bien entendu.
En fait cette évolution, plus ou moins inévitable, est sous-jacente
et totalement universelle en génie climatique aussi bien qu'en équipement
technique en général. La limiter à la GTC, ou même
aux automatismes, comme semble l'induire le fait de se référer
à BACNet, est une réduction intempestive des évolutions
qui se préparent. Reste à vous dire pourquoi, et comment. C'est
ce qui me reste à vous démontrer. Ce sera pour la semaine prochaine.
Dans ma prochaine lettre, je reviendrai donc sur ce sujet. En indiquant en particulier le sens que peuvent avoir les différents services imaginés pour BACBet/IP, l'affaire ne se limitant pas aux communications entre réseaux de gestion technique de marques différentes.
Roger CADIERGUES